Modifié

La négociatrice en chef avec l'UE Livia Leu quitte son poste et est nommée à Berlin

Livia Leu, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et négociatrice en chef dans le dossier Suisse-UE, quittera ses fonctions cet été
Livia Leu, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et négociatrice en chef dans le dossier Suisse-UE, quittera ses fonctions cet été / 19h30 / 2 min. / le 10 mai 2023
La négociatrice en chef dans les relations entre la Suisse et l'Union européenne Livia Leu quittera son poste à la fin août. Selon ses voeux, elle reprendra ensuite la fonction d'ambassadrice à Berlin, a décidé mercredi le Conseil fédéral.

Livia Leu, 62 ans, quitte au bout de trois ans ses fonctions de secrétaire d’Etat du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Elle a notamment relancé les discussions après la rupture unilatérale par la Suisse des négociations sur un accord-cadre avec l'UE le 26 mai 2021.

Interrogée sur le moment choisi pour partir, l'intéressée estime que ce n'est pas un mauvais signal envoyé à l'UE: "Les discussions exploratoires arrivent à leur terme; les négociations proprement dites vont s'ouvrir: ce sont deux phases différentes qui exigent un changement d'équipe", a-t-elle dit devant la presse.

Elle-même se dit satisfaite du travail accompli: "Nous avons établi une dynamique positive avec l'UE". L'ambassadrice mise sur une "consolidation et une extension de la voie bilatérale". Quant à savoir si les négociations pourront être terminées avant l'entrée en fonction de la prochaine commission européenne en 2024, elle se montre prudente. "On ne peut jamais prédire la fin d'une négociation", a-t-elle répondu en toute diplomatie.

>> Relire : Livia Leu remplace Roberto Balzaretti pour reprendre le dossier européen

Poursuivre les discussions avec l'UE

Les entretiens exploratoires en vue d'un nouveau mandat de négociation avec l'UE sont aujourd'hui "bien avancés". Le Conseil fédéral devrait se prononcer fin juin sur les grands axes de ce mandat.

Livia Leu continuera à exercer ses fonctions de secrétaire d'Etat jusqu'à fin août. Le changement n'aura aucune incidence sur les discussions menées avec l'UE, précise le Conseil fédéral.

>> Les explications de Valérie Gillioz dans le 19h30 :

La démission de Livia Leu du poste de négociatrice des relations entre la Suisse et l'Union européenne interroge. L'analyse de Valérie Gillioz
La démission de Livia Leu du poste de négociatrice des relations entre la Suisse et l'Union européenne interroge. L'analyse de Valérie Gillioz / 19h30 / 1 min. / le 10 mai 2023

Les écueils du dossier européen

La Grisonne avait repris le difficile dossier européen des mains de Roberto Balzaretti. Mais déjà six mois avant la rupture, plusieurs points de l'accord-cadre étaient critiqués: les mesures d'accompagnement, la directive relative aux droits des citoyens européens et les aides d'Etat. Cette période est d'ailleurs marquée par une relative absence médiatique de la secrétaire d'Etat.

Sur le plan interne, elle dirigeait depuis le 1er janvier 2021 le secrétariat d’Etat du DFAE, réorganisé pour renforcer la cohérence de la politique extérieure de la Suisse. Sur cette base, elle a, en collaboration avec les autres départements, mis en place la nouvelle stratégie de politique extérieure 2024-2027.

Espoir de Bruxelles sur le calendrier

La Commission européenne a pris connaissance du départ de Livia Leu. Interrogé pour savoir si ce changement aurait un impact sur les entretiens exploratoires avec Berne, un porte-parole de l'exécutif européen s'est borné de déclarer que c'est au Conseil fédéral de décider qui doit mener les discussions pour la Confédération.

Mais, comme Livia Leu reste en poste jusqu'à la fin août, il y a encore assez de temps, a-t-il ajouté. La prochaine ronde d'entretiens exploratoires est prévue le 30 mai.

