Cigarette électronique: état de la législation en Suisse et dans le monde

Les résultats de cette étude nationale "Health Behaviour in School-aged Children" (HBSC), mandatée par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et réalisée auprès d'élèves de 11 à 15 ans, sont symptomatiques d'une tendance plus globale, celle du "boom de la vapoteuse", chez les jeunes notamment.

En 2022, il y aurait en effet 3,0% de la population suisse générale qui utilise des cigarettes électroniques au moins une fois par mois, contre 5,7% chez les jeunes entre 15 et 24 ans, selon l’enquête "Santé et Lifestyle" de l'OFSP. Selon les deux enquêtes précitées, la prévalence de la consommation de ces nouveaux produits chez les jeunes de 15 à 24 ans, et surtout chez les jeunes de moins de 15 ans, est importante. Et cette évolution nourrit les crispations politiques en Suisse.

Commercialisée comme solution de lutte anti-tabac pour les fumeurs de cigarettes conventionnelles, la cigarette électronique se retrouve en effet dans les mains d'une population jeune, souvent antérieurement non-fumeuse. L'argument de la "désaccoutumance au tabac" avancé par l'industrie du tabac ne fait donc plus entièrement sens, ces jeunes n'étant à priori pas accoutumés au tabac, mais se retrouvant finalement accoutumés à la e-cigarette.

Pas encore d'harmonisation au niveau fédéral

Cette évolution récente a conduit de nombreux cantons suisses, dans une large mesure responsables sur leur propre territoire des politiques sur le tabac, la nicotine et la e-cigarette, à modifier leurs législations en la matière en interdisant la vente et la remise de vapoteuses aux mineurs. 

Et pour cause, au niveau fédéral, "il n’existe pour l’instant aucune disposition légale concernant la protection de la jeunesse dans le cadre de la vente de cigarettes électroniques", relate l'administration fédérale. "Concrètement, ni l’âge légal minimal pour la vente des cigarettes électroniques ni la publicité pour ces produits ne sont réglementés" à l'échelon suisse.

La raison en est que la loi fédérale pour la protection contre le tabagisme passif actuellement en vigueur ne concerne pas les cigarettes électroniques. Par conséquent, elles entrent pour l'instant dans le champ d’application de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels.

Nouvelle loi sur les produits du tabac

Mais au niveau fédéral, la situation change. La nouvelle loi sur les produits du tabac adopté par le Parlement le 1er octobre 2021 devrait entrer en vigueur en été 2024.

Ainsi, à la mi-2024, "la publicité pour les produits du tabac et les cigarettes électroniques ainsi que pour les objets qui forment une unité fonctionnelle avec un produit du tabac" est interdite lorsqu'elle s'adresse aux mineurs via des affiches publicitaires et des spots au cinéma (déjà prohibés dans certains cantons), la pub sur les bâtiments publics, les terrains de sport et lors de manifestations sportives, ainsi que le sponsoring d'événements internationaux seront interdits.

Dans cette nouvelle loi fédérale, il est aussi prévu d'introduire une interdiction de vente aux mineurs de cigarettes électroniques.

Initiative populaire sur le tabac

En outre, l'initiative populaire sur le tabac du 13 février 2022 ("Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac") a été acceptée à 56,6% par la population suisse. Elle amènera une révision de la nouvelle loi sur les produits du tabac, une révision qui devrait entrer en vigueur en 2026 et qui étend le périmètre de la loi en promulguant de nouvelles restrictions publicitaires.

Dès 2026, aucune publicité pour le tabac ou les cigarettes électroniques ne pourra être placée dans la presse écrite. Elle sera aussi interdite dans les lieux publics pouvant être fréquentés par des mineurs, comme les points de vente et les festivals, de même qu'il ne sera plus possible à l'industrie du tabac de parrainer des événements nationaux accessibles aux mineurs.

La pub sur Internet restera admise uniquement si un système de contrôle de l'âge garantit que les mineurs ne peuvent pas consulter les pages concernées. Un tel système de contrôle de l'âge sera également mis en place pour la vente de produits en ligne ou au moyen d'automates.

Ainsi, toute publicité pour le tabac et les cigarettes électroniques dans les lieux fréquentés par les mineurs ou sur des supports qui leurs sont destinés devrait être interdite d'ici 2026. Le Parlement fédéral doit encore débattre du texte de révision.  

Et dans le monde?

Plusieurs pays ont tout simplement interdit l'importation, la vente, et la publicité concernant e-cigarettes, comme le Brésil, le Mexique, l'Inde ou la Thaïlande. Selon l'OMS, en 2021, ce serait plus d'une trentaine de pays qui auraient interdit ce genre de dispositifs, et près de 80 pays qui auraient pris des mesures restrictives (interdire la publicité et la promotion, exiger l’affichage de mises en garde sanitaires sur les emballages).

Aux Etats-Unis, l'Etat du Minnesota s'est engagé dans un procès contre le fabricant américain de cigarettes électroniques Juul. Le groupe a déjà fait l'objet d'innombrables plaintes, accusé de cibler les jeunes avec ses produits. Cet Etat américain exige un dédommagement de 100 millions de dollars. L'entreprise, quant à elle, aurait déjà accepté de reverser quelques 440 millions de dollars à 34 Etats américains pour mettre fin à des attaques pénales.

En Australie, où l’achat de cigarette électronique n’est possible que sur ordonnance en pharmacie dans le cadre d’une démarche de sevrage, le gouvernement veut interdire totalement la vente des "puffs" et autres e-cigarettes jetables. 

En Nouvelle-Zélande, les autorités misent sur la cigarette électronique pour rendre le pays 100% non fumeur: depuis cette année, il est interdit à toute personne née après 2008 d'acheter des cigarettes. L'âge légal pour acheter du tabac, actuellement fixé à 18 ans, sera relevé d'un an chaque année dès 2027. Mais le vapotage, très populaire chez les jeunes, n’est pas concerné.

furr avec ats