Depuis 2018, les banques remplacent peu à peu leurs cartes classiques par des cartes de débit direct Maestro ou Visa. La Poste a par exemple intégré les fonctionnalités de la Debit Mastercard à sa carte Postfinance.
Stefano Campana est responsable des cartes à la Banque cantonale de Fribourg, la première à émettre la nouvelle Debit Mastercard dès 2018. Interrogé par On en parle, il explique le principal changement pour la clientèle: "Cela concerne surtout les paiements en ligne et la digitalisation des cartes dans les porte-monnaie numériques comme Apple Pay et Samsung Pay, ou dans les applications mobiles comme celle des CFF. Nous souhaitons les rendre accessibles à tout le monde."
Autre changement, le prix. Par exemple, à la BCF, si la carte Maestro coûtait 30 francs par an, la Mastercard coûte désormais 10 francs de plus, soit 40 francs. Une augmentation que Stefano Campana justifie: "En contrepartie, nous avons supprimé les frais de blocage et de remplacement."
Une grande différence chez les commerçants et PME
Du côté des commerçants et des PME, l'utilisation de ces nouvelles cartes a entraîné une forte augmentation des frais. Selon le site spécialisé Moneyland, sur un appareil fixe de Worldline, la multinationale française de services de paiement et de transactions leader du marché, le coût fixe par transaction est de 28 centimes avec la carte Maestro et 23 centimes avec la carte Postfinance classique. Les coûts des nouvelles cartes par transaction additionnent un montant fixe de 10 centimes à un pourcentage du prix: 0,5% pour Debit Mastercard et 1% chez Visa. Sur un achat de 100 francs dans un petit commerce, ces frais passent donc à 60 centimes avec Debit Mastercard et 1 franc 05 avec Visa Debit, contre 28 centimes avec la carte Maestro.
Monsieur Prix est déjà intervenu pour limiter ces hausses en 2021. Pour Mastercard, les commissions sont plafonnées à deux francs par transaction et chez Visa, trois francs.
Malgré cela, la situation est parfois jugée intenable pour les petits commerces, qui refusent l'usage de la carte en dessous d'un certain montant, voire facturent les frais de carte à leur clientèle. C'est le cas de Richard Demierre, artisan boucher à Vaulruz (FR). "Si l'on additionne tous les frais, il faudrait augmenter les prix de la viande au point que les gens ne viendraient plus à la boucherie. Pour l'instant, je n'augmente pas mes prix, mais je facture les frais de carte. En 2021, j'ai payé des frais de carte de 16'000 francs."
Pour Stefano Campana, il s'agit d'un abandon de certains frais au profit d'autres: "La gestion du cash en soi coûte aussi. Il y a le risque de vol, le fait qu'il doive aller déposer l'argent. Ce sont des coûts qu'il n'a pas pris en compte dans son calcul."
Les commissions d'interchange, le nerf de la guerre
Cette augmentation des prix est due notamment aux nouvelles commissions d'interchange bancaires, qui n'existaient pas avec la Maestro. Elles sont prélevées par les acquéreurs et reversées aux banques. En Suisse, plusieurs acquéreurs sont présents, dont le leader Worldline, Nets et SumUp. En plus de mettre des terminaux de paiement à la disposition des commerces, ces entreprises s'occupent aussi de la gestion des risques, des mesures de prévention de la fraude et mettent à disposition un service d'assistance technique.
Contactée par On en parle, Marianne Bregenzer, directrice générale de Nets pour la Suisse, apporte quelques précisions. "Les frais des commerçants se composent de trois parts: les commissions d'interchange, qui reviennent aux banques émettrices des cartes, les frais d'utilisation des réseaux de cartes Visa et Mastercard et notre part, pour couvrir nos dépenses. Nous n'avons aucune influence sur les deux autres frais, que nous ne faisons que transmettre." Elle ajoute qu'en plus de l'ajout des commissions d'interchange, les frais d'utilisation des cartes ont augmenté. En revanche, Nets n'a pas augmenté ses frais.
"Ces frais représentent entre deux et 20 centimes au maximum. Ils nous permettent de développer l'infrastructure, de respecter les normes de sécurité et de couvrir nos frais. La Maestro n'a pas évolué pendant 20 ans, parce que nous n'avions pas ces frais", répond Stefano Campana. Il précise que les frais couvrent "le paiement des fournisseurs Visa et Mastercard et les infrastructures informatiques."
Sujet radio: Isabelle Fiaux et Bastien von Wyss
Adaptation web: Myriam Semaani
Du côté politique
Pour donner suite aux protestations des associations professionnelles, deux motions ont été déposées au Parlement à Berne pour supprimer les commissions d’interchange pour les cartes de débit. Contactée par On en parle, la Commission de la concurrence a confirmé que des discussions sont en cours avec Visa, Mastercard et les banques.