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Interdit dans certains cantons, du gaz de schiste est pourtant importé en Suisse

Doit-on exploiter le gaz de schiste présent dans le sous-sol suisse? [George Spade]
Le gaz de schiste, interdits dans certains cantons, est encore importé en Suisse / La Matinale / 4 min. / le 14 juin 2023
Conséquence de la guerre en Ukraine, l'Europe et la Suisse importent moins de gaz en provenance de Russie. Le gaz de schiste est une alternative. Interdit dans certains cantons, il est pourtant importé sous forme de gaz naturel liquéfié américain: le GNL.

Vendredi dernier se tenait l'assemblée générale de Gaznat, l'entreprise vaudoise qui assure l'approvisionnement et le transport du gaz naturel en Suisse occidentale. Engie, troisième plus grand groupe mondial dans le secteur de l'énergie, est l'un des fournisseurs de Gaznat, via du gaz naturel stocké sur sol français. Le fournisseur d'énergie importe le fameux gaz américain liquéfié pour compenser les baisses de livraisons de gaz russe.

La production de GNL, composé à 70% de gaz de schiste, requiert une très grande vigilance, comme l'explique à la RTS Edouard Neviaski, directeur de l'entité business d'Engie: "Chez Engie, on passe beaucoup de temps à être capables de tracer la façon dont le gaz a été produit aux Etats-Unis, la façon dont il a été acheminé aux terminaux de liquéfaction, puis aux terminaux de regazéification. On s'assure qu'il a été produit dans des conditions optimums en matière de lutte contre des émissions de méthane en amont, et la façon dont l'eau est utilisée pour le produire. On est très vigilants et c'est une chose sur laquelle on n'est pas prêts à faire de compromis", souligne-t-il.

Une méthode d'extraction problématique

Si le fournisseur de gaz naturel se dit vigilant sur la provenance de ce gaz de schiste, c'est que le sujet est sensible. Ce qui pose problème, c'est la méthode d'extraction: on parle là de fracturation hydraulique, ou fracking. Pour cette technique, un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques est injecté à haute pression dans les sols, ce qui permet de libérer du gaz.

Les associations écologiques dénoncent régulièrement cette fracturation hydraulique. D'abord parce que cela libère de grosses quantités de méthane dans l'atmosphère, un gaz à effet de serre plus nocif que le CO2. Ensuite, parce que cela consomme énormément d'eau. Et enfin, parce que l'injection de cette eau avec des produits chimiques peut contaminer les sous-sols et donc les nappes phréatiques.

>> A écouter: l'émission "Gaz de schiste: aubaine ou malédiction?" de l'émission "Vacarme" diffusée en 2014 :

Derrick de forage d'un puits de gaz de schiste au Texas. [Terry Wade]Terry Wade
Gaz de schiste: aubaine ou malédiction? / Vacarme / 54 min. / le 24 août 2014

Une solution de transition

En Suisse, ce fracking n'est pas le bienvenu, et ce, depuis longtemps. Pour le comprendre, il faut revenir en 2011. Cette année-là, le débat fait rage en France, avec des projets de prospection de gaz de schiste. Des inquiétudes qui arrivent en Suisse aussi, surtout lorsque l'on apprend qu'un Texan d'origine fribourgeoise veut prospecter du gaz de schiste dans son canton d'origine.

Beaucoup de cantons, dont les cantons de Vaud, Berne, Neuchâtel, Genève, Zoug et Fribourg, décident alors d'interdire ce mode d'extraction ou de prendre des mesures contraignantes.

A l'époque, Christian Van Singer, ancien conseiller national Vert, est particulièrement actif contre le développement du gaz de schiste en Suisse. Douze ans plus tard, au regard du contexte, il accepte pourtant ce gaz comme solution transitoire: "On peut comprendre qu'aujourd'hui on recourt au gaz de schiste américain pour remplacer le gaz russe. Il ne faut pas contribuer à l'effort de guerre de Poutine", explique-t-il.

En Suisse, certains redoutent que, derrière l'argument d'énergie de transition, on cache des investissements massifs vers le gaz de schiste. Pour l'ancien conseiller national Vert, les investissements ne doivent pas porter sur la recherche de nouvelles sources de gaz de schiste, mais bien sur la réduction de la consommation et sur l'utilisation des énergies renouvelables.

Augmentation des importations

Les importations de GNL vont augmenter. Engie a signé un contrat de 15 ans, en mai 2022, avec un terminal américain exportant du GNL. L'Europe, quant à elle, développe des terminaux pour retransformer ce GNL à l'état gazeux. Des terminaux qui permettront bel et bien d'absorber à l'avenir encore plus de gaz de schiste américain, comme le confirme Edouard Neviaski, responsable chez Engie: "A partir de 2026, 2027, 2028, on aura une production plus importante. [...] D'ici deux ou trois ans, entre l'augmentation de la production et notre capacité à regazéifier le GNL à travers ces nouveaux terminaux, on va assurer au fond une sécurité d'approvisionnement pour l'Europe".

L'année dernière, le gaz liquéfié représentait 25% des importations en gaz naturel en Europe. Il provenait principalement des Etats-Unis, mais aussi du Qatar et du Nigeria. Impossible aujourd'hui de savoir quelle est la part de gaz de schiste qui arrive en Suisse. Gaznat affirme ne pas être en mesure de calculer le chiffre exact.

Sujet radio: Loïc Delacour

Adaptation web: ld

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