Le refus italien des demandes d'asile met en lumière les failles du système de Dublin
Cette dispute entre Berne et Rome met en lumière les problèmes grandissants du système européen face à la hausse des demandes d'asile. Et au coeur de la discorde, des êtres humains attendent d'être fixés sur leur sort.
Après avoir pris la route des Balkans ou traversé la Méditerranée, les plus de 300 requérantes ou requérants concernés par les négociations avec l'Italie sont arrivés en Suisse. Certains sont Syriens, Tunisiens ou encore Iraniens mais la majorité vient d'Afghanistan, pays dévasté par les conflits et sous le contrôle des talibans.
Nouvelle demande possible après six mois
Mais comme ces personnes ont d'abord été enregistrées en Italie à leur arrivée sur sol européen, selon le système Dublin, c'est Rome qui doit traiter leur demande. La Suisse, elle, n'entre pas en matière et cherche à les renvoyer.
Or, cette option est impossible depuis début décembre: le gouvernement italien a suspendu les procédures car il estime être "débordé", et ne semble pas disposé à céder aux pressions européennes.
Les requérants attendent donc, mais un délai approche: au-delà de six mois passés sur sol helvétique, ils auront le droit de déposer une nouvelle demande d'asile, cette fois-ci en Suisse.
Quantité tout à fait gérable
Face à cette situation, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) rappelle que l'accueil de 300 personnes n'est pas ingérable pour les structures suisses. Par la voix de sa porte-parole Anne Césard, il affirme toutefois être en contact à tous les niveaux avec les autorités italiennes. La cheffe du Département de justice et police Elisabeth Baume-Schneider a en outre dit vouloir se rendre à Rome avant l'été.
Du côté des politiques, la droite appelle à durcir le ton. "Il serait faux d'en faire une affaire d'Etat", tempère la sénatrice écologiste Lisa Mazzone. Elle dénonce toutefois un "vrai déficit de solidarité" entre les différents pays membres des accords de Dublin.
"La Suisse doit porter une partie de cette solidarité et donc prendre en charge ces demandes", poursuit-elle, mettant au passage en perspective les 300 personnes en question face aux dizaines de milliers d'Ukrainiennes et Ukrainiens accueillis l'année dernière.
Pour rappel, jusqu'ici la Suisse a surtout profité du système de Dublin pour renvoyer quatre fois plus de requérants qu'elle n'en a repris.
Que va faire l'Italie?
L'Italie vit depuis cet hiver une augmentation des arrivées. La semaine dernière, le gouvernement de Giorgia Meloni déclarait l'état d'urgence, et il est désormais face à un dilemme: aménager davantage d'infrastructures, ou durcir le bras de fer avec les partenaires européens pour un partage différent entre les pays de l'espace Dublin.
Etienne Kocher/jop
La hausse de demandes d'asile se poursuit en Suisse
Selon les chiffres du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), le nombre de demandes d'asile a augmenté de 12,6% en mars par rapport à février en Suisse. Sur une année, la hausse est de plus de 44%. Les principaux pays de provenance sont l'Afghanistan et la Turquie.
Au total, cela représente 1893 requêtes en mars, soit 580 de plus qu'une année auparavant.
Outre la Turquie (371 demandes) et l'Afghanistan (368), les pays dans le peloton de tête sont l'Erythrée (198), le Maroc (166) et l'Algérie (108), indique le SEM.
Sur la même période, le SEM a traité 2307 demandes d'asile. Plus de 650 ont abouti à une décision de non-entrée en matière, dont 540 sur la base de l'accord de Dublin. Il a en outre accordé l'asile à 542 personnes et 690 ont eu droit à une admission provisoire prononcée en première instance.
Le nombre de cas en suspens en première instance s'élève à 11'972, soit 331 de moins qu'en février.