Le Premier ministre Rishi Sunak a annoncé lundi son intention de déployer ces infrastructures qui ressemblent à des conteneurs géants sur trois étages. Ces installations spartiates ont pour objectif de dissuader les traversées illégales dans la Manche et de réduire les coûts de l'hébergement des migrants (voir encadré plus bas) en logeant 500 hommes, âgés entre 18 et 65 ans, dans quelque 200 chambres.
Le gouvernement va utiliser deux autres barges, d'une capacité supplémentaire de 1000 places. Il a en outre annoncé l'utilisation de deux sites supplémentaires à terre pour accueillir au total 3000 personnes d'ici à l'automne.
"Notre plan commence à fonctionner", a assuré Rishi Sunak, affirmant que les traversées illégales de la Manche ont baissé de 20% par rapport à l'année précédente sur une période de cinq mois depuis l'annonce de son plan en décembre. Les arrivées illégales de migrants dans le reste de l'Europe ont augmenté de 30%, a-t-il affirmé.
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Mais l'appréhension monte parmi les 14'000 habitants de Portland, une petite île du sud-ouest de l’Angleterre, qui doit abriter des barges.
Semblables à "une prison"
Jim Draper, président du conseil municipal de l’île interrogé dans La Matinale jeudi, explique pourquoi il s'est opposé au projet de barges. "A la municipalité, nous étions contre ce projet. Nous pensons que ce n’est pas approprié. Les chambres sont petites, il n’y a pas grand-chose à faire sur la barge et à moins de prendre une navette, il n’y a pas moyen de sortir. C’est très isolé, c’est un peu comme une prison."
La dernière prison flottante du pays était justement amarrée à Portland. Le HM Prison Weare a fermé en 2005. L'idée d'un navire pénitentiaire avait germé dans les années 1990 en raison de la surpopulation carcérale.
Source de "problèmes pour les locaux"
Le choix d'implanter les barges à Portland s’est fait sans consulter les autorités locales. Le gouvernement a directement traité avec le port, géré par une société privée.
Depuis l’annonce d’un accord en avril, très peu d’informations ont filtré, alimentant la peur des habitants, comme en témoigne Ann Aldrige-Gould, retraitée qui vit sur l’île depuis 35 ans. "Que vont faire les migrants sur cette barge ? Ils n’auront rien à faire, à part causer des problèmes aux locaux. Nous ne savons pas s’ils se conduiront bien ou pas !"
Opposition mobilisée
Bien que la municipalité tente de rassurer les habitants comme elle peut, en convoquant des réunions, l’opposition se fait de plus en plus entendre. Un grand pique-nique de protestation a eu lieu le week-end du 3 juin et une pétition, signée par près de 3500 personnes, circule en ligne. Alex Bailey, installé à Portland depuis octobre, est derrière la mobilisation.
"Nous n’avons pas assez de ressources. Portland est mal desservi sur le plan médical et en ce qui concerne la police, il n'y a que trois officiers. Comment vont-ils gérer les 500 hommes accueillis sur les barges?", lance-t-il.
Alors que les esprits s’échauffent, le président du conseil municipal appelle le gouvernement à tempérer sa rhétorique musclée sur les migrants. Selon lui, cela aiderait au moins à retrouver un climat un peu moins houleux sur l’île.
Sujet radio: Catherine Ilic
Adaptation web: Julie Marty/afp
Un moyen de réduire la facture
Dans le cadre de son plan pour lutter contre l'immigration illégale, le gouvernement conservateur a promis de réduire la facture de l'hébergement à l'hôtel des demandeurs d'asile en utilisant des installations comme des bases militaires désaffectées ou des barges à quai.
Cette facture s'élève à 2,3 milliards de livres sterling (2,6 milliards de francs) par an.
Partage de chambres
Rishi Sunak a en outre annoncé que, quand c'est possible, il serait demandé aux migrants de partager leur chambre d'hôtel avec d'autres, mesure qui permettra dit-il de débloquer 11'500 places et 250 millions de livres sterling (283 millions de francs) par an.
"Et je le dis aux migrants qui protestent: c'est plus que juste", a déclaré Rishi Sunak. "Si vous venez ici illégalement, revendiquez un sanctuaire pour échapper à la mort, la torture ou les persécutions, vous devriez vouloir partager une chambre d'hôtel payée par le contribuable dans le centre de Londres", a-t-il estimé.