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Quand la vache attaque, les gestes à éviter et les comportements adéquats

Mise au point - Les attaques de vaches. [RTS]
Les attaques de vaches / Mise au point / 12 min. / le 11 juin 2023
Une vache en colère, l'écume aux naseaux, fonçant sur un paisible randonneur obligé de fuir: la scène digne d'un dessin animé prend parfois des tournures tragiques. Les attaques de bovins demeurent rares, mais seraient en augmentation. Et adopter le comportement adéquat ne va pas toujours de soi.

Dans les alpages ou en plaine, la randonnée est l'activité préférée des Suissesses et des Suisses. Plusieurs millions de personnes s'y adonnent avec le retour des beaux jours.

Très souvent, les marcheurs, comme les cyclistes d'ailleurs, se retrouvent nez à nez avec des troupeaux de vaches. Si la nette majorité de ces rencontres se déroulent paisiblement, des attaques sont possibles. Et quand un bovidé de 500 à 700 kilos rue, les conséquences peuvent être dramatiques.

Des attaques parfois violentes

De nombreuses vidéos circulent sur internet montrant des attaques parfois violentes contre des randonneurs ou des adeptes du VTT, même expérimentés. "Nous et notre chien, elles nous ont agressés, nous sommes partis dans un coin et même en les contournant, elles nous attendaient pour nous agresser", témoigne une randonneuse interrogée par Mise au point.

"Une fois, j'ai rencontré une vache d'Hérens pas très commode, elle était comme dans les bandes dessinées, elle écumait des naseaux. Heureusement, une barrière nous a sauvés", confie un autre marcheur.

J'ai rencontré une vache d'Hérens pas très commode, elle était comme dans les bandes dessinées, elle écumait des naseaux

Un randonneur interrogé dans Mise au point

Et l'expérience peut devenir traumatisante. Accompagnatrice de randonnée, Corine se promenait avec son chien il y a deux ans sur une route goudronnée qui traverse un pâturage des Franches-Montagnes (JU), quand des vaches les ont piétinés. Son chien est mort d'un coup de sabot sur le crâne.

Je dois apprendre à vivre avec le fait que j'ai peur des vaches

Corine, victime d'une attaque de vaches

Corine, elle, dit avoir eu beaucoup de chance: "J'ai eu peu de blessures, mais j'étais comme un boxeur après un match: des bleus et des contusions partout, mais rien de cassé." Reste le traumatisme en réalisant qu'elle a frôlé la mort, les crises de panique, le stress au moindre bruit. "Il m'a fallu une année pour dépasser ce stade et je dois apprendre à vivre avec le fait que j'ai peur des vaches."

Davantage de vaches allaitantes et davantage de randonneurs

Les attaques de vaches sont un phénomène qui n'est pas nouveau, mais qui tend à se renforcer. François Monin, directeur d'AgriJura, la Chambre jurassienne d'agriculture, relève que "passablement d'accidents ont eu lieu en 2022 dans le canton de Jura avec des événements qui ont marqué la population".

La police jurassienne confirme elle aussi que les accidents ont augmenté la saison dernière avec cinq cas annoncés. Il est aussi difficile de quantifier ces attaques, car beaucoup d'entre elles passent sous les radars, n'étant pas signalées aux autorités si personne n'a été blessé.

Un panneau avertissant de la présence d'une vache allaitante. [Service de prévention des accidents dans l'agriculture]
Un panneau avertissant de la présence d'une vache allaitante. [Service de prévention des accidents dans l'agriculture]

Les experts avancent plusieurs explications à cette hausse des incidents. Tout d'abord, le nombre de vaches-mères a augmenté de 25% en quinze ans, une évolution dictée par les marchés et la politique agricole. Or, ce sont surtout les vaches allaitantes qui peuvent devenir agressives pour protéger leurs petits. Particulièrement menacés par les attaques de prédateurs, les jeunes sont très surveillés et défendus.

En outre, l'affluence dans les pâturages est toujours plus forte, notamment depuis la fin de la pandémie. Beaucoup se sont mis à la marche et certains ne connaissent pas forcément le milieu rural. Nicolas Bolay, éleveur à Genolier (VD), estime qu'il y a parfois "une certaine déconnexion de la réalité du monde agricole par certains promeneurs qui peuvent venir des villes".

Autrement dit, les comportements de certains promeneurs sont parfois inadéquats, si ce n'est stupides. Caresser un veau peut être vu comme un geste tendre pour l'humain, alors que c'est une agression pour la mère. Courir, crier, sauter, mettre de la musique à plein volume, utiliser des pétards ou laisser des chiens en liberté sont également à proscrire pour éviter de stresser le bétail.

Informer, sensibiliser, habituer

Mais que faire pour éviter les accidents? Pour Nicolas Bolay, les agriculteurs doivent mettre en place les conditions adéquates pour que les vaches soient calmes, mais il faut aussi que "le public respecte les animaux et les règles de comportement sur les alpages".

Communiquer les dangers et sensibiliser les randonneurs est donc primordial. Et cela passe par une coordination entre les différents acteurs: les agriculteurs, les associations de promeneurs et les acteurs du tourisme. Le Service de prévention des accidents dans l'agriculture, l'association Vache mère suisse, l'Union suisse des paysans, Suisse Rando et le bpa ont ainsi collaboré pour élaborer des flyers rappelant les bonnes pratiques. Des panneaux d'information ont été posés, notamment pour signaler la présence de vaches allaitantes.

