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La prescription d'opioïdes a fortement augmenté en dix ans en Suisse

Les opioïdes dits "faibles" représentent aussi des risques d'effets indésirables graves. [AFP - Fred Tanneau]
Les médecins suisses prescrivent beaucoup plus d’opioïdes qu'il y a dix ans / La Matinale / 1 min. / le 2 mai 2023
Les médecins suisses prescrivent beaucoup plus d’opioïdes qu'il y a dix ans. Une étude menée par l’hôpital de Baden a analysé les données de la SUVA. Elle montre que ces médicaments sont souvent proposés même pour des cas bénins.

Des opioïdes forts ont été nettement plus prescrits, aussi bien pour les blessures légères que graves, indique une étude de l'hôpital cantonal de Baden (KSB).

Entre 2008 et 2018, la prescription d'analgésiques opioïdes pour les blessures légères a augmenté de 91,4%. Pour les blessures graves, la hausse a été de 88,3%.

Des prescriptions injustifiées

Pourtant, il n’y a pas la moindre donnée qui justifie de recourir d’emblée à un opioïde dans ces cas-là, selon les médecins.

Ces prescriptions sont préoccupantes dans la mesure où les opioïdes ne sont pas plus efficaces que d'autres analgésiques en cas de douleurs de l'appareil locomoteur après un accident, mais entraînent souvent des effets secondaires indésirables.

>> Réécouter le sujet de CQFD "Comment les opioïdes entrent dans nos cellules" :

Activation de récepteurs aux opioïdes à l’intérieur d’une cellule. [UNIGE - ©Miriam Stoeber]UNIGE - ©Miriam Stoeber
Comment les opioïdes entrent dans nos cellules / CQFD / 10 min. / le 20 avril 2023

Le risque des opioïdes "faibles"

Mapi Fleury, pharmacienne clinicienne cadre au CHUV, s'inquiète surtout de l’utilisation des opioïdes "faibles" comme le Tramadol.

"Si vous prenez un opioïde dit "faible", vous avez tout autant de risque de présenter des effets indésirables graves et de devenir dépendant", explique-t-elle. La pharmacienne clinicienne met en garde: "Si on vous a prescrit du Tramadol, il faut commencer à questionner votre consommation".

Des effets indésirables graves peuvent survenir, comme la somnolence, des troubles respiratoires, parfois des hallucinations, et un risque de dépendance. En France, l’observatoire des décès toxiques par antalgiques montrait en 2018 que deux morts sur trois étaient liés à des opioïdes dits "faibles".

Grosse augmentation ces dix dernières années

Des études antérieures avaient déjà montré que la prescription d'opioïdes avait fortement augmenté en Suisse au cours des vingt dernières années, écrivent les auteurs de l'étude. Selon ces travaux, la Suisse fait partie des quatre plus grands prescripteurs d'opioïdes au monde. Ce qui est nouveau, c'est que cette tendance ne concerne pas seulement les douleurs tumorales, mais aussi les cas bénins.

Selon Mapi Fleury, cette augmentation s'explique notamment par la fausse image que l'on peut avoir des produits tels que le Tramadol. "On peut avoir l'illusion que ce n'est pas vraiment un opioïde, ce qui est évidemment faux", analyse-t-elle.

D'autres pistes à envisager

La volonté de soulager les patients pourrait également jouer un rôle important dans la prescription d'opioïdes. "Ce n'est pas facile d'être face à un patient qui présente des douleurs qui sont intenses et qui génèrent une épouvantable détresse", poursuit la pharmacienne clinicienne. "Le réflexe peut être d'offrir quelque chose dont on a l'impression qu'il va soulager immédiatement".

S’ils sont utiles dans la plupart des douleurs cancéreuses, selon la pharmacienne clinicienne, il faudrait d’abord envisager d'autres pistes, comme le paracétamol ou des thérapies ciblées, dans les cas bénins.

Sujet radio: Alexandra Richard
Adaptation web: Emilie Délétroz avec ats

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