Michel Béguelin représente la mémoire du rail en Suisse. Il y a 70 ans, le Vaudois débute sa carrière ferroviaire par un apprentissage d’employé de gare à Allaman. Il fera 23 ans aux CFF, puis 11 ans au syndicat des cheminots. Enfin, il siégera 30 ans à Berne en tant qu'élu socialiste.
En tant que très influent président de la commission des transports, il se souvient des plans d’économies imposés par le Conseil fédéral en 2004 aux CFF. "600 millions d’économies la première année puis des centaines de millions les deux années suivantes, ceci s’est malheureusement fait au détriment de l’entretien", pointe le Vaudois au micro de la RTS. A l’époque, des cadres avaient tenté de sonner l’alerte "nous sommes à l’os, des économies ne sont plus possibles".
Soutien radical
Hasard des élections, le parlementaire qui a repris le flambeau de Michel Béguelin est aussi Vaudois. Il s'agit du libéral radical Olivier Français, lui aussi au Conseil national puis aux Etats pendant 16 ans. Cet ingénieur estime qu’en général, la classe politique a tendance à sous-estimer les investissements nécessaires dans les infrastructures. "On a touché à l’entretien et ça c’est grave, on ne doit jamais toucher à l’entretien", tranche celui qui est considéré comme l'un des pères du métro M2 de Lausanne et du projet ferroviaire de la Croix Fédérale.
Les CFF sont aussi responsables du retard dans l’entretien des voies. Pendant des années ils mettent l’accent sur le développement du réseau (S-Bahn à Zurich, NLFA, tronçon à grande vitesse Mattstetten-Rothrist) et l’entretien passe au second plan.
Pour Michel Béguelin, il est clair que l’entretien a souffert de la priorité accordée au développement du réseau et donc de l’offre ferroviaire.
En 2010, c’est encore un Vaudois, Philippe Gauderon, qui crée l’électrochoc. En tant que nouveau chef de CFF infrastructure, il commande un rapport qui révèle que les travaux sur le réseau ont pour plusieurs milliards de francs de retard. Cette année-là, 110 km de voies ont été remplacées alors qu’il faudrait changer 220km chaque année pour que le réseau soit renouvelé dans les délais.
Menaces d’économie à l’horizon
Ces dernières années, la priorité a été accordée à rattraper le retard dans l’entretien, un retard encore évalué à 2,8 milliards de francs par l’Office fédéral des transports en 2015.
A Berne, des mesures d’économie se profilent, elles pourraient aussi toucher les CFF. Le sénateur Olivier Français craint que les futurs projets ferroviaires en souffrent, notamment sa proposition de Croix Fédérale. Cette dernière prévoit deux nouvelles lignes à grande vitesse qui traverserait la Suisse du nord au sud et d’est en ouest. Il prévient: "S'il faut économiser, ne touchons surtout pas à l’entretien du réseau".
On verra dans les prochaines années si Berne a appris des erreurs du passé.
Nicolas Rossé