Des barrières ont aussi été installées pour séparer les vaches de certains sentiers, notamment où des accidents ont eu lieu. Les itinéraires sont aussi parfois adaptés pour éviter les conflits avec le bétail. Mais les responsables du balisage s'opposent au tout-barrière et estiment qu'il faut que l'accès aux pâturages soit garanti pour toutes et tous et en tout temps, les vaches ne s'y trouvant qu'une partie de l'année.

Les agriculteurs ont aussi un rôle important à jouer: habituer les animaux à la présence humaine et ainsi éviter des réactions apeurées qui peuvent être dangereuses. Nicolas Bolay confie qu'il a pris l'habitude d'aller toucher les veaux quand ils viennent manger. Il garde également les vaches qui doivent vêler en plaine, dans des enclos, et les veaux ne sont déplacés vers les alpages que quand ils ont deux ou trois semaines de vie et que tout se passe bien.

Reste le problème des prédateurs, et notamment des loups. Dans les alpages, les vaches sont aux aguets à cause du canidé, elles sont craintives et ne veulent pas être dérangées. Et le chien est assimilé à un loup, de par son langage corporel et sa manière de se comporter. La vache ne sachant pas s'il est joueur ou agressif, elle va se sentir menacée et va se défendre elle-même et défendre le troupeau.

Une question de responsabilité individuelle et de bon sens

Quand un randonneur ou une randonneuse s'aventure sur un pâturage, il est aussi de sa responsabilité d'agir correctement. Confronté à une vidéo d'attaque (voir ci-dessous), Nicolas Bolay relève immédiatement une erreur humaine: "On voit très bien le comportement des vaches, le veau prévient la personne qu'il ne faut pas approcher, en secouant la tête. Mais elle continue et il chasse." Pénétrer dans la zone de confort et de protection de l'animal est l'erreur principale. Le veau ou sa mère vont souvent réagir brusquement ou attaquer pour se protéger.

L'important est d'analyser la situation et de faire preuve de bon sens: où sont les vaches par rapport à soi? Des veaux sont-ils présents? Le sentier est-il suffisamment éloigné des animaux pour ne pas les déranger? Faut-il plutôt faire un détour pour les éviter? Il faut aussi regarder le comportement des vaches, déceler les positions d'alerte et les marques d'agressivité ou de peur: tête baissée, souffle fort, patte qui gratte, oreilles dressées...

Le Service de prévention des accidents dans l'agriculture relève en outre que les promeneurs sont les "invités du troupeau dans les pâturages" et les bovins savent que la clôture délimite leur espace de vie et empêche les intrusions. Ils font la différence entre une personne à l'extérieur et à l'intérieur de la clôture. Et "de même que vous ne rentreriez pas chez des amis par la fenêtre de la salle de bain, vous ne devriez pas passer au-dessus ou en dessous de la clôture pour rentrer dans le pâturage". En outre, le troupeau s’habitue aux personnes qui passent par les chemins officiels et demeure ainsi plus tranquille que dans les zones moins fréquentées.

Enfin, comme le soulignait récemment Vincent Gigandet, chef technique de JuraRando, au micro de La Matinale, il ne faut faire paniquer les uns et les autres, car le danger n'est pas non plus immense: "Le 99% des gens font attention et sentent le danger. Et il ne faut pas se priver de tout parce qu'on voit deux vaches avec un veau à 200 mètres, on peut quand même traverser une prairie."

>> Le rappel des bonnes pratiques dans La Matinale :

De la prévention pour une bonne cohabitation avec les vaches mères. [RTS - Gaël Klein]RTS - Gaël Klein
Rappel des bonnes pratiques pour une randonnée en sécurité dans le Jura / La Matinale / 1 min. / le 9 mai 2023

>> Lire aussi : Le Jura veut protéger ses randonneurs contre les charges des vaches-mères

Texte web: Frédéric Boillat

Reportage TV: Loïc Delacour

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Les recommandations

  • Ne pas s'approcher des veaux et surtout ne pas les toucher. Ne pas se placer entre le veau et sa mère

  • Garder ses distances avec les animaux, surtout les vaches allaitantes et les taureaux.

  • Tenir les chiens en laisse, ne pas les laisser aboyer ou poursuivre les animaux

  • Ne pas quitter les chemins pédestres à part pour faire des détours afin d'éviter les troupeaux.

  • Ignorer les vaches qui avancent (c'est souvent de la curiosité), simuler l'indifférence, ne pas les approcher frontalement

  • Contourner le troupeau en amont pour freiner son avancée vers vous.

  • Observer s'il y a des signes de menace

  • Eviter de fixer les vaches

  • Eviter de tourner le dos à l'animal

  • Rester calme, marcher tranquillement, ne pas courir, ne pas faire de gestes brusques, ne pas gesticuler avec un bâton.

  • Ne pas crier pour faire fuir les animaux

  • Ne pas nourrir les vaches, car cela peut provoquer des jalousies et des bagarres chez les animaux

  • Ne pas tenir des sacs en plastique dans les mains (les vaches peuvent s'approcher pour voir si l'éleveur vient leur donner du sel)

  • Ne pas hésiter à rebrousser chemin si l'on n'est pas en confiance

Et en cas d'attaque

  • Si l'animal se lève et fait des gestes brusques, il faut rester calme et s'éloigner tranquillement, augmenter peu à peu la distance avec lui

  • Ne pas s'enfuir en courant, car cela peut stimuler encore plus les animaux. De plus, le danger de trébucher augmente.

  • Garder un oeil sur le troupeau, mais en éviter le contact visuel direct

  • Laisser son sac ou un vêtement à terre pour détourner un moment l'attention des vaches

  • En cas de chute, se relever pour éviter d'être piétiné

  • Détacher le chien pour qu’il puisse s'enfuir et ne pas le prendre dans ses bras