Le 24 mars dernier, Nouh participait à la première session des personnes en situation de handicap. Et ce Lausannois qui vit en chaise roulante comptait bien faire entendre sa voix. "Aujourd'hui, nous avons tous les outils en main pour nous faire entendre", s'est-il réjoui dimanche dans Mise au Point.
L'enjeu de cette session consistait en une meilleure inclusion des 1,8 million de personnes handicapées en Suisse. Pour cela, un domaine est particulièrement important: l'accès au marché du travail.
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Tollé après la révélation d'un salaire de 5 francs par mois
Le débat sur les salaires des personnes en situation de handicap dans les ateliers protégés est parti d'Etoy, sur la Côte vaudoise. L'institution spécialisée de l'Espérance accueille près de 300 personnes avec une déficience mentale.
Il y a quelques semaines, les parents d'un jeune résident se sont dit choqués du salaire de leur fils fixé à 5 francs par mois et ont médiatisé l'affaire. Si, depuis, ils ne souhaitent plus s'exprimer, la question de la rémunération reste ouverte.
À L'Espérance, les salaires des personnes en situation de handicap varient de 60 centimes à 2 francs de l'heure. C'est la vente de services ou d'objets produits dans les ateliers qui permettent de les verser.
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"On fournit plus qu'un salaire"
Les personnes handicapées touchent généralement d'autres revenus, à travers une rente AI qui peut atteindre plus de 2400 francs par mois, mais aussi des prestations complémentaires.
Pour Jean-Claude Pittet, directeur de l'Espérance, le chiffre d'affaires des ateliers est trop faible pour permettre une augmentation des salaires. "Ici, on fournit plus qu'un salaire, on fournit des repères spatiaux temporels, mais aussi une identité sociale. La plupart d'entre eux veulent continuer à travailler même une fois arrivés à l'âge de la retraite", assure-t-il.
Selon un rapport de 2020, le salaire moyen dans les ateliers en Suisse est de 2,15 francs de l'heure. L'institution essaie également d'intégrer ses bénéficiaires dans le marché du travail ordinaire, à temps partiel, lorsque cela est possible. Une dizaine de personnes sont concernées.
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De l'importance de l'accès au marché ordinaire
Nouh est lui aussi passé par un atelier protégé. Il effectuait de la publication assistée par ordinateur au tarif de 2,50 francs de l'heure. Après une formation spécialisée, c'est très souvent la seule voie qui est proposée aux personnes en situation de handicap.
Mais le jeune homme souhaite désormais travailler dans le marché ordinaire dans le domaine de l'administration ou du secrétariat. Pour ce faire, il se rend chez Pro Infirmis. Pas moins de 150 personnes à la recherche d'un emploi ou ayant trouvé du travail sont suivies par l'organisation.
"Les salaires proposés par les employés sont des salaires partiels puisqu'il reviennent en complément d'une rente AI à 100%. Il s'agit de postes sans pression sur la productivité", explique Muriel Cuendet-Schmidt, responsable service InsertH chez Pro Infirmis.
Les salaires horaires varient de 5 à 9 francs pour les périodes de stage, puis de 9 à 16 francs pour les personnes avec un contrat à durée indéterminée.
Sujet TV: Loïc Delacour
Texte web: Hélène Krähenbühl
Des entreprises pas toujours ouvertes
Le marché du travail est-il prêt à inclure les personnes handicapées? Après l'école obligatoire, Neeta a réalisé un apprentissage d'employée de commerce. Lors de la recherche de son premier emploi, elle a fait deux types de CV, dont un où elle ne précisait pas son handicap.
"Pour les postulations où j'ai indiqué mon handicap, je n'ai pas reçu de réponse (...) On sent assez vite que les portes se ferment", se désole-t-elle. Et d'ajouter: "J'ai ressenti beaucoup de colère et d'injustice, c'est aussi très vexant d'être discriminée alors qu'on a le même bagage professionnel".
Le même rendement
David, de son côté, a eu plus de chance dans ses recherches. Il a trouvé une place dans le marché ordinaire chez Swisscom. Malvoyant, il peut travailler grâce à des programmes spécifiques de lecture vocale ou pour agrandir l'affichage de son écran. Des outils qui lui permettent d'avoir le même rendement qu'un autre employé.
Il estime toutefois qu'un changement de mentalités doit d'abord passer par un changement de culture, avant de passer par un changement légal.