Perchée à 3657 mètres d'altitude, cette cabane est pourtant relativement simple d'accès: depuis le train de la Jungfrau, il faut compter une quarantaine de minutes de marche sur un chemin damé. Les touristes s'y pressent. "En plein été, quand les conditions sont bonnes, certaines personnes arrivent en petites sandalettes et mini-jupe pour venir manger une tranche au fromage", explique Yann Roulet, gardien de ce refuge depuis cinq ans.
"C'est vrai que ça fait un peu réfléchir. Mais quand on voit le plaisir qu'ils ont à être là, on se dit que pourquoi pas", relève le maître des lieux. Un jour de grosse affluence, près de 500 personnes sont servies à midi.
Cela nécessite une certaine organisation. Les ravitaillements se font par hélicopètre. "C'est un côté négatif", admet Yann Roulet: "Faire monter des sacs pleins de bouteilles de PET, est-ce que ça fait vraiment sens?"
Le défi de l'eau
La question de l'approvisionnement se pose aussi pour l'eau. Un défi de taille. "Le nerf de la guerre", relève Yann Roulet. Selon lui, beaucoup de cabanes vivent la même problématique, hormis celle qui ont des sources: "Il y a de moins en moins de neige pendant l'hiver, les glaciers fondent et on doit aller de plus en plus loin chercher de l'eau".
Ce jour-là, des employés de la Mönchsjochhütte s'activent pour peler la neige et la faire fondre. C'est une possibilité pour avoir de l'eau.
L'autre, c'est de l'acheminer depuis le glacier en contrebas. Cela se fait pour l'instant en dameuse: une heure de trajet aller-retour, deux heures de pompage. "Si le glacier est trop crevassé et qu'on ne peut plus circuler pendant l'été, on va arriver à une situation problématique pour acheminer de l'eau", redoute le gardien.
Accès menacé
L'accessibilité est un autre défi majeur pour ce responsable de cabane: "Chaque année, la masse de neige qui recouvre les glaciers diminue. Les crevasses commencent donc à s'ouvrir".
Le chemin va-t-il disparaître? "C'est un fait. C'est une histoire d'années avant de ne plus pouvoir l'utiliser en été", répond Yann Roulet. "La cabane serait alors accessible uniquement pour des alpinistes équipés, mais plus pour n'importe qui".
Dans ce contexte, difficile de se projeter à long terme: "C'est difficile à dire quelle sera la situation dans cinq ans. Je me demande parfois aussi si on a réellement notre place ici à 3700 mètres".
Le Club Alpin Suisse (CAS), qui possède plus de 150 refuges alpins, admet que les changements climatiques ont un impact sur de nombreuses cabanes de montagne. Au-delà du défi de l’eau, "le recul du pergélisol risque de menacer certains sites de cabanes, des voies d’accès et même des buts alpinistiques. Il en va de même du recul des glaciers".
Julie Rausis, Guillaume Rey