Introduit depuis 2021, le dossier électronique du patient (DEP) peine à prendre son envol. A peine 20'000 personnes disposent aujourd'hui d'un tel dossier en Suisse. Le système, décentralisé, a été beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre. Il a fallu l'accord des acteurs de la santé, ce qui a mené à beaucoup de compromis.
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"Au final, nous ne sommes pas aussi avancés que nous ne l'aurions souhaité", a admis le ministre de la santé Alain Berset devant la presse. C'est pourtant un instrument important des soins de santé. Toutes les informations pertinentes peuvent y être déposées et consultées en tout temps. Cela permet d’accroître la qualité des soins et la sécurité des patients, a-t-il plaidé.
Sanctions possibles
Les hôpitaux, les maisons de naissance et les EMS sont déjà tenus d’utiliser le DEP. A l’avenir, il devra être imposé tout au long de la chaîne de soins à tous les professionnels de la santé, notamment dans le domaine des soins ambulatoires.
Il devra notamment inclure les médecins, les pharmaciens, les physiothérapeutes et les chiropraticiens. Les cantons pourront à leur échelle obliger d'autres prestataires de soins, comme des naturopathes, à utiliser le DEP. Des sanctions pourront être prononcées contre les acteurs qui ne s'affilient pas.
Les prestataires de soins devront se raccorder à un fournisseur de DEP et déposer dans le dossier les informations pertinentes relatives aux traitements et résultats. Actuellement, il y a huit communautés de référence qui permettent le stockage des données. Les cantons devront vérifier que les cabinets médicaux, les pharmacies et les fournisseurs de prestations ambulatoires sont tous raccordés au DEP.
Le patient aura le choix
Un DEP sera ouvert automatiquement et gratuitement pour toute personne domiciliée en Suisse. Chaque individu décidera quels professionnels de la santé aura accès à son dossier. Il sera aussi possible de s’opposer à son ouverture. Les cantons seront alors tenus de consigner la décision dans le registre des oppositions. Ce modèle "opt-out" vise à élargir la diffusion et l’utilisation du dossier médical électronique et à en faire un pilier du système de santé.
La révision de la loi veut aussi clarifier la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, ainsi que le financement du DEP. A l’avenir, la Confédération financera et coordonnera le développement du dossier médical électronique.
Les cantons doivent garantir sur leur territoire l’exploitation d’au moins une communauté de référence de leur choix ainsi que son financement. Ils devront également s'assurer, en l'espace d'un an, que toute la population domiciliée sur leur territoire aura bien reçu un DEP.
Transmission possible pour la recherche
Les données médicales déposées dans le DEP étant, en principe, intéressantes pour la recherche, la révision de la loi donnera aux propriétaires d’un tel dossier électronique la possibilité, par consentement explicite, de mettre à disposition leurs données médicales non anonymisées à des fins de recherche.
ats/edel/ther
Des données bien protégées, vraiment?
Le dossier électronique du patient doit garantir la protection et la sécurité des données. Les normes de sécurité maximales lui sont déjà appliquées, estime le gouvernement. Les fournisseurs de ces dossiers électroniques doivent remplir des exigences légales strictes aux niveaux techniques et organisationnels. "C'est un point central", a souligné Alain Berset.
Invitée du 19h30 de la RTS mercredi, Solange Ghernaouti, professeure à l'Université de Lausanne et spécialiste en cybersécurité, estime toutefois les risques bien réels. "Les conditions d'utilisation ne sont pas très claires et faciles à déchiffrer. Et puis il faut aussi voir le problème de la réutilisation des données, d'autant plus qu'on sait très bien que ne savons pas sécuriser l'ensemble des dispositifs", explique-t-elle.
Certains médecins critiques
Du côté des professionnels de la santé, tous ne se réjouissent pas d'une généralisation du dossier électronique du patient (DEP). Invité dans La Matinale de la RTS, Dominique Bünzli, président de la Société neuchâteloise de médecine, dénonce des "démarches compliquées" qui font "perdre du temps" aux médecins.
"Nous sommes toujours preneurs de solutions qui améliorent nos processus, mais là, ce n'est pas le cas", estime-t-il. "Si on oblige les médecins au stade actuel à faire ça, il y aura encore plus de burn-out. Nous avons déjà assez de charges administratives à gérer", poursuit-il.
Dominique Bünzli tient également à rappeler qu'il s'agit du "dossier électronique du patient et pas le dossier électronique du professionnel de santé". "Ça veut dire que pour nous, c'est pas forcément un outil", estime-t-il. "On peut y voir un intérêt quand même par rapport à l'accès aux données pertinentes du patient 24h/24", admet-il, tout en rappelant qu'il s'agit d'un modèle "opt-out". " Si les accès au DEP sont bloqués, on ne peut pas l'utiliser", résume le médecin.