Ces prochaines années, de nombreux agriculteurs atteindront l'âge de la retraite. La recherche de successeurs va s'intensifier et s'avère souvent compliquée. "Cela fait une bonne dizaine d'années que je pense à ma succession", explique Claude-Alain Gebhard, 66 ans, toujours actif, bâton à la main, sur ses terres à Vaux-sur-Morges (VD).
Ses enfants ont une part dans la société, mais "ils ne veulent pas devenir chefs d'exploitation", explique l'agriculteur.
"Ne pas pouvoir transmettre serait un deuil", poursuit Claude-Alain Gebhard. "Cela signifierait que l'entreprise n'existe plus, ses savoir-faire seraient perdus. Ce serait un gâchis."
Conditions différentes
Claude-Alain Gebhard s'active pour trouver une solution: "J'ai formé plusieurs apprentis de la région, j'ai aussi régulièrement reçu des jeunes néo-ruraux, mais pour le moment ça n'a jamais fonctionné". Le coût souvent élevé d'une ferme ne facilite pas les choses.
Car la loi sur le droit foncier rural fixe des conditions différentes si l’on est issu de la famille ou non. En cas de cession à un enfant par exemple, le prix est plus bas, c'est la valeur de rendement. Sinon, c'est la valeur vénale ou licite, à savoir ce que vaut l'exploitation sur le marché. Si la famille n’est pas intéressée, trouver un acquéreur pour toute l’exploitation peut donc devenir compliqué.
Quand aucun repreneur n'est trouvé, les exploitations sont souvent cédées à des voisins, qui agrandissent ainsi leur domaine.
Des jeunes intéressés
Pourtant, de plus en plus de jeunes se forment aux métiers de la terre et cherchent parfois à s'installer. Stéphane Stutz, 33 ans, en fait partie. Après une première formation en architecture, il a obtenu un CFC d'agriculteur: "Cela fait trois ans que je cherche".
Plusieurs de ses offres ont été refusées: "Elles obligent la famille ou les voisins ou des locataires de terrains à se positionner. Et souvent ils choisissent de reprendre la ferme."
"Mon patron m'a dit qu'il a mis dix ans à trouver une exploitation, donc je m'y suis mis tôt", relève Stéphane Stutz. En attendant, il effectue des dépannages agricoles et reste à l'affût: "Les informations sur des fermes à vendre sont très maigres. C'est souvent le bouche-à-oreille".
Opportunités à venir
Gérant de l’Office de crédit agricole de Prométerre, la chambre d’agriculture vaudoise, Daniel Kämpf accompagne des transmissions de fermes: "La réalité du marché fait que des exploitations environnantes peuvent devenir plus fortes et pérennes en reprenant une partie des terres de leur voisin qui arrête".
Selon lui, avec les baby-boomers qui atteindront l'âge de la retraite, il devrait y avoir des possibilités: "Le nombre de transferts d'exploitation est tendanciellement à la hausse. Il y aura d'autant plus d'opportunités d'avoir des transferts qui se font hors de la famille".
Sébastien Stutz se donne lui encore "deux-trois ans" pour trouver une exploitation. Quant à Claude-Alain Gebhard, il évoque 12 à 24 mois: "Je souhaite pouvoir accompagner cette transition. Sitôt que ça peut rouler sans moi, j'ai d'autres objectifs". A commencer par aller voir les ours polaires.
Coraline Pauchard, Guillaume Rey