"Notre objectif reste le même", a souligné le porte-parole. L'UE veut boucler les discussions exploratoires le plus vite possible, pour pouvoir entamer des négociations. Elle souhaite terminer d'ici l'été 2024. "Nous faisons tout pour que le processus soit achevé à ce moment-là", a-t-il ajouté.

Première ambassadrice à Téhéran et à Paris

Par le passé, l'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey avait envoyé Livia Leu comme première ambassadrice à Téhéran en 2009. Elle y est restée jusqu'en 2013. Elle avait jugé l'obligation du port du voile dans ce pays comme secondaire au regard de la mission diplomatique. Lors de la visite de sa cheffe arborant un voile, elle-même portait un châle.

Elle avait ensuite été la première ambassadrice de Suisse à Paris en 2018 jusqu'à sa nomination en tant que négociatrice en chef pour les négociations avec l'Union européenne. Livia Leu, détentrice d'un brevet d'avocat du canton de Zurich, a rejoint le DFAE en 1989.

Relations tendues

A Berlin, Livia Leu sera chargée d’entretenir les relations politiques, commerciales, économiques, culturelles et scientifiques avec le principal partenaire de la Suisse. Mais depuis plusieurs mois, les deux pays voisins entretiennent des relations tendues.

Berne et Berlin ne sont pas d'accord sur la question de la neutralité et des réexportations d'armes suisses vers l'Ukraine. La Confédération a refusé à Berlin de réexporter quelque 12'000 munitions suisses pour des chars. La récente visite du président de la Confédération Alain Berset n'a pas permis d'aplanir les différends.

Livia Leu, diplomate de carrière, assume le choix personnel de vouloir repartir encore une fois à l'étranger. Et de nier tout problème relationnel avec Ignazio Cassis, le ministre des affaires étrangères.

Réaction des députés européens

Les députés européens se sont montrés réservés mercredi sur la démission de la secrétaire d'Etat Livia Leu. Seul l'eurodéputé conservateur Andreas Schwab s'est montré légèrement critique à l'égard du Conseil fédéral.

Président de la délégation permanente du Parlement européen pour les relations avec la Suisse, l'Allemand Andreas Schwab souhaite le meilleur à Livia Leu et espère qu'elle pourra "travailler de manière plus constructive et qu'elle soit autorisée à le faire" dans sa nouvelle position.

Pour l'eurodéputé autrichien Lukas Mandl, il appartient "entièrement à la Suisse de décider qui négociera pour elle". Il ne peut que recommander de "toujours intégrer la dimension parlementaire", a-t-il relevé.

ebut/dkot/ami/hkr avec ats

Publié Modifié

Réactions sous la Coupole fédérale

Le président de la commission des affaires étrangères du Conseil national Franz Grüter (UDC/LU) s'est montré surpris par la démission de Livia Leu.

"A y regarder de plus près, c'est le bon moment de démissionner si Livia Leu veut partir", a-t-il déclaré. "Une nouvelle étape difficile pour le dossier européen peut maintenant commencer avec le début des négociations proprement dites." Selon le Lucernois, les pourparlers n'avanceront "certainement pas rapidement".

Le représentant de l'UDC sous la Coupole dit avoir apprécié l'approche réaliste de Livia Leu. Elle a remarqué très tôt qu'un accord-cadre ne réussirait pas lors d'un référendum.

La démission de la secrétaire d'Etat Livia Leu arrive au mauvais moment pour le chef du groupe parlementaire PS Roger Nordmann. L'offensive de communication du DFAE de ces dernières semaines, selon laquelle des progrès ont été réalisés dans les négociations avec l'UE, "s'est donc évaporée dans les airs", a-t-il déclaré.

"Chaque fois que vous êtes proche d'un résultat possible dans les négociations avec l'UE, le négociateur en chef change", a critiqué Roger Nordmann. "Ainsi, vous n'obtiendrez jamais de résultat significatif!"

Pour le président de la commission de politique extérieure du Conseil des Etats Pirmin Bischof (Centre/SO), l'annonce du départ de Livia Leu est une surprise et arrive à un moment "politiquement délicat". C'est un choix de carrière de la secrétaire d'Etat, estime-t-il.