De quoi s’agit-il?
Le Parlement a accepté une nouvelle législation sur le climat en septembre 2022. La Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCI) vise à accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Elle prévoit que la Suisse atteigne d’ici 2050 la neutralité climatique, c’est-à-dire qu’elle réduise à zéro net son bilan d’émissions de gaz à effet de serre.
En d’autres termes, cela signifie que la Suisse ne devra pas émettre plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en absorbera par les puits de carbone naturels, comme les forêts, ou par des moyens techniques (technologies de captage et d’élimination du CO2).
La nouvelle loi fixe des objectifs et des buts intermédiaires pour la réduction des émissions et vise à garantir que les flux financiers soient investis d’une manière plus respectueuse du climat. Il s’agit d’une contre-proposition indirecte à l’initiative pour les glaciers, qui a été rejetée tant par le Parlement que le gouvernement, car jugée excessive.
Quelles différences par rapport à l’initiative?
L’initiative populaire lancée par l’Association suisse pour la protection du climat demandait une réduction des émissions nettes de CO2 à zéro d’ici 2050 et l’interdiction de la consommation de combustibles fossiles à partir de cette date. La référence aux glaciers s’explique par le fait que leur fonte est l’une des conséquences les plus visibles du changement climatique en Suisse.
Le gouvernement et la majorité du Parlement se sont opposés à une interdiction des combustibles fossiles. Un contre-projet a donc été élaboré, qui reprend les éléments essentiels de l’initiative, mais ne mentionne pas explicitement l’interdiction des énergies fossiles. Il prévoit également un soutien financier – de deux milliards de francs sur dix ans – pour le remplacement des systèmes de chauffage au gaz ou au mazout par des systèmes plus respectueux du climat, ainsi qu’un soutien pour encourager l’innovation technologique dans les entreprises.
Le Parlement a opté pour la formule du “contre-projet indirect” qui, à la différence du “contre-projet direct”, ne prévoit pas de modification constitutionnelle. L’avantage est qu’en cas d’approbation dans les urnes, la nouvelle loi pourra entrer en vigueur rapidement. L’Association pour la protection du climat, satisfaite des délibérations parlementaires, a décidé de retirer son initiative et de soutenir le contre-projet.
Qui s’oppose à cette loi et pourquoi?
L’UDC, seul parti gouvernemental à s’opposer au projet, a lancé le référendum et a réussi à récolter plus du double des 50’000 signatures requises. Pour la formation de Marco Chiesa, cette nouvelle loi est un “gouffre à électricité” et elle est nuisible à l’économie et à la population.
Atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 signifie de fait interdire l’essence, le diesel, le mazout et le gaz, estime-t-elle. Par conséquent, les besoins en électricité augmenteront et les factures des ménages s’alourdiront de plusieurs milliers de francs par an, et ce en pleine crise énergétique, affirme le parti.
Ce n’est pas la première fois que l’UDC s’oppose à la politique climatique adoptée par les Chambres fédérales. En 2020, elle avait soutenu un référendum lancé par les milieux économiques contre la nouvelle loi sur le CO2, qui prévoyait une série de taxes et de mesures pour réduire les émissions. De manière inattendue, le texte avait été rejeté en votation populaire.
Qui soutient la loi sur le climat?
Au Parlement, le contre-projet indirect a été soutenu par des représentants de tous les grands partis, de la gauche au PLR en passant par le centre, à l’exception de l’UDC.
Pour les associations environnementales et le comité qui avait soutenu l’initiative pour les glaciers, la loi sur le climat permettra à la Suisse de se libérer des énergies fossiles et de bénéficier d’une plus grande indépendance énergétique. Les investissements dans des technologies et des processus innovants permettront également de créer des emplois, affirment les partis qui soutiennent la nouvelle loi.
Quel est le poids des énergies fossiles et renouvelables en Suisse?
La Suisse importe environ 70 % de l’énergie qu’elle consomme. Il s’agit principalement de pétrole brut, de produits pétroliers, de gaz et de charbon. Parmi les principaux fournisseurs de pétrole figurent le Nigeria, les États-Unis et la Libye. La Suisse fait partie des pays européens qui dépendent le plus du pétrole pour le chauffage des bâtiments: environ six habitations sur dix sont chauffées avec des combustibles fossiles, même si ces dernières années, et en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine, on observe une augmentation des pompes à chaleur.
Les 30% restants des besoins énergétiques sont couverts par la production domestique d’électricité. Deux tiers de l’électricité proviennent de sources renouvelables, principalement de l’hydroélectricité, tandis qu’un tiers est généré par des centrales nucléaires.
En Suisse, l’énergie photovoltaïque et l’énergie éolienne ne sont pas aussi développées que dans les pays voisins. En revanche, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique suisse est supérieure à la moyenne européenne.
Les pays qui visent la neutralité climatique
Quelque 130 pays ont annoncé souhaiter atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 ou, comme la Chine et la Russie, d’ici 2060. Ensemble, ils représentent environ 90% des émissions mondiales. Toutefois, les engagements actuels ne suffisent pas à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris sur le climat.
Aucun pays ne fait face à la crise climatique de manière adéquate, selon le New Climat Institute. Cette ONG a examiné les émissions, l’utilisation des énergies renouvelables et les politiques climatiques mises en œuvre dans 59 pays ainsi que dans l'Union européenne. La Suisse se classe au 22e rang de son Climate Change Performance Index 2023 (CCPI), en recul de sept place par rapport à l’année dernière. La Confédération doit "améliorer ses politiques" et "accélérer leur mise en œuvre", selon les experts internationaux qui ont établi le CCPI.
Le Climate Action Tracker (CAT), un groupe indépendant qui analyse les politiques climatiques des pays, juge l’action de la Suisse "insuffisante", une évaluation qui est principalement déterminée par le rejet de la nouvelle loi sur le CO2 dans les urnes. Si tous les pays agissaient comme la Confédération, l’augmentation de la température terrestre se situerait entre 2°C et 3°C, selon le CAT.
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Luigi Jorio/Swissinfo, adapté par Didier Kottelat