A Berlin, Alain Berset réaffirme l'opposition suisse à la réexportation de matériel de guerre
A l'occasion de sa visite d'Etat à Berlin, Alain Berset a une nouvelle fois condamné fermement la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
Dans ce contexte, le conseiller fédéral a souligné l’importance de défendre le droit international et le multilatéralisme: "La communauté internationale doit unir ses forces en faveur de la population ukrainienne, chaque pays devant faire sa part en fonction de ses points forts."
La Suisse veut miser en particulier sur l’aide humanitaire, les bons offices et le processus de reconstruction du pays, lancé en 2022, à Lugano. Ces six prochaines années, le Conseil fédéral entend mettre à disposition au moins 1,8 milliard de francs pour l’Ukraine.
La Suisse ne soutient militairement aucune partie
La Suisse ne s'écartera toutefois pas de l'interdiction de réexportation de matériel de guerre, a rappelé le président de la Confédération.
"La neutralité signifie que la Suisse ne soutient militairement aucune partie dans les conflits", a-t-il déclaré lors de la conférence de presse conjointe avec Olaf Scholz à Berlin. "Vous ne pouvez pas nous demander d'enfreindre nos propres lois."
"Il est important que nous respections les règles et que nous les adaptions si nécessaire", a poursuivi le Fribourgeois. Ce dernier a rappelé que neutralité ne voulait cependant pas dire indifférence: "Maintenir la neutralité, c'est aussi être crédible. La communauté internationale doit unir ses forces en faveur du peuple ukrainien."
Une pression de plus en plus forte
Depuis plusieurs mois, La Suisse subit une forte pression internationale pour autoriser la réexportation de matériel de guerre fabriqué en Suisse. L'Allemagne aimerait livrer à l'Ukraine des munitions suisses pour le char anti-aérien Gepard.
Olaf Scholz a ainsi dit "espérer" une évolution de la position de Berne. "Nous savons que l'Ukraine a besoin de soutien, y compris en armes et en munitions, c'est pourquoi l'Allemagne a déposé plusieurs demandes pour savoir ce que l'on pourrait faire pour améliorer la situation et mieux tenir compte des besoins de l'Ukraine", a expliqué le chancelier.
Et d'ajouter: "Nous avons pris connaissance des décisions prises jusqu'à présent et suivons de très près le débat très animé en Suisse et espérons qu'il se passe quelque chose", a ajouté Olaf Scholz.
>> Lire aussi : L'Allemagne fait pression sur Berne pour pouvoir exporter des munitions suisses vers l'Ukraine
L'Espagne et le Danemark ont formulé des demandes similaires. Le Conseil fédéral a jusqu'à présent rejeté ces requêtes en se référant au droit de la neutralité et à la loi sur le matériel de guerre.
Deux initiatives appelant à un assouplissement de la réglementation sur la réexportation ont échoué lors de la session de printemps au Parlement. Plusieurs initiatives parlementaires à ce sujet sont toujours en suspens.
La Suisse garde une marge de manoeuvre
Interrogé dans Le 19h30 de la RTS, l'ancien ambassadeur de Suisse en Allemagne Tim Guldimann affirme que la Suisse a une marge de manoeuvre dans ce dossier: "Bien sûr, il y a la loi sur l’exportation du matériel de guerre, mais si on le veut, on peut changer la loi."
L'ancien ambassadeur fait la distinction entre l'exportation de matériel de guerre, régi par le règlement sur la guerre terrestre de 1907 de la Convention de La Haye, et l'autorisation de permettre aux autres pays de réexporter le matériel suisse qui est régi par la loi suisse.
La guerre en Ukraine a créé une nouvelle situation mondiale, suite à laquelle l’Allemagne a dû changer de nombreux principes politiques, selon Tim Guldimann. "Implicitement évidemment, l'Allemagne s’attendait à ce que la Suisse change aussi sa position."
Une dynamique positive
Alain Berset a aussi profité de son déplacement en Allemagne pour présenter les priorités de la Suisse au sein du Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2023-2024 (paix durable, protection des populations, efficacité accrue du Conseil et sécurité climatique). Il a évoqué la préparation de la première présidence suisse à venir. Le conseiller fédéral présidera, fin mai, une séance consacrée à la protection des civils dans les zones de conflit.
Lors des échanges sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne, Alain Berset a souligné l’importance pour les deux parties d’entretenir de bonnes relations. Selon un communiqué du Département fédéral de l'intérieur (DFI), la dynamique positive qui s’est instaurée ces derniers mois a notamment été mise en avant lors des discussions.
Lors de leurs derniers entretiens, la Suisse et l’UE ont réussi à s’entendre sur l’approche sectorielle proposée par le Conseil fédéral. Il s’agit maintenant de clarifier les questions en suspens afin de définir une base commune en vue de préparer un mandat de négociation.
Olaf Scholz et Alain Berset ont par ailleurs loué les bonnes et étroites relations entre leurs pays. Le chancelier a déclaré que cela se manifestait par "la proximité avec laquelle nous nous coordonnons. Nous défendons la démocratie, l'Etat de droit, les droits de l'homme et l'ordre international fondé sur des règles partout dans le monde."
miro avec ats