Une charte de bonne conduite sur l'intelligence artificielle, l'idée fait son chemin dans les partis
Imaginez un instant une image sur les réseaux sociaux qui montrerait le président du PLR ou celui de l'UDC au centre d'une manifestation d'un groupuscule néonazi ou encore une vidéo du président des Verts à bord d'un vol Easyjet Zurich-Genève.
A l'apparence ultraréaliste, ces faux créés par l'intelligence artificielle pourraient être très largement diffusés sur les réseaux sociaux, avec un effet potentiellement désastreux pour les personnes ou les partis visés.
C'est pour tenter d'éviter ce genre d'abus que le président des Verts entend mettre sur pied, d'ici la session parlementaire d'été, une charte éthique concernant l'intelligence artificielle. Pour l'instant, le Parti socialiste, le PLR, le Centre, les Vert'libéraux et le Parti évangélique ont répondu positivement à cette idée. Seule l'UDC n'a pas encore donné de réponse.
"Il faut garder cette confiance dans les arguments"
Invité de l'émission Forum pour expliquer son projet, Balthasar Glättli a estimé que le moment était opportun pour la création d'une telle charte. "Je considère qu'aucun parti n'a pour l'instant utilisé cette technologie pour dénigrer ses opposants. C'est donc un bon moment pour se mettre d'accord, afin de garantir cette confiance en la démocratie", explique-t-il.
Pour le Zurichois, le risque est bien réel et a déjà été constaté dans d'autres pays. D'après lui, ce sont surtout les solutions facilitées de montage qui posent problème. "Il faut garder cette confiance dans les arguments. Dans les textes, on peut en effet depuis longtemps mettre de faux arguments, mais on a quand même l'expérience pour faire un tri. La photographie reste par contre considérée comme un argument vrai, ce qui ne devrait pourtant plus être le cas aujourd'hui", développe-t-il.
Et d'ajouter: "Photoshop existe depuis des années. Les Soviétiques étaient déjà capables d'effacer des images de tous ceux qui n'étaient plus au pouvoir, mais tout cela nécessitait du travail. Maintenant, cela peut se faire en quelques secondes seulement. C'est ça la différence et c'est la raison pour laquelle c'est beaucoup plus dangereux."
Continuer à avoir confiance dans les partis
Le conseiller national juge par ailleurs important de continuer à faire la différence entre une utilisation bienveillante et malveillante de cette technologie. "On ne veut pas du tout interdire tous les aspects de l'intelligence artificielle, qui peuvent s'avérer productifs. Ce qu'on veut, c'est que les gens puissent continuer à faire confiance aux grands partis qui font campagne avec des images, des vidéos ou des extraits de sons. Il faut qu'ils soient certains que ce ne sont pas des faux, construits par l'IA", argumente-t-il.
On ne veut pas du tout interdire tous les aspects de l'intelligence artificielle, qui peuvent s'avérer productifs
La proposition devrait être soumise cet été et le président des Verts se dit confiant quant à son issue. "J'ai la tâche de créer un texte qui sera discuté durant la session d'été et j'imagine qu'on pourra se mettre d'accord au cours de cette session", conclut-il.
Pas de risque zéro
Si la plupart des grands partis de Suisse semblent prêts à souscrire à une charte de bonne conduite concernant l'IA, les risques durant les campagnes et les élections ne pourront pas tous être résolus.
Les fausses images, vidéos ou sons, pourront continuer à être générés par des tiers, des personnes hors partis. Les campagnes de dénigrement pourront par ailleurs toujours continuer à être orchestrées depuis l'étranger.
Cette charte éthique aura alors surtout le rôle de mettre les partis d'accord sur un "standard minimum", à même de maintenir un socle de confiance entre la population et le monde politique.
Sujet et interview radio: Céline Fontannaz et Mehmet Gultas
Adaptation web: Tristan Hertig
Une technologie déjà utilisée par les partis
En Suisse, plusieurs partis reconnaissent déjà utiliser des outils proposés par des intelligences artificielles. Cela concerne notamment la production de textes ou d'images.
Les Vert'libéraux se servent ainsi de logiciels de traductions et du fameux ChatGPT pour générer des propositions de titres ou des brouillons de tweets. Le secrétariat se refuse par contre pour l'instant à utiliser cet outil pour rédiger des discours.
ChatGPT a aussi fait son entrée au PLR. Le parti a notamment testé la production d'un premier communiqué de presse via cet outil. Selon le responsable de la communication du parti, le résultat n'a toutefois pas été très enthousiasmant, car il a fallu un important travail de réécriture avant publication.
Les Verts sont eux en train d'élaborer un guide de bonnes pratiques pour leur usage interne. Le parti dit ne pas exclure d'utiliser l'intelligence artificielle, notamment pour accélérer certains processus internes, comme les réponses à des commentaires haineux.