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Elisabeth Baume-Schneider: "Quand on parle de migration, on est dans l'émotionnel"

L'interview d'Élisabeth Baume-Schneider
L'interview d'Élisabeth Baume-Schneider / 19h30 / 5 min. / le 4 avril 2023
Après cent jours à la tête du Département fédéral de justice et police, Elisabeth Baume-Schneider était l'invitée du 19h30 mardi, en marge d'une visite à Genève, où elle a pu rencontrer des réfugiés ukrainiens. L'occasion pour la conseillère fédérale d'aborder l'épineux sujet de la migration et de l'asile en Suisse.

Voilà plus d'un an que les conséquences de la guerre en Ukraine se font ressentir un peu partout en Suisse. Présente mardi à la halle genevoise de Palexpo, qui a été réquisitionnée depuis le mois de mai 2022 pour loger des réfugiés ukrainiens, Elisabeth Baume-Schneider n'a pas caché son émotion.

"C'est un lieu improbable, une grande halle. Mais on ressent beaucoup d'humanité et de professionnalisme chez les gens qui encadrent ça. Cela montre l'importance d'un maillage complémentaire entre la Confédération, les cantons, les communes, les ONG mais aussi la société civile. Il y a encore 30% des Ukrainiens et des Ukrainiennes qui sont dans des familles d'accueil en Suisse. C'est donc beaucoup d'émotion et de reconnaissance", explique-t-elle.

"Bien expliquer les enjeux"

Mais cet accueil n'est pas sans poser de véritables défis, surtout qu'il se double des demandes d'asile classiques, qui sont reparties à la hausse depuis la fin des mesures Covid en Europe.

Problèmes de logements, coûts pour la société suisse ou encore criminalité, comme au centre fédéral de requérants d'asile de Boudry, dans le canton de Neuchâtel. En année électorale, les critiques se multiplient.

>> L'interview intégrale d'Elisabeth Baume-Schneider :

Interview d'Elisabeth Baume-Schneider
Interview d'Elisabeth Baume-Schneider / L'actu en vidéo / 13 min. / le 4 avril 2023

La cheffe du DFJP dit comprendre les craintes mais estime toutefois qu'il faut faire attention à ne pas tomber dans la caricature. "On fait des corrélations et souvent ces corrélations cherchent un bouc émissaire (...) je trouve que c'est là que le politique a une responsabilité. Celle de bien expliquer les enjeux de cette migration", dit-elle.

Il faut bien comprendre que cette pression migratoire est la résultante de cette ignoble guerre en Ukraine

Elisabeth Baume-Schneider

"Il faut bien comprendre que cette pression migratoire est la résultante de cette ignoble guerre en Ukraine, qui a mis des millions de personnes sur les chemins de la migration en Europe et qui a amené jusqu'à 80'000 personnes en Suisse (...) il faut ajouter à cela les chiffres somme toute assez habituels des demandes d'asile, de l'ordre de 24'000 l'année passée, des chiffres similaires à ceux d'avant la pandémie", détaille-t-elle.

Pour Elisabeth Baume-Schneider, c'est donc bien cette accumulation de deux phénomènes qui crée "un champs de tensions et des défis extrêmement importants".

"On ne peut pas stopper la migration"

Mais alors, que peut faire la Suisse face à ces flux? Pour la conseillère fédérale socialiste, il n'est pas possible de "stopper la migration". Une observation qui ne l'empêche pas d'entrevoir des solutions qui la rendent plus tolérable.

Ce qu'on peut faire au niveau de la migration, c'est être juste dans l'accueil et travailler sur le plan européen

Elisabeth Baume-Schneider

"Ce qu'on peut faire au niveau de la migration, c'est être juste dans l'accueil et travailler sur le plan européen. Avec l'Europe, si on travaille de manière concertée, si on donne des règles précises sur ce qui peut et doit se passer aux frontières et si on est solidaires de la répartition des migrants et des migrantes, on peut trouver des réponses", juge-t-elle.

Pour la Jurassienne, le plus important est de se conformer au droit. "La sécurité du droit est vraiment la garantie d'un droit d'asile humanitaire et juste", dit-elle.

"On n'est jamais tout à fait dans le juste"

Interrogée enfin sur les nouvelles recommandations concernant la vente obligatoire des voitures de réfugiés ukrainiens touchant l'aide sociale, la conseillère fédérale estime qu'il faut là encore expliquer calmement la situation.

"Quand on parle de migration, on est très en lien avec une dimension émotionnelle, on n'est donc jamais tout à fait dans le juste", estime la conseillère fédérale.

Dans ce cas-là, "certains vont vous dire que c'est mesquin, parce que les gens qui voudront repartir en Ukraine n'auront plus leur voiture. Et d'autres vous diront qu'ils sont à l'aide sociale, qu'ils doivent faire des choix, ne savent pas s'ils peuvent aller chez le dentiste ou pas et penseront peut-être que les Ukrainiens et Ukrainiennes qui arrivent les empêchent de trouver un appartement", ajoute-t-elle.

Pour la conseillère fédérale en charge du Département fédéral de justice et police, il est alors important de toujours "expliquer" ces situations, "de documenter les chiffres" et surtout de ne pas "jouer les populations vulnérables les unes contre les autres".

>> Revoir le reportage du 19h30 sur Elisabeth Baume-Schneider et la migration :

Élisabeth Baume-Schneider confrontée au dossier de la migration
Élisabeth Baume-Schneider confrontée au dossier de la migration / 19h30 / 1 min. / le 4 avril 2023

Propos recueillis par Philippe Revaz

Adaptation web: Tristan Hertig

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"Je suis extrêmement rigoureuse"

Elu en même temps qu'Elisabeth Baume-Schneider, l'UDC Albert Rösti a récemment confié être étonné de la charge de travail exigé pour un conseiller fédéral.

La socialiste explique de son côté qu'elle s'attendait à cela, mais admet avoir désormais d'importantes responsabilités. Des responsabilités qu'elle ne souhaite toutefois pas voir "comme un poids", mais plutôt comme "une chance, une opportunité."

Questionnée également sur les changements nécessaires à un tel poste, notamment dans l'attitude demandée, peut-être un brin plus austère, Elisabeth Baume-Schneider ne s'estime pas bridée.

"C'est vrai que je suis plutôt de nature spontanée mais je suis aussi extrêmement rigoureuse et organisée dans la manière de documenter mes dossiers. Le mandat ne donne pas l'habit qu'on doit porter mais tout simplement l'envie d'être à la hauteur et de contribuer dans un exécutif ou encore de rendre compte au Parlement. Et j'aime beaucoup ça", conclut-elle.