L'impôt minimal de l'OCDE ne profitera qu'aux plus riches selon le comité contre la réforme
La réforme portée par l'OCDE et le G20 prévoit un taux d'imposition d'au moins 15% au niveau mondial. Il sera appliqué sur le bénéfice des groupes dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions d'euros. En Suisse, quelques centaines d'entreprises helvétiques et quelques milliers de filiales de groupes étrangers sont concernées, mais pas les 600'000 PME.
Concrètement, le projet prévoit que la Suisse instaure un impôt complémentaire, couvrant la différence entre la charge fiscale actuelle, en dessous de 15% dans une majorité des cantons et l'impôt minimal. Il accorde 75% de l'enveloppe aux cantons et 25% à la Confédération.
"Occasion manquée"
La question n'est pas de savoir si une imposition minimale pour les grandes entreprises doit être mise en place ou pas, a avancé le conseiller national (PS/AG) Cédric Wermuth, co-président du Parti socialiste, devant la presse à Berne. Un tel impôt est attendu depuis longtemps. "Mais la question est de savoir comment mettre en oeuvre ce projet."
Il a déploré une réforme qui ne profite pas à toute la population, qui doit déjà faire face actuellement à l'inflation, à l'augmentation des loyers ou à celle des primes maladies. Le président de l'Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard a parlé d'"occasion manquée".
Concrètement, le comité rejette la répartition de la manne supplémentaire, estimée entre 1 et 2,5 milliards de francs la première année, entre les cantons et la Confédération. Il prône une répartition 50-50, adoptée dans un premier temps par le National lors des débats au Parlement avant d'être rejetée.
Bâle-Ville et Zoug
Avec 50% des recettes fiscales, la Confédération pourrait financer un contre-projet efficace à l'initiative d'allègement des primes, a argué Pierre-Yves Maillard, aussi conseiller national (PS/VD). Il craint également que Bâle-Ville et Zoug se taillent la part du lion sur les 75% prévus pour les cantons. "La majorité des autres cantons toucheront peu voire rien du tout".
Un trop petit nombre de cantons profiteront de cette manne, et ce seront les plus riches, a appuyé la députée fribourgeoise Valérie Piller Carrard, vice-présidente du PS. Elle a évoqué Zoug, déjà choisi par de nombreuses entreprises pour sa fiscalité attractive, qui a déjà annoncé vouloir encore plus baisser les impôts. "Bâle-Ville et Zoug vont récupérer la plus grande partie de cet impôt supplémentaire parce qu'ils jouent la concurrence fiscale. La manne supplémentaire qu'ils vont obtenir ne profitera en rien à l'ensemble de la population", a-t-elle affirmé.
Andreas Missbach, directeur d'AllianceSud, a fustigé ces nouveaux privilèges fiscaux alors que la réforme ne propose aucune mesure permettant de rendre aux pays du Sud une partie des richesses qu'ils contribuent à produire.
Valérie Piller Carrard a encore pointé l'état de santé des finances fédérales, soulignant des mesures d'économies qui ont déjà des effets sur la population, comme la hausse des tarifs des transports publics ou la baisse des rentes de veuve, ce alors que les cantons connaissent pour la plupart des comptes positifs.
Concurrence fiscale entre cantons
Le comité dénonce encore un renforcement de la concurrence fiscale entre les cantons. Cédric Wermuth a balayé l'argument des partisans concernant la redistribution via la péréquation financière. Celle-ci "n'arrive déjà pas maintenant à combler les disparités".
Le comité plaide en faveur d'un meilleur projet, plus "juste", qui ne profitera pas seulement aux multinationales, mais aussi aux personnes vivant en Suisse et dans les pays de production des grands groupes helvétiques. "Il faut remettre l'ouvrage sur le métier", a estimé Valérie Piller Carrard. "Cette nouvelle manne pourra profiter à des projets très concrets que le Parlement souhaite mettre en oeuvre, par exemple l'accueil extrafamilial ou encore l'augmentation des subsides d'assurance maladie", a-t-elle conclu.
ats/edel