Alain Berset devant le Conseil de sécurité de l'ONU pour défendre les civils lors des conflits

La sécurité des civils dans les régions en guerre est une des priorités de la Suisse durant son mois de présidence du Conseil de sécurité des Nations unies. Alain Délétroz, directeur de l'ONG Appel de Genève, spécialisée dans la promotion du droit humanitaire, estime dans La Matinale de la RTS que la session spéciale de mardi est essentielle.

"Il est absolument essentiel que le Conseil de sécurité discute de ces questions, parce qu'on voit un problème dans le respect des civils pratiquement dans tous les conflits. Vous voyez ce qu'il s'est passé à Khartoum au Soudan par exemple: c'est assez ahurissant de voir, dans une capitale de 8 millions d'habitants, des fractions qui se battent au milieu des civils qui sont privés d'électricité, d'eau et de nourriture."

>> L'interview d'Alain Délétroz dans La Matinale :

Keystone - Martial Trezzini

Ces dernières années, plusieurs résolutions avaient été approuvées au Conseil sur l'insécurité alimentaire ou les besoins des civils. Mais la situation dans les dizaines de conflits actuels s'est encore détériorée.

Les effets des guerres provoquent plus de décès que "l'impact direct des hostilités", a affirmé le président de la Confédération devant les autres membres du Conseil de sécurité, notamment comme premières responsables des famines. Au total, 70% des centaines de millions de personnes affectées de malnutrition aiguë se trouvent dans des territoires en conflit.

La faim, "un crime de guerre"

Les parties "qui utilisent la famine des civils comme méthode de guerre doivent être tenues pour responsables", a affirmé Alain Berset. "Affamer volontairement des civils est un crime de guerre".

Selon le conseiller fédéral, la communauté internationale peut et doit répondre à ces problèmes. "Nous avons les instruments, la nécessité d'agir est reconnue, la direction dans laquelle aller aussi", a-t-il aussi dit à la presse suisse. Mais il manque un engagement politique plus important.

Le président a dévoilé plusieurs appels. Ceux-ci vont de la réduction de l'utilisation des armes en territoires largement peuplés à des garanties de protection des civils en cas de départ d'opérations de la paix de l'ONU en passant par un accès humanitaire plus large.

Parmi les avancées récentes, Alain Berset a salué la prolongation pour deux mois de l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, après l'acceptation de la Russie. Mais Moscou reste fâchée parce qu'elle estime qu'un second arrangement pour faciliter ses propres exportations d'engrais n'est pas honoré. "Des questions restent en suspens", a admis devant le Conseil Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU.

Focus sur le Sahel

La Suisse s'intéresse particulièrement à la situation au Sahel. L'été dernier, le Conseil fédéral a nommé Cédrine Berney au poste d’envoyée spéciale dans la région. La diplomate connaît bien ce territoire. Pour elle, malgré les difficultés sur le terrain, les horreurs et les massacres commis notamment au Burkina Faso et au Mali, la Suisse doit continuer à s’investir sur place.

"L'accès aux personnes est parfois très difficile dans ces régions. C'est d'autant plus important pour nous de travailler avec des organisations qui sont locales et de les soutenir, parce qu'elles sont directement sur place. Il  faut aussi dire que la technologie joue un rôle important aujourd'hui. Elle nous permet de suivre des projets à distance, ce qui n'était pas possible dans le passé."

Dans ces régions sahéliennes, la Suisse bénéficie d’une excellente image qu'il faut exploiter. "J'étais en Mauritanie, au Niger ou encore au Tchad en début d'année, et là tant les présidents que d'autres interlocuteurs me disaient combien pour eux notre pays est un exemple de paix. Ils nous considèrent comme un partenaire fiable, et ce même dans les moments difficiles qu'ils sont en train de traverser actuellement. La Suisse a vraiment la confiance de ces pays, ce qui est essentiel pour notre travail."

>> L'interview de Cédrine Beney dans La Matinale :

Reuters - © Mike Segar

Parler à tout le monde

Le général Patrick Gauchat, chef de la mission des Nations unies pour la surveillance de la trêve au Proche-Orient, salue lui aussi l'implication de la Suisse dans le maintien de la paix. "En tant que Suisses, nous sommes très bien acceptés par toutes les parties, puisque l'on n'a pas participé aux opérations qui se sont déroulées au Moyen-Orient. L'Otan a par exemple effectué des actions militaires en Syrie, donc si on est un pays de l'Otan, on sera moins bien accepté en Syrie", explique le Romand.

"L'autre point, c'est qu'il y a une cristallisation entre le bloc Otan et le bloc russe et le fait d'être Suisse permet de parler à tous ces gens d'un point de vue qui est hors 'idées nationales' et de défendre les idées internationales avec ses points forts et ses valeurs."

>> L'interview de Patrick Gauchat dans La Matinale :

Keystone - Jean-Christophe Bott

Après Alain Berset mardi, la conseillère fédérale Viola Amherd se rendra à son tour à New York en fin de semaine. Elle y mènera des discussions sur la paix et la sécurité en Afrique et l’avenir des opérations de maintien de la paix.

Propos recueillis par Nicolas Vultier, Benjamin Luis et Stéphane Amar

Texte web: Antoine Schaub