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Le tourner à droite au feu rouge pour les vélos, un dispositif gagnant-gagnant?

La règle existe depuis 2021 mais reste peu connue: quand on roule à vélo, il est parfois possible de tourner à droite alors même que le feu de signalisation est rouge. [Keystone - Christian Beutler]
Cyclistes: tourner à droite au feu rouge? Oui, mais pas toujours! / On en parle / 13 min. / le 9 juin 2023
La règle existe depuis 2021 mais reste peu connue: quand on roule à vélo, il est parfois possible de tourner à droite alors même que le feu de signalisation est rouge. Une "très bonne chose" à condition qu'elle soit bien comprise, a réagi vendredi dans On en parle la vice-présidente de Pro Velo et conseillère nationale Delphine Klopfenstein-Broggini.

Le droit de tourner à droite au feu rouge, pour les cyclistes, est conditionné par la présence, à côté du feu, d'un petit panneau carré représentant un vélo jaune sur fond gris-noir, avec une flèche pointant vers la droite. Il en existe environ 250 à Genève, une centaine à Lausanne, une vingtaine à Bienne ou encore une dizaine à Sion.

Introduite le 1er janvier 2021, cette nouvelle disposition de l'Ordonnance sur la signalisation routière fait suite à des essais menés à Bâle depuis 2014. Elle vise à diminuer le temps de trajet des déplacements à vélo en ville pour contribuer à l'attractivité de ce mode de déplacement.

L'équivalent d'un "céder le passage"

Le cycliste qui tourne à droite dans cette configuration n'est pas prioritaire: il doit céder le passage à la fois aux piétons et au trafic qui arriverait depuis une autre branche du carrefour. Il est donc indispensable qu'il bénéficie d'une très bonne visibilité afin de pouvoir tourner sans danger. Condition principale: la présence, pour les vélos, d'une bande cyclable avec ligne d'arrêt avancée par rapport à la ligne d'arrêt des voitures, ou d'un "sas" qui leur permet de se placer devant les voitures (voir schéma dans l'encadré).

Cette pratique du tourner à droite nous oblige, nous les cyclistes, à être extrêmement prudents et à prioriser les piétons

Delphine Klopfenstein-Broggini, conseillère nationale verte et porte-parole de Pro Velo

"C'est une très bonne chose pour l'ensemble des acteurs et actrices de la circulation, en particulier les vélos", s'est félicitée vendredi dans l'émission On en parle de la RTS la vice-présidente de l'association Pro Velo et conseillère nationale Delphine Klopfenstein-Broggini (Les Verts/GE).

Le fait que les cyclistes qui tournent à droite n'aient pas la priorité est, pour elle, un excellent outil d'enseignement. "On doit réussir à avoir une bonne cohabitation, en particulier entre les usagers de la route les plus fragilisés [...]. Cette pratique du tourner à droite nous oblige, nous les cyclistes, à être extrêmement prudents et à prioriser les piétons. Elle enseigne aussi cette obligation qu'on a de prendre en compte son environnement quand on est dans la circulation. C'est très important", se félicite-t-elle.

Pas d'accident durant la phase test

Les piétons se plaignent souvent des cyclistes qui empruntent les trottoirs ou passent quand le feu des piétons est vert. Le tourner à droite au feu rouge ne risque-t-il pas de les braquer encore davantage? "L'expérience pilote menée à Bâle a duré trois ans, sur 12 sites. Ce n'est pas une petite affaire! Elle a permis de constater qu'il y avait moins de conflits entre les vélos et les voitures, très clairement, et que la pratique était bien acceptée par les piétons. Et aucun accident n'a été déploré", rétorque Delphine Klopfenstein-Broggini, pour qui il faut du respect de part et d'autre pour que le système fonctionne.

