Clap de fin à Berne pour plusieurs figures politiques romandes [Keystone]
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Clap de fin à Berne pour plusieurs figures politiques romandes

Les élections fédérales approchent à grands pas et pour un certain nombre d'élus et d'élues, elles marqueront la fin d'une longue carrière sous la Coupole qui les aura vu devenir peu à peu des figures marquantes de la vie politico-médiatique romande.

Entre mai et juin, La Matinale de la RTS a accueilli cinq d'entre elles, l'occasion de faire un bilan et de revenir sur les moments ou les dossiers marquants de leurs carrières respectives.

Christian Lüscher (PLR/GE), Adèle Thorens (Verts/VD), Yves Nidegger (UDC/GE), Jean-Paul Gschwind (Centre/JU) et Ada Marra (PS/VD) ont accepté de revenir sur quelques combats marquants.

Propos recueillis par David Berger // Adaptation web: RTS Info

Christian Lüscher (PLR/GE)

"J'estime avoir eu une ligne politique relativement claire"

Jovial, cash et adepte du clash, Christian Lüscher siège à Berne depuis 2007, soit seize ans passés sous la Coupole durant lesquels l'avocat genevois aura su s'imposer comme l'une des principales figures médiatiques romandes du PLR.

Franc-tireur, partisan d'une droite décomplexée, il assume une certaine proximité avec l'UDC, notamment en matière de sécurité, de fiscalité ou d'économie libérale. "Mais il y a aussi des points sur lesquels je serais d'accord avec les socialistes, sur nos relations avec l'étranger" par exemple, précise-t-il. "J'estime avoir eu une ligne politique relativement claire, qui peut très bien se marier avec l'UDC. Et je crois que mon parti a plutôt évolué dans ce sens, comme on a pu le voir aux dernières élections cantonales."

Sa première session à Berne a d'ailleurs été marquée par l'éviction tonitruante de l'UDC Christoph Blocher du Conseil fédéral. "Une erreur institutionnelle qui a finalement été vite réparée et qui est maintenant oubliée, puisqu'on est revenu à la formule magique qui règne sur le fonctionnement du Conseil fédéral depuis la fin des années 1950."

Deux ans à peine plus tard, il était candidat au Conseil fédéral aux côtés de Didier Burkhalter, avant de se retirer en cours de route. "J'avais plutôt un rôle d'outsider qui m'a propulsé et m'a permis d'être plus connu au niveau fédéral", note-t-il. "J'en ai profité en étant parfaitement conscient (...) que c'était un peu tôt pour moi."

>> L'interview complète dans La Matinale du 22 mai :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Christian Lüscher, conseiller national PLR
L'invité de La Matinale (vidéo) - Christian Lüscher, conseiller national PLR / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 22 mai 2023

Adèle Thorens (Verte/VD)

"Les résultats des Verts sont très liés aux préoccupations de la population"

Ouverte au dialogue, appréciée par ses adversaires politiques, la Verte Adèle Thorens va quitter Berne après avoir passé trois législatures au Conseil national et une au Conseil des Etats.

Durant ses 16 ans à Berne, "j'ai appris l'engagement". "Je ne m'attendais pas à être élue au Conseil des Etats, cela a été une très bonne surprise. Cette législature aux Etats, c'est un peu la cerise sur le gâteau", précise-t-elle.

Pour les prochaines élections, elle craint des résultats moins excellents qu'en 2019. "Les résultats des Verts sont en effet très liés aux préoccupations de la population. Mais s'il y a un tassement, ce sera le 2e meilleur résultat des Verts dans toute l'histoire. Les préoccupations environnementales vont rester très élevées par la force des choses", relève encore la conseillère aux Etats écologiste.

Après les importantes manifestations pour le climat en 2019, "on a l'impression que cette mobilisation s'est disséminée dans plusieurs groupes spécifiques. il y a une évolution constante des mouvements sociaux. Cela peut prendre des formes diversifiées. Je ne saurais pas juger les actions de ces militants qui se collent la main sur des routes ou saccagent des golfs. Mais la voie institutionnelle est nécessaire", explique-t-elle.

