Publié

Bons baisers de Berne: plongée dans le quotidien d’un espion suisse

Au service de la Suisse: Immersion au cœur du très secret Service de renseignement de la Confédération
Au service de la Suisse: Immersion au cœur du très secret Service de renseignement de la Confédération / 19h30 / 4 min. / le 25 juin 2023
Pour la première fois, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) a accepté d'ouvrir ses portes à la RTS et de dévoiler une partie de son travail. Le 19h30 a pu suivre durant une journée le quotidien de la cellule contre-terrorisme de la Suisse.

C’est un bâtiment en forme de croix suisse, en ville de Berne, que ses occupants surnomment le Pentagone. Un lieu secret où, d’habitude, caméras et micros ne sont pas les bienvenus.

Exceptionnellement, la RTS pu pénétrer ces murs qui abritent les agents du Service de renseignement de la Confédération (SRC).

Une identité qui doit rester secrète

Ces hommes et ces femmes, ce sont les yeux et les oreilles de la Suisse. Nous n’avons pas le droit de montrer leur visage et leur identité doit absolument rester secrète.

La discrétion d’une officière de renseignement, c’est la clé

Michelle, collaboratrice de l’unité recherches du SRC

"La discrétion d’une officière de renseignement, c’est la clé. C’est une mission que j’accomplis et je suis persuadée de ce que je fais", témoigne l’une d’entre elles. Nous l’appellerons Michelle*. "Il était pour moi important d’apporter ma contribution à la sécurité de la Suisse et à sa population. Cela paraît un peu cliché, mais c’est cela", renchérit sa collègue Maude.

Le téléphone dans un bocal équipé d'un brouilleur

Pour comprendre comment les agents du renseignement suisse opèrent, la RTS a pu assister à une réunion de la section contre-terrorisme. Premier réflexe en arrivant dans la salle: laisser les téléphones portables dans un bocal équipé d’un brouilleur d’ondes, pour éviter que les conversations ne soient enregistrées ou interceptées. La discussion porte sur un individu, repéré sur un groupe ouvert sur l’application Telegram, qui fait la propagande du groupe Etat islamique et diffuse du contenu djihadiste.

Même si les attentats sont devenus plus rares, le nombre de cas de terrorisme traités par le SRC n’a pas diminué ces dernières années et la menace est toujours considérée comme élevée. La crainte principale du renseignement suisse, c’est la menace endogène. "C’est un individu qui se radicalise, très souvent seul derrière son écran, et qui pourrait perpétrer une attaque violente avec des moyens simples, par exemple un couteau", explique Maude. "On en a vécu deux en 2020, en l’espace de deux mois", relève cette cheffe analyste.

Il est important d’avoir une image complète de la personne, de pouvoir faire connaissance, de lui poser des questions concrètes par rapport à ses activités

Michelle, collaboratrice de l’unité recherches du SRC

Afin de prévenir le passage à l’acte, une des premières mesures du SRC est de prendre contact avec la personne détectée et de l’inviter à un entretien préventif. "Pour nous, c’est important d’avoir une image complète de la personne, de pouvoir faire connaissance, de lui poser des questions concrètes par rapport à ses activités", note Michelle, collaboratrice de l’unité recherches.

"On a aussi la possibilité de faire des observations sur la voie publique, pour voir si la personne rencontre d’autres individus connus", précise-t-elle. Nous n’en saurons pas plus. Nous ne sommes pas autorisés à filmer une surveillance réelle. Le SRC ne souhaite pas non plus révéler son mode opératoire. Tout ce que nous apprendrons, c’est que le service travaille aussi, en parallèle, avec des sources infiltrées sur le terrain.

95 surveillances l'an dernier

L’an dernier, le SRC a ordonné au total 95 surveillances et près de 14'000 demandes de renseignements. Signe d’une situation politique mondiale de plus en plus complexe, ce chiffre a doublé par rapport à l’année précédente.

En comparaison internationale, le renseignement suisse reste toutefois un nain: 450 personnes y sont employées, dont, depuis quelques années, un nombre croissant de femmes.

Ma famille proche sait où je travaille, mais elle ne sait pas ce que je fais

Maude, cheffe analyste au SRC

Nos deux témoins sont conscientes que leur travail suscite des fantasmes. Elles le voient comme un métier presque normal, où il faut tout de même apprendre à mentir, y compris à ses proches. "Ma famille proche sait où je travaille, mais elle ne sait pas ce que je fais. On a vraiment des exercices pour ça", souligne Maude. "Si on préfère être dans la lumière, ce n'est pas le bon poste." Espion au service de la Confédération, loin, très loin des clichés à la James Bond...

Valérie Gillioz/dk

*Noms d’emprunt

Publié