Durant son discours, le président ukrainien a défendu l'exportation d'armes vers son pays pour tenter de "mettre fin à la guerre", répétant à plusieurs reprises que l'Ukraine n'était pas la source de ce conflit et de cette violence et que la menace venait "de l'extérieur".
"L'an dernier, à l'automne, lors du sommet du G19, j'avais présenté la formule de paix de l'Ukraine à toute une série d'Etats. Cette formule est conçue de manière à ce que chacun puisse y choisir un élément qui contribuera à rétablir la paix et la sécurité. Certains partenaires s'intéressent à la sécurité nucléaire, d'autres à la sécurité alimentaire, d'autres encore veulent nous aider à rapatrier les enfants qui ont été enlevés par l'occupant et déportés en Russie", a expliqué le président ukrainien.
"A présent, je m'adresse à vous toutes et tous, pour vous inviter à organiser un sommet mondial pour la paix. En effet, c'est là que la Suisse a son expertise", a-t-il ajouté.
Reconnaissant pour les sanctions
Volodymyr Zelensky a aussi remercié le peuple suisse de "ne pas rester indifférent aux souffrances" des Ukrainiens et la Confédération pour avoir repris les sanctions européennes à l'encontre du pouvoir russe. Il s'est dit reconnaissant pour tout paquet de sanctions, toute fortune gelée, "toute mesure qui peut réduire le potentiel terroriste" de la Russie et toute livraison d'armes.
"Nous avons besoin de cohésion, avec tous ceux qui partagent nos valeurs fondamentales, à savoir la vie, l'Etat de droit, la liberté et le respect de toutes les communautés et toutes les personnes", a-t-il encore déclaré.
Nous avons besoin de cohésion, avec tous ceux qui partagent nos valeurs fondamentales, à savoir la vie, l'Etat de droit, la liberté et le respect de toutes les communautés et toutes les personnes
Il s'agit de "défendre cette agression ensemble". Et de citer des partenariats internationaux pour la sécurité alimentaire, pour le déminage ou pour rapatrier "des milliers d'enfants déportés en Russie".
A la fin du discours du président ukrainien, les parlementaires présents lui ont réservé une "standing ovation", accompagnée d'applaudissements nourris.
"Désigner clairement l'agresseur"
En préambule du discours de Volodymyr Zelensky, le président du Conseil national Martin Candinas (Centre/GR) a pris la parole devant les chambres. La neutralité est sans aucun doute un principe important de la politique suisse, mais elle ne signifie pas fermer les yeux devant l'injustice, a-t-il notamment déclaré.
"Dans ce conflit, il ne faut pas "hésiter à désigner clairement l'agresseur et la victime", a encore ajouté le Grison avant de céder la parole au président ukrainien.
Martin Candinas a aussi rappelé la déclaration adoptée par les deux chambres du Parlement quelques jours à peine après le début de la guerre, le 24 février 2022. Bouleversés par les souffrances causées par l'agression russe contre l'Ukraine, les conseils avaient alors fermement condamné les actions de la Russie.
Quinze mois plus tard, "nous ne devons pas nous habituer et nous ne nous habituerons pas aux atrocités" commises par les forces russes, a martelé l'élu grison. Les attaques contre la population civile et les infrastructures civiles sont "inacceptables" et constituent "une violation claire du droit international humanitaire". La destruction du barrage de Nova Kakhovka n'en est que le dernier exemple.
Un discours au Parlement critiqué en amont par l'UDC
Une fois connue l'annonce du discours de Volodymyr Zelensky à l'Assemblée fédérale, le chef du groupe parlementaire Thomas Aeschi (UDC/ZG) avait critiqué cette décision et indiqué que la majorité de son groupe ne serait pas présente. Au total, seuls deux élus UDC étaient finalement présents dans la salle: l'ancien président du Conseil national Andreas Aebi (BE) et le sénateur Hannes Germann (SG)
Le Conseil national avait auparavant rejeté par 128 voix contre 58 une tentative de l'UDC de revenir sur cette décision et de ne pas laisser Volodymyr Zelensky s'exprimer par visioconférence.
"En permettant ce discours, on fragilise la politique et la neutralité suisses", avait dit Alfred Heer (UDC/ZH). "On comprend que le président ukrainien veut tout faire pour défendre l'Ukraine. Mais on ne doit pas se laisser mettre la pression sur la question des sanctions ou des livraisons d'armes."
Cette tentative de l'UDC est une "faillite morale", lui a répondu Cédric Wermuth (PS/AG). "Vous agissez ainsi en faveur de Moscou", alors que l'Ukraine subit une agression depuis plus d'un an.
Lors de l'allocution de Volodymyr Zelensky, la quasi-totalité des parlementaires UDC était donc absente. Seuls deux élus étaient dans l'assemblée, mais pas assis à leur place: l'ancien président du Conseil national Andreas Aebi (BE) et le sénateur Hannes Germann (SH).
Pour Brigitte Crottaz, conseillère nationale socialiste vaudoise, il aurait été, au contraire, judicieux pour les membres absents d’entendre le discours de Volodymyr Zelensky. "Il était calme et très rassembleur. Il y avait beaucoup d’émotions à l’évocation des différentes violations des droits humains", souligne-t-elle jeudi dans l'émission Forum de la RTS.
Et d'ajouter: "Il a surtout insisté sur le fait que chaque pays, à sa façon, pouvait aider l’Ukraine. Cela à travers l’aide humanitaire, le déminage, ou encore la sécurité alimentaire ou nucléaire. Il a aussi essayé de dire tout ce la Suisse faisait de bien".
>> Relire : Le Conseil des Etats entre en matière sur la réexportation d'armes vers des pays en guerre
ther avec ats
Cyberattaques à la veille de l'allocution, mesures de sécurité à Berne
Les sites en ligne des villes de Lausanne, Zurich, St-Gall et du canton de Bâle-Ville ont été attaqués par des pirates apparemment pro-russes mercredi.
A Berne, le Département fédéral des finances (DFF) a indiqué que dans la nuit de mardi à mercredi, de nouveaux lots de données de l'administration fédérale ont été publiés sur le darknet.
Lundi déjà, plusieurs pages en ligne de l'administration fédérale avaient brièvement été paralysées. Un groupe de pirates informatiques pro-russes avaient revendiqué cette attaque.
>> Relire : Attaques informatiques contre les sites de grandes villes suisses, dont Lausanne
Les spécialistes évoquent un lien avec le discours de Volodymyr Zelensky devant l'Assemblée fédérale. L'un des enjeux sera justement que celui-ci, ne soit pas interrompu par une énième attaque informatique.
Par mesure de sécurité, la salle des pas perdus du Parlement avait été vidée et seuls les élus avaient le droit d'y accéder. Les journalistes qui disposent d'une accréditation permanente au Palais fédéral ne pouvaient eux que se rendre dans la tribune de presse.