Voilà près de deux ans que la Suisse a rompu les négociations avec l'Union européenne sur un accord-cadre institutionnel. Pour Berne, deux points spécifiques posent problème: la protection des salaires et l'immigration.
Entre la Confédération et l'UE, les discussions exploratoires se succèdent pour tenter de clarifier les questions institutionnelles dans certains accords.
Il y a un mois, Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne en charge du dossier, a expliqué lors d'une visite en Suisse qu'il espérait aboutir à une solution d'ici l'été 2024, après avoir rencontré Ignazio Cassis mais aussi des autorités cantonales et des partenaires sociaux.
"Je peux comprendre la lassitude"
Mais si les signaux semblent donc être au vert, de nombreuses déclarations de progrès ont été faites au cours des dix dernières années sans jamais qu'elles se concrétisent véritablement.
Pour Petros Mavromichalis, il est donc compréhensible de douter après tant d'années de négociations. Pour autant, il estime que ces avancées lentes sont normales dans des systèmes démocratiques.
"Je peux comprendre qu'il y ait un certain scepticisme ou une certaine lassitude mais d'un autre côté, on ne peut résoudre les problèmes qu'en discutant et en négociant. C'est comme ça que l'on fait dans une démocratie. Or la Suisse est une démocratie et l'Union européenne aussi", explique-t-il.
L'UE est prête à faire des compromis pour tenir compte des spécificités de la Suisse.
"On va y arriver"
Le diplomate européen se veut pourtant serein et estime qu'un accord sera trouvé. "Nous voulons absolument arriver à une solution, donc oui, on va y arriver", juge-t-il.
Pour débloquer la situation, Petros Mavromichalis considère qu'il faudra trouver certains compromis. Souvent décrite comme inflexible, l'Union européenne aurait d'ailleurs au contraire, selon lui, déjà fait preuve de beaucoup de flexibilité.
"Je dis qu'il faut de la flexibilité des deux côtés. L'UE a démontré à de nombreuses reprises au cours des années précédentes qu'elle est prête à faire des compromis pour tenir compte des spécificités de la Suisse. Nous n'avons jamais fermé la porte et nous ne la fermerons jamais. La Suisse est un partenaire important, un bon voisin, avec qui nous partageons les mêmes valeurs", ajoute--t-il.
Des lignes rouges
Si l'Union européenne est donc prête à faire des concessions pour trouver des accords avec la Suisse, l'ambassadeur a aussi tenu à rappeler certaines limites et lignes rouges, qui ne peuvent être franchies selon lui.
Nous ne permettrons pas à un partenaire, quel qu'il soit, d'interpréter nos règles de façon divergente
"Il arrive un moment où on n'a plus rien à donner, tout simplement parce qu'on a vidé ses poches et parce qu'il y a des sujets qui sont pour nous non-négociables, car liés à notre ordre juridique, à notre façon de faire", dit-il.
Et de détailler: "Certains principes ont été édictés par la Cour européenne de justice, comme la primauté du droit communautaire ou l'effet direct de certaines règles du droit communautaire (...). Cela permet au marché intérieur européen de fonctionner de façon équitable, avec des règles valables pour tous. C'est un acquis extrêmement important auquel nous n'allons pas renoncer (...), nous ne permettrons pas à un partenaire, quel qu'il soit, d'interpréter nos règles de façon divergente, car cela signifierait la fin du marché intérieur".
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Tristan Hertig
Programme Horizon: "La Suisse n'a pas été punie"
Après la rupture des négociations sur l'accord-cadre en 2021, la Suisse a été formellement écartée du programme européen de recherche Horizon.
Pour Petros Mavromichalis, cette situation ne doit pas être perçue comme "une punition" de la part de Bruxelles, la Suisse ou tout autre pays n'ayant pas de "droit particulier" à participer à ce programme".
D'après l'ambassadeur, les discussions sont pourtant bel et bien en cours à ce sujet, mais il faudra attendre d'avoir un accord général pour voir cette situation se débloquer.
"Lorsqu'il y aura un accord sur les autres sujets, il y aura un accord, j'en suis convaincu, sur la participation de la Suisse au programme communautaire Horizon", explique-t-il, avant de rappeler un adage: "Tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, il n'y a d'accord sur rien".