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Quatre questions pour comprendre les enjeux du départ d'Alain Berset

Le conseiller fédéral Alain Berset marche dans la rue à Berne, juste avant l'annonce de son départ du Conseil fédéral. [Keystone - Peter Klaunzer]
Le conseiller fédéral Alain Berset marche dans la rue à Berne, juste avant l'annonce de son départ du Conseil fédéral. - [Keystone - Peter Klaunzer]
Qui va succéder à Alain Berset au Conseil fédéral? Les Verts vont-ils défier le PS? La gauche peut-elle conserver le Département de l'intérieur? Depuis l'annonce du départ du ministre socialiste mercredi, ces questions sont sur toutes les lèvres. Une grande partie des réponses dépendra du résultat des élections fédérales d'octobre. Tour d'horizon des principaux enjeux.

1) Qui sont les favoris pour succéder à Alain Berset?

Depuis l'élection de la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, le Conseil fédéral dispose d'une majorité latine inédite. La logique voudrait donc que le prochain conseiller fédéral soit alémanique. Interrogés, plusieurs ténors socialistes outre-Sarine ont déjà laissé la porte ouverte à une éventuelle candidature. Parmi eux, citons le conseiller d'Etat et ancien conseiller national bâlois Beat Jans et le conseiller aux Etats zurichois Daniel Jositsch, figure de l'aile centriste du parti. Les noms du Bernois Matthias Aebischer, du Grison Jon Pult et du coprésident du parti Cédric Wermuth sont aussi parfois évoqués.

Même si elles sont déjà représentées au gouvernement, les femmes socialistes pourraient parfaitement briguer la succession d'Alain Berset. Malgré deux candidatures malheureuses en 2010 et l'an dernier, la sénatrice bâloise Eva Herzog n'écarte pas l'idée d'une troisième tentative. La conseillère d'Etat zurichoise Jacqueline Fehr tout comme la conseillère nationale bernoise Nadine Masshardt seraient aussi des prétendantes sérieuses. Ou alors le PS pourrait jouer la carte de la jeunesse et présenter la Bâloise Samira Marti, 29 ans, considérée comme l'étoile montante du parti. La Bernoise Flavia Wasserfallen a d'ores et déjà indiqué qu'elle ne se présenterait pas.

>> Le sujet du 19h30 sur la succession d'Alain Berset :

Qui pour succéder à Alain Berset au Conseil fédéral ?
Qui pour succéder à Alain Berset au Conseil fédéral ? / 19h30 / 1 min. / le 21 juin 2023

Côté romand, le Parti socialiste dispose également de nombreuses personnalités de premier plan, notamment dans le canton de Vaud avec les conseillers nationaux Roger Nordmann et Pierre-Yves Maillard ou les conseillères d'Etat Rebecca Ruiz ou Nuria Gorrite. L'élection en décembre prochain d'un ou d'une nouvelle ministre francophone paraît toutefois peu probable au vu de la configuration actuelle du Conseil fédéral. Mais il faudra attendre le mois de septembre pour en savoir plus ; le PS entend se donner du temps.

>> Lire aussi : Qui pour prendre le siège de conseiller fédéral laissé libre par Alain Berset?

2) Le deuxième siège du PS est-il en danger?

La liste des prétendants au Conseil fédéral pourrait s'allonger au-delà du Parti socialiste. Mercredi en début d'après-midi, les Verts ont en effet annoncé qu'ils prévoyaient une candidature lors du renouvellement intégral du Conseil fédéral à la fin de l'année. Bien qu'il ne vise pas directement le fauteuil laissé vacant par Alain Berset, le parti écologiste estime avoir droit à un siège au gouvernement "en tant que quatrième force politique du pays".

>> Lire aussi : Les partis remercient Alain Berset pour son engagement et lancent quelques piques

Au centre, les Vert'libéraux affûtent eux aussi leurs armes. En cas de nouveau succès électoral cet automne, ils pourraient également revendiquer une place au Conseil fédéral, font-ils savoir.

