Il y a deux semaines, au terme du procès de cet ancien pédiatre scolaire, la justice a conclu que ses gestes étaient "médicalement justifiés". L'affaire concerne quatre adolescents: trois filles et un garçon, âgés de 15 ans au moment des faits, en 2021.
Les trois jeunes filles ont notamment parlé de palpations insistantes au niveau de la poitrine et du bas ventre, mais aussi de pantalon baissé sans leur consentement. Le jeune homme, lui, s'étonnait de gestes à proximité de son pénis, alors qu'il se plaignait d'une douleur dans le haut de la hanche. Le pédiatre incriminé a nié les accusations. Selon lui, ses gestes ont été mal compris.
A la barre, des collègues ont témoigné de sa pratique professionnelle, jugée irréprochable.
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Une société de plus en plus angoissée
Cette affaire interpelle la profession. Certains s'interrogent sur la manière dont les jeunes peuvent interpréter ou surinterpréter des gestes. Des jeunes aujourd'hui davantage sensibilisés aux questions d'intégrité sexuelle.
Le docteur François Robert-Grandpierre a son cabinet dans le canton de Neuchâtel et il est également médecin scolaire depuis quinze ans pour le Cercle scolaire de Colombier et environs. Il confie ne pas avoir été forcément surpris par cette affaire. "J'ai déjà vécu cette situation une ou deux fois par le passé en examinant des enfants. Les parents ont pu être choqués par certains actes qui sont d'ordre tout à fait médical, mais qui sont importants à faire. Mais c'est vrai, quand on est examiné par un médecin qu'on ne connaît pas, il y a toujours une certaine crainte que le médecin outrepasse sa pratique", admet le praticien interrogé jeudi dans La Matinale.
François Robert-Grandpierre évoque aussi une société de plus en plus angoissée par rapport au monde médical: "Je pense qu'il y a aussi pas mal d'anxiété qui est venue avec les années par rapport à des histoires d'attouchements ou des choses comme ça qui peuvent trotter dans la tête de différentes personnes."
Une santé scolaire orientée prévention
Aujourd'hui, la médecine scolaire s'est muée en santé scolaire avec une orientation claire sur la prévention et la promotion de la santé. Les médecins, stéthoscope à la main, qui auscultent tous les élèves de la classe, sont devenus une exception en Suisse romande, pour une raison simple: désormais, pratiquement chaque enfant et adolescent dans notre pays est suivi par son propre pédiatre ou médecin traitant. Mais il arrive qu'en l'absence d'un suivi, ou en cas de demande de consultation, ce soit au médecin scolaire d'intervenir.
L'évolution de la médecine scolaire en santé scolaire fait apparaître des risques nouveaux avec des enfants et des adolescents qui ne comprennent pas forcément le sens de la visite médicale.
La pratique s'inscrit dans un cadre réglé par les différents cantons. A Neuchâtel, le "cadre est très clair", estime le médecin cantonal Laurent Kaufmann. Mais selon lui, le peu de contact et donc de confiance entre l'élève et le médecin scolaire peut donner lieu à ce genre de mauvaise interprétation: "L'évolution de la médecine scolaire en santé scolaire fait apparaître des risques nouveaux avec des enfants et des adolescents qui ne comprennent pas forcément le sens de la visite médicale", souligne le médecin cantonal.
Une pratique à risque
Le contexte scolaire peut favoriser la méfiance des enfants. Dans le cas neuchâtelois, la juge a considéré que des rumeurs répandues dans l'école avaient accentué "une perception malsaine des gestes médicaux".
En dehors du cadre scolaire, ce genre d'affaires agite aussi la profession et pousse les praticiens à être plus prudents. Pour le docteur Jean-Yves Corajod, coprésident de la Société genevoise de pédiatrie, les médecins effectuent une pratique à risque: "Il y a déjà eu par le passé plusieurs cas de médecins qui ont été amenés devant des tribunaux pour des cas de mauvaises compréhensions ou de mauvaises interprétations entre le médecin et le patient sur ce qui allait être fait. On doit vraiment informer de plus en plus sur ce qui va être fait dans une consultation et obtenir un consentement par rapport à un examen physique qui serait fait", précise-t-il.
On doit vraiment informer de plus en plus sur ce qui va être fait dans une consultation et obtenir un consentement par rapport à un examen physique.
Pour éviter ce genre de situation, certains médecins font appel à une tierce personne pour les examens sensibles. Ce n'était pas le cas de l'ancien médecin du Cercle scolaire de Val-de-Ruz. Son successeur, bien plus jeune, a annoncé à la direction qu'il ne donnerait aucune consultation seul.
Sujet radio: Romain Bardet
Adaptation web: ld