Le 12 avril, Ueli Maurer et l'ambassadeur Wang Shihting ont eu un échange approfondi sur le "partenariat stratégique innovant", ainsi que sur "la coopération économique, financière et industrielle" entre les deux pays, a écrit l'ambassade de Chine sur son site internet. Une photo de la rencontre est également publiée.
La représentation de Pékin a rendu l'information publique ce mardi, jour où le Conseil national a approuvé le renforcement des relations avec le Parlement de Taïwan, une décision fustigée par Pékin.
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Sur le site de l'ambassade, Ueli Maurer - qui a quitté le gouvernement fin 2022 - est qualifié "d'ancien conseiller fédéral". Mais dans le corps du texte, il est décrit comme conseiller fédéral.
Les autorités suisses pas au courant
En Suisse, cette visite interroge. "Que fait Ueli Maurer chez les Chinois?", se demande par exemple le Blick jeudi. De son côté, le vice-chancelier et porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi a réagi en indiquant que la visite n'a pas été effectuée au nom du Conseil fédéral ou de la Suisse. Ueli Maurer n'avait pas de mandat, selon lui.
Le Département fédéral des affaires étrangères n'était pas non plus informé: "Il s'agissait d'une visite privée de l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer", écrit la Chancellerie fédérale, compétente pour ce genre de questions.
Par ailleurs, ce service a fait référence à l'"aide-mémoire", le code de conduite des membres du gouvernement. Après leur départ, ceux-ci doivent renoncer à toute activité susceptible de générer des conflits d'intérêts en raison de leur ancienne fonction.
Le secret de fonction est maintenu. Il n'y a pas d'autres règles concernant les rencontres d'anciens conseillers fédéraux. En outre, la Chancellerie fédérale ne commente pas la visite d'Ueli Maurer.
Pas de problème, dit l'UDC
De son côté, l'UDC refuse de prendre position officiellement. Dans les pas perdus, par contre, les élus du parti que la RTS a rencontrés sont unanimes: Ueli Maurer est libre de ses mouvements, il n’y a donc aucun problème.
"C'est une rencontre qui remonte à il y a un mois, dont l'ambassade de Chine fait état aujourd'hui dans le contexte d'un vote du Parlement. C'est la politique de communication de la Chine, je n'ai pas d'autre commentaire", réagit de son côté Yves Nidegger (UDC/GE) dans le 12h45.
De son côté, Ueli Maurer reste silencieux. Et il n'a jamais eu l'habitude de se justifier sur les polémiques lorsqu'il était conseiller fédéral. Il est donc peu probable qu'il le fasse aujourd'hui.
La gauche fustige
Dans les autres formations politiques, les réactions son nombreuses, beaucoup estimant qu'Ueli Maurer a été instrumentalisé. Et on critique au minimum un "manque d'élégance". La tradition veut en effet que les membres du gouvernement observent la devise "servir et disparaître".
A gauche, le conseiller national Nicolas Walder (Verts/GE) crie à la propagande dans le 12h45 de la RTS: "Je tombe des nues qu'un ancien conseiller fédéral tout récemment sorti du Conseil fédéral se prête à ce genre de propagande. Propagande interne aussi, pour montrer qu'il y a des relations très fortes avec le gouvernement suisse."
"Le plus grand parti de Suisse préfère défendre le business des familles UDC plutôt que le respect des institutions et la défense des droits de l’homme", déplore pour sa part le président des Verts Balthazar Glättli.
Le socialiste zurichois Fabian Molina, lui, évoque un grand risque de conflit d’intérêts. Il veut d’ailleurs relancer la discussion au Parlement sur une éventuelle période de retenue que les anciens membres du gouvernement devraient observer.
La droite temporise
En revanche, pour certains membre de la droite, la visite d’Ueli Maurer à l’ambassade chinoise pourrait même avoir du bon. "Il est important de montrer une ouverture au dialogue, même si on n’est pas d’accord avec son interlocuteur", soutient le centriste genevois Vincent Maitre. Pour le PLR vaudois Laurent Wehrli, "faire sentir à la Chine qu’elle n’est pas totalement ostracisée pourrait faciliter le travail de la Suisse, dans une période de tensions avec Pékin".
Ueli Maurer est dans son droit, notent aussi des élus de droite: les directives pour les anciens conseillers fédéraux ne concernant que les activités lucratives. L'aide-mémoire à l'intention des membres du Conseil fédéral précise que "les membres du Conseil fédéral qui souhaitent exercer une activité lucrative après l'expiration de leur mandat choisissent leurs nouvelles activités avec la circonspection nécessaire et renoncent à toute activité pouvant donner lieu à un conflit d'intérêts en raison de leur mandat précédent".
Ueli Maurer avait effectué une visite d'Etat en Chine pendant son année présidentielle en 2019. Il avait signé une déclaration d'intention dans le cadre de la "nouvelle route de la soie" dont l'objectif est de faciliter les échanges entre l'Asie et l'Europe en reliant les deux continents.
>> Retrouver tous les détails de cette visite : Le président Ueli Maurer reçu en visite d'Etat en Chine par Xi Jinping
Sujets TV et radio: Théo Jeannet et Marielle Savoy
Adaptation web: juma/boi avec ats