Chaque Helvète parcourt en moyenne 30 kilomètres par jour, le plus souvent en voiture
Les déplacements ont duré en moyenne 80 minutes chaque jour, trajets à pied compris, selon l'enquête présentée jeudi par l'Office de la statistique et celui du développement territorial. En 2015, cette durée était de 90 minutes.
La pandémie a fortement influencé le comportement de déplacement de la population, constatent les responsables de l'étude. En 2021, plusieurs mesures contre la propagation du virus étaient en vigueur. Les chiffres sont donc à prendre avec des pincettes.
La baisse des distances parcourues touche presque tous les moyens de transport, mais pas dans le même ordre de grandeur. Les distances effectuées en train ont diminué de 35%, alors que la baisse est de 13% pour la voiture.
Deux tiers de la distance en voiture
C'est en voiture que la population a parcouru plus de deux tiers des distances effectuées en Suisse (20,8 km par jour). Les voitures comptaient en moyenne moins d'occupants en 2021, soit 1,53 personne, contre 1,56 en 2015. Le taux est encore plus bas sur la route du travail, avec 1,09 personnes à bord. Selon le relevé, 78% des ménages possèdent au moins une automobile.
Après avoir baissé entre 1994 et 2010, la part de jeunes de 18 à 24 ans détenant un permis de conduire a augmenté, s'établissant à 66%.
Les deux-roues motorisés ont parcouru 30% de moins de trajet, contre 11% de moins pour les vélos. Exception: les trajets en vélo électrique ont explosé, les distances parcourues ayant pratiquement triplé. D'ailleurs, 20% des ménages en possèdent au moins un, soit neuf fois plus qu'en 2010.
Réduction des voyages à l'étranger
L'OFS observe une nette réduction des voyages à l'étranger. Ceux-ci "ont accusé une diminution particulièrement forte, leur part dans les voyages d’une journée tombant de 10% en 2015 à 4% en 2021 (soit 0,4 voyage à l’étranger par personne). Ce net recul résulte probablement aussi de la pandémie de Covid-19, car il n’a été possible, durant certaines périodes en 2021, de franchir les frontières nationales que sous certaines conditions (certificat de vaccination, résultat de test négatif...)", est-il écrit dans l'étude.
Par conséquent, la distance annuelle moyenne parcourue par personne lors de voyages en dehors des frontières s'est réduite de 66% (contre 19% en Suisse) par rapport à 2015.
Les loisirs, principal motif de déplacement
En comparaison avec 2015, les distances journalières ont diminué pour tous les motifs de déplacement, mais elles sont restées stables pour les achats.
Malgré la pandémie, les loisirs sont restés le principal motif de déplacement, avec 43% des kilomètres effectués. Là aussi, la voiture arrive en haut du podium.
Pour comprendre la popularité de l'automobile lors des loisirs, l'émission Forum a fait appel à Sylvain Guillaume-Gentil, le directeur général de Transitec, une société spécialisée dans la mobilité.
"Les loisirs sont souvent dispersés au niveau géographique et dans le temps, cela peut être le week-end ou la nuit. On essaie souvent d'aller dans des endroits moins urbains: on cherche le vert et à s'aérer. Ou alors on a des bagages. Il y a de nombreux paramètres qui font que, lors des loisirs, il est souvent plus difficile de se défaire de la voiture", explique l'ingénieur civil.
"Il y a un énorme travail à faire"
Interrogé dans le 19h30, Vincent Kaufmann, directeur du Laboratoire de sociologie urbaine et d'analyse des mobilités de l'EPFL, estime quant à lui que l'offre de transports publics doit être adaptée aux déplacements pour les loisirs.
"Il y a un énorme travail à faire. C'est une question d'horaire, pour qu'on puisse se déplacer le soir et le week-end dans les heures creuses. C'est aussi une question de destinations: il faut que les transports publics soient facilités à destination des régions touristiques", soutient-il, évoquant également le manque de liaisons ferroviaires directes pour aller ailleurs qu'en Suisse, au sud de la France ou en Espagne, par exemple.
Des politiques environnementales souhaitées
La distance parcourue dépend aussi de l'âge. Chez les adultes, plus on est jeune et plus on se déplace. Les 18-24 ans ont effectué 40 kilomètres par jour, contre un peu moins de 37 kilomètres pour les 25-44 ans et près de 33 kilomètres pour les 45-64 ans.
Quant aux mesures politiques à prendre, aux yeux de la population, il faut en priorité optimiser les transports publics et réduire l'impact environnemental du trafic. Ces questions passent avant l'amélioration des aménagements cyclables, routiers ou piétons. Les personnes interrogées plébiscitent des mesures de fluidification du trafic et les incitations financières à l'achat de véhicules faibles en émissions.
Le microrecensement a lieu tous les cinq ans et avait été repoussé d'une année à cause du confinement de 2020. Le sondage représentatif a été effectué par téléphone auprès de 55'000 personnes.
ats/ami
Désintérêt pour le covoiturage
L'étude montre un désintérêt de la population pour le covoiturage. De manière générale, une seule personne occupe son automobile sur le chemin du travail. Sylvain Guillaume-Gentil ne s'étonne pas de ce résultat, confirmé "enquête après enquête". Selon lui, le taux "désespérément bas" d'occupation du véhicule est lié au manque de politiques pour faire la promotion du covoiturage.
"On a bien quelques petits parkings, par-ci, par-là, vers les jonctions autoroutières et des entreprises qui favorisent peut-être le stationnement pour les covoitureurs. Mais globalement, il n'y a pas de politique publique forte, avec des voies réservées, des incitations, etc. Les gens n'ont finalement pas intérêt à covoiturer", explique-t-il.
En France, la pratique a plus la cote, indique l'expert, en raison de l'offre de transports publics moins étoffée qu'en Suisse et de "contraintes financière pour certains".