Elle ne mesure que quelques millimètres et pourtant, du haut de ses huit minuscules pattes, elle grignote année après année un peu plus de territoire en Suisse. Au point que le pays comptabilise depuis 2017 plus de 14'000 piqûres de tiques par année. Cette situation pourrait même empirer puisque la période d’activité des tiques augmente à cause du réchauffement climatique. Depuis peu, on voit apparaître des morsures même en tout début et fin d’année.
Un vecteur de maladies
Cette lente colonisation des forêts et prairies helvétiques n’est pas anodine, puisque le vilain parasite transporte avec lui des maladies potentiellement dangereuses pour l’être humain: les principales sont la méningo-encéphalite à tiques (FSME) et la borréliose, plus connue sous le nom de maladie de Lyme (voir aussi encadré).
La FSME est soumise à une déclaration obligatoire depuis 1988. L’évolution du nombre de cas est donc surveillée de près par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Si le risque de contracter la maladie reste faible (moins de 1% des cas de piqûres), il existe un vaccin, fortement recommandé en Suisse, qui permet de se prémunir contre le développement d’une méningite et ses complications mortelles.
Pas de vaccin contre la borréliose
La maladie de Lyme, quant à elle, n’est soumise à aucune obligation de déclaration, et les spécialistes de l’OFSP se basent donc sur une extrapolation du nombre de cas. Après les pics des années 2018 et 2020, le nombre de cas extrapolé pour 2023 est pour le moment similaire à celui des années précédentes. Néanmoins, le risque de contracter la borréliose reste plus élevé que pour la FSME.
La Suisse est aujourd’hui considérée comme une zone à risque pour la transmission de cette infection bactérienne aux conséquences parfois graves et contre laquelle il n’existe aucun vaccin. Mais si l'infection est décelée à temps, elle peut être soignée par des antibiotiques.
Miser sur la prévention
Outre la vaccination, le meilleur moyen d’éviter les complications dues aux piqûres reste la prévention. Pour les promenades et randonnées, il faut préférer les pantalons aux shorts, si possible avec les chaussettes par-dessus le vêtement, car les insectes se nichent plus souvent à mi-hauteur, sur les hautes herbes ou les arbustes, et peuvent profiter du moindre bout de peau à disposition.
Après la balade, il est essentiel de vérifier la présence ou non du parasite en s’examinant de la tête aux pieds, particulièrement sur la tête, derrière les oreilles ou les genoux et plus largement dans les plis de peau ou les zones humides du corps.
Les pharmaciens recommandent les spray anti-tiques, particulièrement pour les enfants, mais également l’achat d’une pince à tique. Cette sorte de minuscule spatule permet de retirer l’insecte suceur de sang avec moins de risque de lui arracher la tête, qui est ensuite difficile à extraire.
Enfin, si malgré toutes ces précautions une tique s’installe, après l’avoir délogée correctement, il faut surveiller la zone durant quelques jours. Si la piqûre gonfle, si un anneau rougeâtre se forme autour ou en cas de symptômes similaires à ceux de la grippe, il faut impérativement contacter un médecin au plus vite: il y a probablement une infection.
Cécile Denayrouse
Rickettsioses ou anaplasmose aussi présentes
Les tiques présentes en Suisse ne transmettent pas que la borréliose ou l'encéphalite. Elles peuvent aussi être à l'origine de rickettsioses ou d'anaplasmose, selon une étude zurichoise. Et ce dans une mesure qui a surpris les scientifiques.
Ces maladies ne font pas l'objet d'investigations lors de consultations pour morsures de tiques, a indiqué à Keystone-ATS Patricia Schlagenhauf, professeure à l'Institut d'épidémiologie, de biostatistique et de prévention de l'Université de Zurich (UZH). "Elles sont donc sous-diagnostiquées et souvent, elles ne sont pas traitées spécifiquement", ajoute la chercheuse.
Avec son équipe, elle a analysé le sang de patients ayant contracté la borréliose, ou maladie de Lyme, qui avec la méningo-encéphalite à tiques est la plus connue des infections transmises par ces acariens. Résultats: 54% des échantillons présentaient aussi des bactéries du genre Rickettsia et 10% la bactérie Anaplasma phagocytophilum.
"Nous ne nous attendions pas à des résultats d'une telle ampleur"
Les premières peuvent provoquer des rickettsioses, avec des fièvres et des maux de tête, la seconde l'anaplasmose granulocytaire humaine, qui se manifeste par un syndrome grippal, de la fièvre, des céphalées, des douleurs et des nausées. Le risque de décès est élevé chez les personnes immunodéficientes.
"Nous ne nous attendions pas à des résultats d'une telle ampleur", souligne la Pre Schlagenhauf. Les auteurs plaident par conséquent pour une prise en compte de ces maladies en cas de morsure de tique. Il s'agit d'être particulièrement attentif aux patients présentant certains symptômes, comme des douleurs musculaires, des maux de tête et une fatigue persistante.