La Suisse conteste sa condamnation par la CEDH pour les interdictions de manifester en 2020
Lorsque la pandémie a touché l'Europe en 2020, le Conseil fédéral avait interdit, par voie d'ordonnance, toute manifestation publique ou privée entre le 16 mars et le 30 mai. Ces mesures avaient ensuite été progressivement assouplies et l'interdiction de manifester levée le 20 juin, sous condition du port du masque.
Durant cette période, les syndicats ont notamment été empêchés de manifester à l'occasion du 1er mai. Or, dans son premier arrêt, la Cour de la CEDH - saisie par la Communauté genevoise d'action syndicale - a considéré, à quatre voix contre trois, que l'article 11 de la Convention européenne, qui consacre la liberté de réunion et d'association, avait été violée et que les autorités suisses ont ainsi bafoué "un des fondements d'une société démocratique".
Pour l'avocat des syndicats Olivier Peter, il s'agit surtout de soulever le débat autour de la liberté syndicale en Suisse. "La Suisse est régulièrement critiquée au niveau international pour des restrictions contre les syndicats et les syndicalistes", estime-t-il. Donc le simple fait d'avoir pu porter le débat devant cette haute instance "est déjà une victoire".
Deux enjeux
En septembre 2022, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre (composée de 17 juges internationaux) à la demande du Conseil fédéral, qui conteste ce jugement. Pour les autorités suisses, il y a deux enjeux principaux dans cette procédure. Tout d’abord, sur la pondération faite entre le droit de manifester et les mesures sanitaires nécessaires à ce moment, la Confédération maintient sa position. Ensuite, il y a la question de la procédure en elle-même.
En effet, la Confédération conteste aussi ce premier jugement car les syndicats ont directement saisi la CEDH sans passer au préalable par la justice du pays. L'avocat de la Confédération souhaite éviter une jurisprudence qui permettrait de "court-circuiter" les tribunaux suisses. "Nous pensons que la justice en Suisse fonctionne et qu'elle mérite d'être saisie", déclare-t-il.
Il juge ainsi "discutable" la première décision de la CEDH de considérer qu'il était admissible de ne pas utiliser les recours internes. "Nous pensons que même pendant la première vague de pandémie, les tribunaux suisses ont toujours continué à fonctionner et il était toujours possible d'obtenir une décision de justice."
L'audience devant la Grande Chambre a duré environ deux heures et le verdict ne devrait pas tomber avant la fin de l’année, voire le début de l’année prochaine.
Tania Sazpinar/jop