"L'engagement a plusieurs visages, il y en a un nouveau qui énerve beaucoup de monde, qui fait réagir, j'ai choisi sciemment un autre type de chemin: le système institutionnel. Parfois il fonctionne lentement mais il fonctionne et cela vaut la peine de s'engager. Si vous êtes frustrés, engagez-vous car je crois en la démocratie," conclut-elle.

>> L'interview complète dans La Matinale du 30 mai :

L'invitée de La Matinale - Adèle Thorens, conseillère aux Etats (Vert-e-s-VD)
L'invitée de La Matinale - Adèle Thorens, conseillère aux Etats (Vert-e-s/VD) / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 10 min. / le 30 mai 2023

Yves Nidegger (UDC/GE)

"Je vois les derniers avancements de la civilisation occidentale comme des signes de décadence"

Conservateur résolu et fervent défenseur de l'indépendance de la Suisse, Yves Nidegger vient de quitter le Conseil national, juste avant de terminer sa quatrième législature à Berne, pour se consacrer à un nouveau poste de chef du groupe UDC au Grand Conseil genevois.

Cet avocat de 66 ans, binational français et père de cinq enfants, laissera à Berne l'image d'un franc-tireur à la pique facile, avec qui la polémique n'est jamais loin. "Probablement que ça correspond en partie à ce que je suis. D'aussi loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours aimé la provocation", concède-t-il.

Figure très médiatique à Genève et en Suisse romande, il n'a toutefois jamais souhaité intégrer les hautes sphères ni entrer "dans les arcanes" de son parti. "J'ai toujours mis une limite assez nette pour garder une vie à côté de la politique. Je ne me suis pas laissé manger par l'appareil de l'UDC, qui est certes très dangereux pour les lignes adverses mais qui l'est aussi pour ses propres soldats", souligne-t-il. D'autant que serrer des mains, faire des tapes dans le dos ou boire un verre, "ce n'est pas ce que je préfère dans la politique".

Redoutable rhéteur, Yves Nidegger a parfois été attaqué, au fil de sa carrière sur les plateaux TV, pour ses piques envers certaines politiciennes. S'il balaie tout procès en misogynie, il assume une ligne ultra-conservatrice: "Ce que certains considèrent comme les derniers avancements de la civilisation occidentale des droits de l'Homme, je le considère souvent comme les signes d'une décadence d'une civilisation qui est en train de s'autodétruire. C'est ma grille d'analyse, et tous les phénomènes de société sont, à mon avis, les symptômes de cela."

S'il n'abandonne pas encore la politique, le tribun UDC lorgne maintenant du côté du journalisme engagé... il se murmure l'idée d'une "Weltwoche à la sauce romande": "Il n'existe pas de journal d'information conservateur. Il existe des journaux d'opinion (...) mais nous aurions besoin d'un vrai journal avec des scoops, des analyses et des enquêtes, en français."

>> L'interview complète :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Yves Nidegger, ancien conseiller national (UDC-GE) et député au Grand conseil genevois
L'invité de La Matinale (vidéo) - Yves Nidegger, ancien conseiller national (UDC/GE) et député au Grand conseil genevois / La Matinale / 12 min. / le 5 juin 2023

Jean-Paul Gschwind (C/JU)

"Il y a presque deux générations d'écart entre moi et les nouveaux parlementaires de 25-30 ans"

Catholique convaincu et pratiquant, conservateur et fervent défenseur des valeurs démocrates-chrétiennes, le Jurassien Jean-Paul Gschwind a su, durant sa carrière politique, jouer de sa bonhomie et de sa diplomatie pour se faire apprécier de ses collègues et adversaires. Conseiller national depuis 2011, il quittera donc Berne en octobre à l'issue de son 3e mandat avec le sentiment du devoir accompli, et la conviction qu'il était temps de tirer sa révérence au profit de parlementaires plus jeunes.

"On a des limitations de mandats au niveau du parti, et c'est très bien ainsi", glisse ce vétérinaire retraité, père de cinq enfants. Il note l'arrivée d'une nouvelle génération en 2019, notamment à travers la fameuse "vague verte": "Des jeunes très compétents qui savent exactement ce qu'ils veulent, peut-être moins consensuels que des parlementaires de mon âge, avec des idées bien arrêtées et pas toujours prêts à faire des compromis", décrit-il.

