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Le National désavoue le Conseil fédéral sur le rachat de Credit Suisse

Session parlementaire extraordinaire sur le Credit Suisse: Le Conseil des États critique vivement les garanties accordées en urgence par le Conseil fédéral
Session parlementaire extraordinaire sur le Credit Suisse: Le Conseil des États critique vivement les garanties accordées en urgence par le Conseil fédéral / 19h30 / 2 min. / le 11 avril 2023
Les garanties fédérales pour le rachat de Credit Suisse achoppent au National. Contrairement aux sénateurs, les députés ont refusé mardi soir les crédits urgents de 109 milliards de francs. Ils désavouent ainsi la stratégie du Conseil fédéral.

Credit Suisse s'est retrouvé dans la tourmente mi-mars après l'écroulement de la Silicon Valley Bank. Ses titres ont chuté en bourse, menant à son rachat par UBS. La Confédération et la Banque nationale suisse (BNS) ont actionné plusieurs instruments pour encadrer la fusion. La BNS a mis à disposition des deux banques 150 milliards de liquidités qui ne sont pas soumis au Parlement.

L'Etat a lui apporté sa garantie pour un montant de 109 milliards de francs. Un premier crédit de 100 milliards permet de garantir les prêts octroyés par la BNS à Credit Suisse. Le second de 9 milliards est destiné à UBS. Ce sont ces deux enveloppes qui ont été rejetées par 102 voix contre 71, grâce à une "alliance contre-nature" de la gauche et de l'UDC au National.

>> Ecouter la réaction du conseiller national (Vert'libéraux/GE) Michel Matter dans La Matinale :

Michel Matter, conseiller national Vert'libéral genevois. [Keystone - Alessandro della Valle]Keystone - Alessandro della Valle
Le National désavoue le Conseil fédéral sur le rachat de Credit Suisse: interview de Michel Matter / La Matinale / 1 min. / le 12 avril 2023

La décision n'est toutefois pas définitive. Le projet doit repasser devant les sénateurs. Même si ces derniers retournaient leurs vestes et refusaient finalement les crédits, l'impact du vote serait quasi-inexistant, car les montants ont déjà été engagés. Le rejet des députés résonne plus comme un désaveu du gouvernement.

Garde-fous supplémentaires rejetés

Le parti conservateur a rejeté d'entrée de jeu les crédits. "Dans le sillage du sauvetage d'UBS, nous avons réclamé une solution à la problématique des 'too big to fail'. Mais l'alliance du PLR et du Centre a fait échouer le projet", a accusé Thomas Aeschi (UDC/ZG). Et d'estimer que des banques trop grandes pour faire faillite ne devraient plus exister en Suisse.

Le camp rose-vert aurait pu accepter les crédits, sous conditions. Il a exigé des garde-fous plus stricts pour les grandes banques. Les bonus doivent notamment être réduits et le ratio de fonds propres relevé. "L'idée n'est pas de régler tous les détails déjà maintenant. Il s'agit de fixer des filets de sécurité plus élevés pour la place financière", a expliqué Mattea Meyer (PS/ZH), critiquant l'inaction passée de la majorité bourgeoise du Parlement.

>> Voir le commentaire de Valérie Gilloz,

dans le 19h30

, sur la fronde au sein du Parlement:

Le commentaire de Valérie Gillioz sur la fronde qui s'empare du Parlement contre le sauvetage de Credit Suisse
Le commentaire de Valérie Gillioz sur la fronde qui s'empare du Parlement contre le sauvetage de Credit Suisse / 19h30 / 1 min. / le 11 avril 2023

Vote favorable des sénateurs

Plus tôt dans la journée, les sénateurs ont avalisé après cinq heures de débats les crédits urgents soumis au Parlement d'un montant total de 109 milliards de francs par 29 voix contre 6 et 7 abstentions. Mais les critiques ont fusé pour dénoncer les manquements qui ont mené à la crise.

La chute de Credit Suisse est très douloureuse, que ce soit pour les collaborateurs, les épargnants, mais aussi pour les entreprises, a déclaré Hansjörg Knecht (UDC/AG). "De tels événements sapent la confiance dans notre économie et dans notre Etat." Il faut désormais redouter le risque que fait courir UBS, de par sa taille, à la Suisse, a-t-il dit.

"La débâcle de Credit Suisse est une grande catastrophe pour la Suisse, sociale, politique et économique", a renchéri Benedikt Würth (Centre/SG). "Le dégât collatéral est énorme". Du point de vue libéral, il est "déroutant" que l'argent du contribuable serve à rattraper les erreurs d'une entreprise privée, a regretté Olivier Français (PLR/VD).

>> Les explications dans Forum :

Rachat de Credit Suisse: un suspense à 109 milliards au Conseil national
Rachat de Credit Suisse: un suspense à 109 milliards au Conseil national / Forum / 2 min. / le 11 avril 2023

Dirigeants de Credit Suisse pointés du doigt

La plupart des intervenants ont fustigé les dirigeants de la grande banque. "Malheureusement, les managers de Credit Suisse n'ont rien appris des erreurs du passé", a estimé Peter Hegglin (Centre/ZG). Roberto Zanetti (PS/SO) a parlé de "Bankster irresponsables". Tout ce gâchis est à mettre au compte de cette "caste de managers", a ajouté Thierry Burkart (AG), président du PLR.