>> Voir le sujet de Forum jeudi sur les ambitions des Verts :

Conseil fédéral: l'ambition des Verts après l’annonce du départ d’Alain Berset
Conseil fédéral: l'ambition des Verts après l’annonce du départ d’Alain Berset / Forum / 3 min. / le 22 juin 2023

L'appétit des Verts pourrait bien créer des tensions à gauche ces prochains mois. Mercredi, le président du Parti socialiste Cédric Wermuth a immédiatement mis en garde contre une division du camp rose-vert: "C'est le rêve de la droite dure que la gauche s'entredéchire". "Si le but est de rendre le Conseil fédéral plus juste et plus social, ce serait très bizarre de lancer une guerre intestine entre le PS et les Verts", abonde le chef du groupe Roger Nordmann. Pour lui, ce sont d'ailleurs l'UDC et le PLR qui sont surreprésentés au gouvernement.

>> Le grand débat de Forum sur la succession d'Alain Berset :

Les Vert.e.s se lancent dans la course au Conseil fédéral suite au départ d’Alain Berset
Les Vert.e.s se lancent dans la course au Conseil fédéral suite au départ d’Alain Berset / Forum / 11 min. / le 21 juin 2023

Dans tous les cas, la future composition du Conseil fédéral dépendra beaucoup du résultat des élections fédérales. Les sondages laissent augurer un recul des Verts cet automne, ce qui pourrait grandement freiner leurs ambitions.

Selon nombre d'observateurs, le départ d'Alain Berset pourrait en outre donner une visibilité bienvenue aux socialistes. "Cela va faire beaucoup de bien au PS", affirme le politologue Pascal Sciarini. Professeur à l'Université de Genève, Nenad Stojanovic est plus nuancé. Pour lui, il aurait peut-être été plus bénéfique pour le PS que la succession d'Alain Berset se fasse plus tôt, en septembre, lorsque les gens commencent à voter.

>> Ecouter l'interview du politologue Pascal Sciarini dans le 12h30 :

Pascal Sciarini, politologue et professeur de science politique à l’Université de Genève. [RTS]RTS
Un siège pour les Verts ou le PS après le départ d'Alain Berset du Conseil fédéral? Interview de Pascal Sciarini / Le 12h30 / 1 min. / le 22 juin 2023

3) Qui va reprendre le Département de l'intérieur?

Même s'il réussit à conserver son deuxième siège, une autre menace plane sur le PS: la perte du Département fédéral de l'intérieur. Il n'est en effet pas du tout certain que le successeur d'Alain Berset puisse hériter du même dicastère. Après 12 ans en mains socialistes, la droite pourrait vouloir récupérer ce département mammouth, où des dossiers fondamentaux pour les années à venir restent ouverts, notamment la réforme du deuxième pilier ou encore l'épineuse question des coûts de la santé.

Pour rappel, les socialistes ont déjà perdu un autre gros morceau - le DETEC - à la suite de la démission de Simonetta Sommaruga à la fin de l'année dernière. Au jeu des chaises musicales, le PS s'est fait damer le pion par la droite. La nouvelle venue Elisabeth Baume-Schneider a été devancée par l'UDC Albert Rösti, qui a mis la main sur l'Energie et les Transports. La Jurassienne a dû se contenter du Département de justice et police laissé vacant par la libérale-radicale Karin Keller-Sutter, passée aux Finances.

4) Peut-on s'attendre à un autre départ au Conseil fédéral?

Dans les prochains mois, il n'est pas totalement exclu qu'un autre ministre annonce sa démission pour la fin de la législature. Avec le départ d'Alain Berset, le deuxième plus ancien membre du collège est désormais Guy Parmelin. Elu au gouvernement à la fin 2015 lors de la succession d'Eveline Widmer-Schlumpf, le citoyen de Bursins est également le plus "vieux" conseiller fédéral en poste. Reste qu'en décembre prochain, l'UDC vaudois n'aura "que" 64 ans, pas encore l'âge de la retraite.

Certains observateurs imaginent toutefois que Guy Parmelin pourrait passer la main au terme de sa deuxième législature complète au plus haut niveau du pouvoir. Une telle éventualité, avec deux places libres, ouvrirait davantage le jeu en termes de représentation des langues et des genres au Conseil fédéral. Cela laisserait aussi entrevoir une partie de billard à trois bandes entre les partis gouvernementaux, soucieux de défendre leurs acquis, et les plus petites formations aux dents longues, avides d'une place sous les feux de la rampe.

Didier Kottelat avec ats

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