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Certains médecins interdits trouvent le moyen de continuer à exercer

Le médecin généraliste du Locle sanctionné par le canton de Neuchâtel exerce à nouveau en France. [RTS]
Le médecin généraliste du Locle sanctionné par le canton de Neuchâtel exerce à nouveau en France / La Matinale / 2 min. / le 11 mai 2023
Un tiers des médecins interdits de pratiquer en Suisse continueraient à exercer, révèle une enquête de la RTS. En restant dans le pays ou en partant à l’étranger, comme ce médecin du Locle, sanctionné à Neuchâtel et qui a aujourd’hui repris un cabinet en France.

Selon le Registre suisse des professions médicales, 36 médecins ont été interdits en Suisse ces cinq dernières années. C’est-à-dire qu’un canton leur a retiré leur autorisation de pratiquer, l’ultime sanction après l’avertissement, le blâme et l’amende. Sur ces 36 praticiens, au moins un tiers exerceraient toujours, d’après nos recherches.

Sur internet, tous et toutes sont encore référencés en tant que médecin, avec numéro de téléphone, adresse, et même horaires d’ouverture. Parfois, des avis Google de patients et patientes laissent soupçonner une activité récente.

Des consultations non remboursées

La RTS les a appelés pour vérifier s’ils sont bel et bien toujours actifs, prétextant vouloir prendre un rendez-vous médical. La plupart sont injoignables, mais certains, un tiers, ont accepté la demande de consultation. Aucun n’a mentionné la perte de son autorisation. Quelques-uns ont simplement précisé que les prestations ne seraient pas prises en charge par l’assurance. C’est normal, les caisses maladie ne couvrent que les médecins dûment autorisés.

Parmi les médecins sanctionnés, la RTS en a identifié quatre restés dans le même canton. Deux psychiatres, un gastro-entérologue et un généraliste. Ils bravent donc leur interdiction, c’est illégal et pourrait donner lieu à des plaintes pénales.

Deux médecins se sont déplacés ailleurs dans le pays. Il se situent dans une zone grise, puisque les autorisations sont cantonales, mais la loi sur les professions médicales prévoit qu’un canton qui interdit un praticien en informe les autres.

Et enfin sept sont partis à l’étranger, notamment en Allemagne, en Italie et en France. C’est le cas notamment de ce médecin du Locle qui a été sanctionné par le canton de Neuchâtel l’année passée pour avoir abandonné du jour au lendemain son cabinet et sa patientèle. Il a aujourd’hui très facilement retrouvé un cabinet où exercer, au fin fond du Vaucluse, une zone en situation de désert médical.

>> Lire aussi : Le médecin déserteur du Locle refait surface en France

Des cas marginaux mais graves

Ces cas sont marginaux mais n'en demeurent pas moins très graves. Ces médecins profitent en effet des failles du système, jouent avec les frontières cantonales et internationales et échappent aux contrôles des autorités sanitaires. Il faut dire que ces contrôles ne sont pas automatiques. Des dénonciations ou des plaintes de patients sont souvent nécessaires pour que les médecins frauduleux soient identifiés.

Le cas de l'ancien médecin du Locle n'étonne pas vraiment Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients. Car comme il l'explique dans La Matinale, le MedReg, soit le registre suisse des professions médicales, se distingue du casier judiciaire auquel les autorités étrangères peuvent avoir accès. "Donc ça ne m'étonne pas que certains essaient d'aller à l'étranger. C'est une faille qui est instinctivement facile à déceler."

Le nombre de cas n'est pas très élevé, les gens peuvent avoir confiance dans leurs autorités. Mais c'est vrai qu'un seul cas peut faire beaucoup de dégâts

Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients

Mais ce qui l'étonne le plus, c'est que certains médecins continuent de pratiquer en Suisse, et même parfois dans le canton même où ils sont interdits. "C'est une infraction pénale. Ces gens sont donc des criminels" insiste-t-il. "Heureusement, le nombre de cas n'est pas très élevé, les gens peuvent avoir confiance dans leurs autorités. Mais c'est vrai qu'un seul cas peut faire beaucoup de dégâts." Et d'ajouter: "Le vrai risque est que le médecin ne soit pas digne, n'ait pas les qualifications professionnelles, la manière et la déontologie pour soigner correctement. Et là, les risques sont évidents. Il peut y avoir des erreurs médicales et, au final, des patients peuvent décéder ou en tout cas être mal soignés."

"Il y a lieu d'agir"

C'est pourquoi, selon lui, il y a lieu d'agir sur ce point. Car comme il l'explique, lorsqu'un médecin est sous enquête pour faute professionnelle et qu'il est interdit de pratiquer dans un canton, rien ne sera inscrit dans le registre, du moins dans l'immédiat. Contrairement, là encore, au casier judiciaire. Par conséquent, dans l'intervalle, il lui sera tout à fait possible de s'installer dans un autre canton sans qu'il ne soit inquiété. "C'est peut-être là une modification qu'on peut envisager", note-t-il.

Et la problématique du manque de généralistes qui touche certaines régions du pays n'arrange rien au problème, poussant parfois à en chercher à l'étranger. "Il y a une tension entre l'intérêt politique de la commune de trouver rapidement un médecin, et les vérifications qui doivent être faites au préalable", souligne Baptiste Hurni. "On se rend bien compte qu'il y a une tentation d'aller trop vite ou de fermer les yeux, car ça arrange tout le monde. Si on dit au praticien qu'il faut six mois pour faire des contrôles, il ira peut-être ailleurs. Il faut donc mettre le curseur au bon endroit."

>> L'interview complète de Baptiste Hurni dans La Matinale :

Un médecin disparu du Locle est retrouvé dans le Vaucluse: interview de Baptiste Hurni
Un médecin disparu du Locle est retrouvé dans le Vaucluse: interview de Baptiste Hurni / La Matinale / 5 min. / le 11 mai 2023

Sujets radio: Flore Amos, Pôle Enquête, et Valérie Hauert

Adaptation web: Fabien Grenon

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