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Les pénuries de médicaments, ça change quoi pour vous?

Les pénuries de médicaments s’aggravent en Suisse. Selon un sondage du comparateur en ligne Comparis, elles touchent un ménage sur quatre en Suisse et une famille avec enfant sur trois. Quel impact pour votre santé ou celle de vos proches? Faut-il faire des stocks? "Ça change quoi pour toi?" revient sur ce phénomène qui s’installe.
Les pénuries de médicaments, ça change quoi pour toi?
Les pénuries de médicaments, ça change quoi pour toi? / L'actu en vidéo / 5 min. / le 25 mai 2023

"On n’a pas de solution à court terme il faut être bien clair. Personne n’a la baguette magique, ça s’est propagé depuis relativement longtemps et ça s’est très fortement accentué ces derniers temps", constatait Martine Ruggli-Ducrot, présidente de la Société Suisse des Pharmaciens pharmaSuisse, dans le 19h30 du 9 mai.

Si personne n’a de solution, c’est parce que le problème est global. Quelque 70 à 80% des substances actives sont aujourd’hui produites en Chine ou en Inde. Les médicaments sont conditionnés en Europe, aux Etats-Unis ou au Brésil, puis renvoyés en Suisse. Une usine endommagée, une chaîne coupée, un problème de norme, des tensions qui ferment les frontières ou des guerres, comme en Ukraine, principale productrice de verrerie, et les médicaments viennent à manquer.

Rupture de stock au pays de la pharma?

Pour les géants de l’industrie du médicament dont les sièges sont basés en Suisse, le problème vient de la trop grande pression sur les prix des génériques. Comme ils ne rapportent plus assez, leur production a été déplacée en Inde ou en Chine.

La pression sur les coûts de la santé est énorme, encore plus dans le domaine des génériques. Avec la chute des prix, il n’y a plus beaucoup de fabricants. La production dépend de quelques acteurs seulement et quand ils ont des problèmes, la production en souffre

Severin Schwan, directeur général de Roche, dans le 19h30 du 2 février 2023.

La Suisse est bien le pays de la pharma, celle à forte valeur ajoutée. Des médicaments qui sont encore protégés par la propriété intellectuelle. Pour les génériques, pourtant beaucoup plus chers qu’ailleurs, la Suisse dépend complètement de l’étranger.

"Il ne faut pas oublier que la Suisse est un petit marché de 9 millions de d'habitants. Les entreprises qui fabriquent ces génériques ont orienté leur production vers des marchés plutôt grands ou des marchés dont les conditions d'accès sont plus faciles", détaille Michèle Sierro, directrice de la communication pour Interpharma, dans Forum le 9 février.

Que fait l'État?

En Suisse, l’Office fédéral de l’approvisionnement économique est chargé de surveiller ces pénuries. Il peut exiger des entreprises qui les fournissent de garantir des réserves pour les médicaments essentiels. La crise du Covid nous a appris à quel point ce mot était sujet à interprétation: l’ibuprofène et le paracétamol ne sont pas considérés comme essentiels. Pas d’obligation de stock pour ces remèdes du quotidien.

"A part pour les médicaments essentiels qui sont gérés par l'Office fédéral de la sécurité d'approvisionnement économique, les médicaments sont de la compétence des cantons. Et là, on a encore quelque chose à régler. C'est ce qu'on demande avec une initiative qui va venir pour la sécurité d'approvisionnement, pour que ce soit vraiment au niveau de la Confédération", rappelle Martine Ruggli-Ducrot dans la même émission.

Un comité citoyen formé notamment de médecins, de professionnels en pharmacie et de droguistes a lancé l’initiative populaire "Oui à la sécurité de l’approvisionnement médical". Son but: garantir la sécurité de la population.

Des produits pas comme les autres

Aujourd’hui, compenser les traitements en rupture revient aux pharmaciennes et pharmaciens. Depuis fin mars, la profession est sous pression elle doit réduire le nombre de pilules par emballage. Pour certains médicaments il faut les fabriquer.

"Parfois, la concentration du médicament utilisé n'a pas les mêmes milligrammes par millilitre, par exemple. Suivant les médicaments, ça peut être des sources de risques. Et les solutions nécessitent un délai, ce n’est jamais anodin", déplore Pierre Voirol, pharmacien chef-adjoint au CHUV, dans le Point J du 17 janvier.

Et cela pose des problèmes très concrets. "Quand les patients rentrent à domicile, il est important qu’ils puissent recevoir les mêmes traitements que ceux qui sont prescrits à l‘hôpital. Et là, il y a des risques qu’ils n’aient pas accès aux traitements à disposition", constate Sophie Pautex, cheffe du service de médecine palliative aux HUG, dans le 19h30 du 9 mai.

Plus de travail, plus de risque, un accès inégal aux soins pour de grandes catégories de malades, ces pénuries nous rappellent que les médicaments sont un produit essentiel pour la population.

Ce qui est intéressant de voir, c'est qu'un certain nombre de pays ont déclaré qu'il s'agit de biens de première nécessité, et on conserve ces lignes de production qui appartiennent à la collectivité publique.

Baptiste Hurni, conseiller national (PS/NE), président de la Fédération Suisse des Patients, dans Forum le 9 février

"C'est le cas notamment de la Norvège qui aujourd'hui ne vit pas cette même pénurie. Une des solutions est évidemment pour ces médicaments de base de dire que c'est un bien fondamental, comme l'énergie, comme la distribution de l'eau, comme les routes. En tant que biens de première nécessité, ils doivent être détenus en tout cas en partie par les collectivités publiques", ajoute Baptiste Hurni.

Et vous, dans tout ça?

Si vous ne trouvez pas l’un ou l’autre de vos médicaments, demandez toujours conseil aux professionnels de santé. Vous pouvez aussi consulter le site drugshortage.ch. Evitez aussi de faire du stock, puisque si tout le monde s’y met, c’est pire. Même pour les hôpitaux, c’est déconseillé pour assurer un accès équitable aux traitements. Enfin, soyez très prudent avec ce que vous commandez sur internet, c’est tentant mais risqué.

Claire Burgy

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