Le principal problème, pour la Suisse, reste celui de l'espionnage. Hôte de nombreuses organisations internationales, la Suisse est, à l’échelle européenne, parmi les pays où opèrent le plus grand nombre d'espions russes sous couverture diplomatique. Le mandat helvétique au Conseil de sécurité de l’ONU accentue ce risque, selon le SRC.
Fragilisés dans beaucoup de pays d'Europe ainsi qu'en Amérique du Nord, les services secrets russes restent dominants. En Suisse, sur les 220 personnes ayant une accréditation diplomatique ou consulaire russe à Genève ou à Berne, il est très probable qu'un tiers au moins travaille encore pour les services de renseignements.
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Montée en puissance de la Chine
La Chine n'est pas en reste avec des dizaines d'espions présents en Suisse. Contrairement à la Russie, les Chinois ont davantage recours à des couvertures non diplomatiques. Leurs membres se font surtout passer pour des scientifiques, des journalistes ou des hommes et femmes d’affaires.
L'espionnage chinois va d'ailleurs monter en puissance en Europe, prévient Christian Dussey. Leurs services de renseignements ont des ressources et des moyens en expansion. "Nous faisons le maximum, sur le terrain, pour montrer les limites" à ne pas franchir, a précisé Christian Dussey. L'espionnage a un impact négatif sur la Genève internationale et représente un préjudice pour la crédibilité de la Suisse.
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Pour le conseiller aux Etats socialiste genevois Carlo Sommaruga, interrogé lundi soir dans l'émission Forum de la RTS, cette présence massive d'espions pose à la Suisse des problèmes concrets. Il évoque notamment la Genève internationale: "On pourrait sentir que ce n'est pas un lieu qui est sûr, puisqu'il y a le risque d'être espionné. On va peut-être trouver d'autres endroits où faire des réunions délicates", met-il en garde.
Il cite également le risque que la Suisse devienne une plateforme pour des trafics destinés à favoriser l'effort militaire russe, ainsi que le risque de piratage industriel pour l'industrie suisse, "très forte et innovante".
Prolifération des armes
Outre l'espionnage, la prolifération des armes inquiète aussi le SRC. Ce dernier veut empêcer le transfert à la Russie de biens dont elle pourrait faire un usage militaire. Des composants civils de fabrication suisse peuvent en effet se retrouver sur des équipements militaires russes utilisés en Ukraine. Pour contourner les sanctions, la Russie met désormais à profit des entreprises basées dans des Etats de l’Union économique eurasiatique ainsi qu’en Turquie et en Inde. Le contrôle des chaînes d'approvisionnement est donc très complexe, selon Christian Dussey.
Le domaine cyber représente un autre risque, comme on l'a vu avec les attaques informatiques récentes sur des sites officiels de la Confédération ou contre des entreprises par des "hackers" pro-russes. En lien avec la guerre, la menace contre les infrastructures critiques reste également aigüe.
Ne pas oublier le djihadisme
La possibilité d'une attaque terroriste liée au djihadisme, enfin, n'est pas à sous-estimer. Actuellement, le scénario le plus plausible est celui d’un acte perpétré par un individu isolé, peut-être fragilisé psychologiquement.
Le SRC doit aussi lutter contre l'extrémisme violent, de gauche comme de droite. En suisse, l'extrémisme de gauche est plus présent dans les statistiques et plus violent que celui de droite. Il faut là s’attendre à une augmentation de la violence directe contre des personnes, notamment contre celles considérées comme appartenant à l'extrême droite et contre des représentants des forces de sécurité.
ats/ami/vic
"La Russie a détruit en Europe l'ordre de paix basé sur des règles"
"La Russie a détruit en Europe l'ordre de paix basé sur des règles", affirme le dernier rapport "La sécurité de la Suisse 2023", présenté lundi à Berne par le patron du SRC, Christian Dussey. La situation actuelle est celle d'une guerre d'usure. La Russie et l'Ukraine ont chacune des objectifs qui excluent l'autre pays, aucune solution diplomatique n'est donc en vue, poursuit-il. A ses yeux, un règlement militaire du conflit ne se produira pas d'ici la fin de l'année.
Les événements de samedi sont par ailleurs "un grand défi intérieur" pour la Russie, estime Christian Dussey. Il est trop tôt pour porter un jugement, beaucoup d'acteurs attendant de voir comment le vent va tourner. "Nous sommes désormais dans une phase de désescalade", mais la rébellion menée par Evgeni Prigojine et son groupe Wagner représente un choc.
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Ambition impériale russe
L'Ukraine dépend essentiellement du soutien occidental. Les pressions de ce camp pour obtenir un cessez-le-feu pourraient donc augmenter avec le temps. Mais l'ambition impériale russe ne s'arrêtera pas avec l'arrêt des combats, estime Christian Dussey. Pour la Suisse, cela signifie une multiplication des défis et des menaces. "Après une année en poste, il n'y a pas un seul domaine du SRC qui a connu un développement positif", constate le chef des espions.