Les directeurs des cinq hôpitaux universitaires de Suisse se sont réunis mardi à Berne pour annoncer ensemble l'urgence de la situation financière de leurs établissements. Avec le renchérissement et les conséquences de la pandémie, le trou se creuse. Après une perte cumulée de plus de 200 millions de francs en 2022, ils s'attendent cette année à une perte de près de 300 millions de francs.
Une pénurie croissante de personnel qualifié, des tarifs ne couvrant pas les coûts, des séquelles de la pandémie: autant d’éléments rendent le maintien de soins de haute qualité difficile, selon les hôpitaux universitaires de Bâle, Berne, Lausanne, Genève et Zurich. Ils n'hésitent pas à parler de risque de catastrophe financière.
"Le système fait en sorte que plus on travaille, plus on perd de l'argent. Et on a parfois l'impression qu'on devrait presque fermer boutique pour ne plus rien coûter à personne", déplore Bertrand Levrat, directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). "Sauf qu'un hôpital universitaire c'est aussi un hôpital où on soigne, où on fait de la recherche et où on forme les futurs médecins", poursuit-il. "C'est important pour nous de pouvoir être rémunérés à la hauteur de nos prestations."
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Hausse des tarifs
La rémunération des prestation c'est précisément la revendication des hôpitaux universitaires. Leurs représentants demandent comme mesure immédiate une augmentation des tarifs, qu'ils considèrent comme trop bas depuis des années. Si ces hôpitaux ne parviennent pas à s'entendre avec leurs partenaires de négociations d'ici au milieu de l'année, ils se verront contraints de résilier les conventions tarifaires existantes, avertissent-ils.
Si la demande a été entendue par les cantons ces dernières semaines, il est urgent qu'elle le soit par les assureurs et le Conseil fédéral également, estime Nicolas Demartines, directeur général du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). "Il est important que les tarifs de remboursement des assurances soient revus à la hausse pour couvrir les coûts", explique-t-il.
"Et si ça ne fonctionne pas, malheureusement, les cinq hôpitaux universitaires vont être contraints à terme de dénoncer les accords que nous avons actuellement avec les assurances", poursuit le directeur du CHUV. Si cela se produisait, les hôpitaux universitaires se trouveraient alors comparés aux hôpitaux régionaux. Ce changement entraînerait des coûts supplémentaires de 500 millions de francs.
Certains lits demeurent vides
Cette année, ce sont notamment les adaptations salariales du personnel hospitalier, la hausse des prix de l'énergie et le renchérissement qui contribuent à une augmentation importante des dépenses, ce qui devrait faire passer la perte cumulée de ces hôpitaux de 200 à 300 millions de francs. Le groupe Insel (Hôpital de l'Ile) a même choisi de fermer deux structures hospitalières, à Münsingen et Tiefenau, dans la région de Berne.
De nombreux hôpitaux universitaires ne peuvent plus occuper tous leurs lits en raison du manque de personnel. "En revanche, les tarifs n'ont même pas été adaptés au renchérissement, que ce soit dans le secteur ambulatoire ou hospitalier. Au contraire, certaines rémunérations pour les soins ambulatoires ont même été réduites", rappellent les hôpitaux universitaires.
L'importance de la recherche
La multiplication des réglementations et le rétrécissement de la marge de manoeuvre rendent difficile l'exercice des activités des hôpitaux universitaires tout en préservant leur rentabilité financière.
"Les conditions politiques et financières actuelles mettent en danger les hôpitaux universitaires", estime Bertrand Levrat. Pour continuer à fournir les meilleures prestations médicales et de recherche et rester des employeurs attractifs, des mesures doivent être prises rapidement."
Nicolas Demartines a, lui, rappelé l'importance des hôpitaux universitaires au niveau de la recherche et leurs multiples collaborations nationales et internationales.
Forte hausse du taux d'absence
La pénurie de personnel qualifié était déjà perceptible, mais la pandémie de Covid-19 l'a accentuée. L'évolution démographique ou la modification des exigences en matière d'environnement de travail sont quelques-unes des raisons qui expliquent la situation.
Les effets sur la santé après la pandémie se font également sentir au niveau du personnel. "C'est une inquiétude pour l'avenir", avoue Bertrand Levrat. Le taux d'absence a atteint 7,9% en 2022, soit une augmentation de près de 50% par rapport à la période précédant la pandémie.
Selon les hôpitaux universitaires, un médecin sur cinq quitte la profession bien avant la retraite, majoritairement avant 35 ans. Deux sur cinq sont des praticiens étrangers, totalement formés dans un Etat tiers. Seulement 33% des médecins suisses se forment à 100% dans notre pays.
Sujet TV: Séverine Ambrus
Adaptation web: edel avec ats