À ces derniers, il suggère d'être peut-être "un peu plus souples". "Mais si on prend des jeunes parlementaires qui ont 25-30 ans, il y a presque deux générations d'écart avec moi qui en ai septante, alors je ne sais pas comment je suis perçu", sourit-il.

Interrogé sur l'élection l'année dernière de la première conseillère fédérale jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, il se remémore avec émotion une "grande journée". "J'ai toujours défendu la cause jurassienne. Et ce jour-là, beaucoup de souvenirs sont revenus", explique-t-il. Et de "sa" ministre, il souligne en particulier la qualité humaine: "On n'est pas du même parti, on n'a souvent pas les mêmes idées, mais on a le même fond: on est des politiques qui avons du coeur. C'est ça qui fait sa force!"

Avant d'arriver à Berne, Jean-Paul Gschwind a été maire de la commune de Courchavon puis député au Parlement jurassien. Au total, il aura gagné huit élections sous la bannière du PDC, devenu désormais Le Centre. Un changement auquel il était initialement opposé: "Au départ, je n'étais pas chaud, mais je ne suis pas autiste. J'ai vu les réactions que ça a suscité et je pense que ça a été une bonne solution, ça nous a rapproché du PBD", observe-t-il. "Ce qu'il faut dans cette opération, c'est surtout ne pas perdre les valeurs démocrates-chrétiennes!"

>> L'interview complète :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean-Paul Gschwind, conseiller national (Le Centre-JU)
L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean-Paul Gschwind, conseiller national (Le Centre/JU) / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 11 min. / le 20 juin 2023

Ada Marra (PS/VD)

"Les partis, ce sont des machines de guerre"

Sa défense vigoureuse des étrangers et des pauvres lui a parfois valu des sobriquets tels que "madame troisième génération". Ada Marra croit dans "l'incarnation" des sujets qu'elle porte au Conseil national, où elle siège depuis 2007. "La politique c'est la patte humaine. (…) Tout le monde amène sa pointe de couleur dans cet ensemble", souligne-t-elle.

Ada Marra, fille de deux immigrés italiens, a obtenu le passeport suisse en 1996. Elle laissera son nom à une loi, celle de la naturalisation facilitée pour la 3ème génération. Une victoire qui la laisse partagée. "D'un côté, je pense que cela a été très utile, parce que cela a ouvert une brèche dans cette discussion. Depuis 15 ans, on ne mettait pas un clou sur ces questions migratoires. Mais c'est insuffisant par rapport à notre jeunesse. Il y a des deuxièmes générations qui ont l'accent vaudois ou zurichois et qu'on exclut de la participation", déclare la Vaudoise.

La conseillère nationale, parfois qualifiée de "clivante", n'y va jamais avec le dos de la cuillère. Exemple: "Je considère que ce n'est pas possible qu'il y ait des gens et des systèmes sur cette Terre qui font de la vie des autres un enfer", assène-t-elle à l'évocation de son rapport sur la situation des sans-papiers déposé au Conseil de l'Europe. La socialiste assume une "certaine franchise, une non-langue de bois". Une style qui s'est notamment observé dans les premières années de sa carrière, lorsqu'elle développe une rivalité indépassable avec le tribun UDC Oscar Freysinger, à qui elle refuse de serrer la main.

Elle admet que toutes les postures se valent au sein de son parti. Mais la sienne, qu'elle qualifie "d'éléphant dans un magasin de porcelaine", et celle des autres, les "Florentins et les Machiavel", doivent toutes être mises au service du combat politique. "Les partis, ce sont des machines de guerre. On n'est pas là pour enfiler des perles, comme le disait un camarade", lance-t-elle.

La combattante Marra s'apprête à quitter, elle, les rangs du groupe socialiste au Parlement. "Seize ans, ça suffit", glisse-t-elle, sans toutefois pointer du doigt ses collègues de parti qui ont demandé une dérogation pour poursuivre leur aventure sous la Coupole. "En ce qui me concerne, j'ai 50 ans. On est soumis comme tout le monde au marché du travail. C'est le moment ou jamais de retrouver un travail", déclare la diplômée de sciences politiques de l'Université de Lausanne. Elle sera bientôt "auprès des gens", annonce-t-elle, sans vouloir donner plus de détails.

>> L'interview complète :

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Ada Marra, conseillère nationale socialiste
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Ada Marra, conseillère nationale socialiste / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 27 juin 2023