Pour Beat Rieder (Centre/VS), cette affaire suscite un grand ressentiment au sein de la population dont il faut tenir compte. Charles Juillard (Centre/JU) est aussi d'avis qu'on lui doit des explications.

Les sénateurs ont souligné la nécessité de prendre des mesures. Certains ont insisté sur la nécessité de réviser la réglementation des "too big to fail". Plusieurs veulent renforcer l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Tous veulent réduire les risques afin qu'une telle situation ne se reproduise plus. Un postulat a été tacitement adopté pour faire toute la lumière sur la crise bancaire.

>> Ecouter aussi l'interview du conseiller national Pierre-André Page (UDC/FR) dans Forum :

L’UDC refuse le plan de sauvetage de Credit Suisse: interview de Pierre-André Page
L’UDC refuse le plan de sauvetage de Credit Suisse: interview de Pierre-André Page / Forum / 2 min. / le 11 avril 2023

Un rapport sur le rachat

Le rachat de Credit Suisse par UBS devra être étudié sous toutes ses coutures, notamment par l'intermédiaire d'un rapport. Les sénateurs ont tacitement adopté un postulat de commission. Le texte demande des clarifications non seulement sur la taille de la nouvelle banque, mais aussi sur la poursuite des activités de Credit Suisse, la situation concurrentielle d'UBS ainsi que les compétences de la FINMA ou les exigences en matière de fonds propres.

Il s'agit d'un rapport complet sur le fond, qui donne une vision d'ensemble de la situation et non seulement de Credit Suisse, a relevé Johanna Gapany (PLR/FR) pour la commission. Le but est de récolter des informations pour pouvoir examiner si des modifications législatives sont nécessaires. "Nous pouvons et devons travailler pour qu'une telle situation ne se reproduise pas."

Le Conseil fédéral était également favorable au postulat. Il a déjà annoncé s'engager à rendre un rapport dans un délai d'un an.

edel et vajo avec ats

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Des votes sans effet contraignant ou rétroactif

Cette session extraordinaire a été convoquée à la demande de 118 élus du Conseil national et de sept sénateurs. Selon eux, le Parlement doit avoir son mot à dire sur une affaire d'une telle portée.

Formellement, les Chambres fédérales ne peuvent pas empêcher le rachat de Credit Suisse par UBS avec l'aide de la Confédération. Les 109 milliards de francs de garantie ont déjà été approuvés en urgence par la Délégation des finances du Parlement. Le vote des plénums n'a donc aucun effet contraignant ou rétroactif. Mais les Chambres peuvent introduire des conditions-cadre à l'utilisation des crédits.

Prévoir un encadrement législatif

Invité dans La Matinale de la RTS mardi, l'ancien conseiller aux Etats Luc Recordon (Vert/VD) le confirme: "Lorsque le Conseil fédéral prend des décisions qui ont une portée juridique qui lie la Confédération en vertu du droit d'urgence, les pouvoirs du Parlement sont forcément limités. En revanche, là où on peut faire quelque chose, c'est dans la législation future", relève-t-il.

"On vit dans une économie de marché où les responsabilités doivent être prises par le secteur privé. Mais quand il est à ce point défaillant, vous êtes forcés de prévoir quand même un encadrement législatif pour pallier ces graves défaillances, y compris en termes de responsabilité des dirigeants", explique Luc Recordon.

Les pouvoirs du Parlement sont forcément limités. En revanche, là où on peut faire quelque chose, c'est dans la législation future.

Luc Recordon, ancien conseiller aux Etats (Vert.e.s/VD)

Selon lui, pour l'instant, "tant le code des obligations que la législation sur les banques sont insuffisants pour ce qui est des restitutions de bonus, voire des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés aux dirigeants". Il estime toutefois que "si les managers savent que dorénavant ils vont devoir rendre des comptes, je pense que les aventuriers, dont on a assisté aux péripéties ces dernières années, pourraient être tentés à l'avenir d'être plus sérieux".

>> Voir l'interview de Luc Recordon dans La Matinale mardi :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Luc Recordon, ancien conseiller aux Etats (Verts-VD)
L'invité de La Matinale (vidéo) - Luc Recordon, ancien conseiller aux Etats (Verts/VD) / La Matinale / 12 min. / le 11 avril 2023

Pas de commission d'enquête parlementaire

L'institution d'une commission d'enquête parlementaire (CEP) ne figure pas au programme de cette session. Le bureau du National l'exigeait pour faire toute la lumière sur les responsabilités, mais celui des Etats préfère temporiser, le temps que les commissions de gestion dégrossissent l'affaire.

Cette solution satisfait le conseiller national (Le Centre/GE) Vincent Maitre. Selon lui, une CEP n'est pas indispensable. "C'est un outil qu'on utilise vraiment comme ultima ratio et qui est malgré tout assez coûteux et lourd à mettre en place", explique-t-il.

Michaël Buffat, conseiller national (UDC/VD), estime en revanche qu'il faut envisager la création d'une commission d'enquête parlementaire "pour faire toute la lumière sur ce qui s'est passé et notamment sur le rôle de la FINMA".