>> Lire aussi : Les piétons inquiets de la règle autorisant les cyclistes à tourner à droite au rouge

Si les cyclistes peuvent déjà s'engager, ça fluidifie non seulement le mouvement des vélos, mais aussi la circulation des voitures

Delphine Klopfenstein-Broggini

Pour la vice-présidente de Pro Velo, il s'agit en outre d'un système gagnant-gagnant pour les usagers de la route. "Quand des automobilistes sont à un feu rouge avec des vélos qui partent au même moment, évidemment, ça freine leur démarrage. Si les cyclistes peuvent déjà s'engager et prendre sur la droite, ça fluidifie non seulement le mouvement des vélos, mais aussi la circulation des voitures, avec beaucoup moins de conflits directs et de ralentissements de la circulation automobile", détaille-t-elle.

Au bon vouloir des communes

On observe, en Suisse, une grande disparité dans le nombre de carrefours équipés pour laisser les cyclistes tourner à droite au feu rouge. Pourquoi certaines villes n'ont-elles pas encore installé de panneaux de la sorte?

"Il s'agit d'une possibilité. En 2021, on a rendu légale cette pratique, mais elle n'est pas obligatoire", explique Delphine Klopfenstein-Broggini. "On voit que certaines villes en ont vraiment fait un cheval de bataille. Genève, par exemple, a été précurseure. Certaines sont allées plus vite que d'autres sur cette question. On voit aussi que ces panneaux se sont davantage développés dans des villes où il y a souvent beaucoup de trafic motorisé", constate-t-elle.

>> Lire : A Bienne aussi, les cyclistes pourront tourner à droite à certains feux rouges

A noter que dans certains pays, comme au Canada et aux Etats-Unis, il est autorisé même pour les voitures de tourner à droite à un feu rouge, sauf si un panneau l'interdit spécifiquement.

Sujet radio: Isabelle Fiaux
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Des chaussées "peu adaptées à la circulation cycliste"

Pour Delphine Klopfenstein-Broggini, certaines villes suisses sont particulièrement peu adaptées à la circulation cycliste. "On doit réussir à travailler dessus", plaide la conseillère nationale (Les Verts/GE).

"Le souci majeur qu'on rencontre, en tant que piéton ou cycliste, est que la chaussée est essentiellement dédiée au trafic motorisé. Le problème est là! La vraie réflexion qu'on doit mener aujourd'hui, c'est de faire une répartition beaucoup plus égalitaire de l'espace public", prône la porte-parole de Pro Velo.

Son objectif: redonner aux mobilités douces beaucoup plus d'espace. "Aujourd'hui, les vélos sont coincés sur les petits corridors des aménagements cyclables, et les piétons sur des trottoirs extrêmement étroits... Quand on compare à l'espace dédié à la voiture, il y a quelque chose de l'ordre de l'injustice!", dénonce l'élue verte.

>> Lire aussi : Malgré le nombre croissant de pistes cyclables en Suisse, la prudence reste de mise

Les aménagements en détail

Seuls certains carrefours sont éligibles pour accueillir un tourner à droite au feu rouge. [DR - vd.ch]
Seuls certains carrefours sont éligibles pour accueillir un tourner à droite au feu rouge. [DR - vd.ch]

Dans le carrefour ci-dessus, les quatre routes peuvent accueillir un "tourner à droite au feu rouge", car il y a un sas ( = cas B, C, D) ou une ligne d'arrêt avancée par rapport à la ligne d'arrêt des voitures ( = cas A). A noter qu'une bande cyclable est nécessaire dans les cas où il n'y qu'une voie de circulation pour les véhicules ( = cas A, B, C), sauf si les autres véhicules ne peuvent pas tourner à droite ( = cas C).

Pas d'exceptions dans les autres cas. [DR - vd.ch]
Pas d'exceptions dans les autres cas. [DR - vd.ch]

Même en l'absence de conflit de trafic, il n'est pas possible aujourd'hui d'installer un panneau permettant aux vélos de continuer tout droit à un feu rouge ( = cas E). Il n'est pas non plus possible d'installer un "tourner à droite au feu rouge" lorsque la chaussée fait moins de 3m20 ( = cas G) ou, comme vu plus haut, s'il n'y a pas pour les vélos de ligne d'arrêt avancée par rapport à la ligne d'arrêt des voitures ( = cas F).