Ils avaient réuni des milliers de personnes dans de nombreuses villes suisses. Mais l'abandon du pass sanitaire et des autres mesures contre le Covid-19 a mis fin à leurs grands rassemblements. Beaucoup de mouvements ont d'ailleurs perdu des membres ces derniers mois.
Cela n'empêche pas certains d'entre eux de poursuivre leurs activités. C'est le cas de Mass Voll, qui fait partie des poids lourds parmi les opposants aux mesures sanitaires et qui affiche de grandes ambitions.
Son leader Nicolas Rimoldi, ancien membre du PLR, figure en tête de liste pour représenter le canton de Zurich au Conseil national: "Notre objectif en octobre est d'atteindre la force d'un groupe au Parlement, avec cinq sièges issus de toute la Suisse. Ensuite, nous mettrons en place nos structures, nous nous professionnaliserons. Et peut-être que nous nous présenterons à des élections communales et cantonales."
Une ambition réalisable?
Cinq sièges pour une formation aussi jeune que Mass Voll est utopique, selon le politologue Claude Longchamp. Il estime toutefois qu'une entrée au Parlement reste possible: "A Zurich, il faut obtenir 3% des voix pour espérer un siège au Parlement. Un mouvement qui a des personnalités connues peut y parvenir. Je ne peux donc pas exclure que dans le canton de Zurich, une ou deux personnes (issues de Mass Voll) se fassent élire."
Dans d'autres régions en revanche, la tâche s'annonce plus ardue. Car, dans certains cantons, il faut parfois obtenir 6, 7, voire 8% des voix pour entrer sous la Coupole. Ce qui nécessite de sceller des alliances avec d’autres partis, plus traditionnels. Or, c'est une opération difficile pour ce type de mouvements.
Miser sur des personnalités
Pour entrer en force au Parlement, Mass Voll mise plutôt sur la notoriété de certaines personnalités comme Barbara Müller. Cette députée au Grand Conseil de Thurgovie, exclue du PS, sera candidate pour la formation.
Des discussions sont aussi en cours avec d’autres mouvements comme Les Amis de la Constitution, et notamment avec son coprésident Roland Bühlmann, qui pourrait rejoindre la liste Mass Voll.
Comment peser sur la politique fédérale?
Si ces mouvements veulent peser à Berne, ils devront travailler avec les autres partis et trouver des groupes parlementaires qui les acceptent.
Cela pose la question de leur orientation. Politiquement, ces formations se positionnent plutôt à droite, surtout lorsqu’il s’agit de souveraineté nationale.
Mais leur opposition aux vaccins contre le Covid a séduit d’autres sensibilités, notamment écologistes: "Nous coopérons avec tout le monde sur les questions de fond, comme le renforcement des droits fondamentaux de l'individu ou la position de la Suisse dans le monde", indique Nicolas Rimoldi. "On peut donc parfois travailler avec les Verts, parfois avec l'UDC. Cela varie alors d'un sujet à l'autre."
Même son de cloche au Tessin, où deux membres d'HelvEthica, un mouvement qui vise lui aussi une place sous la Coupole fédérale, ont déjà fait le grand saut dans la politique institutionnelle. Roberto Ostinelli et Maria Pia Ambrosetti ont été élus au Grand Conseil en avril dernier: "Nous n'aimons pas cette dichotomie droite-gauche. Ce qui nous importe, c'est le bien commun de la population."
Comment se renouveler?
Le principal défi pour Mass Voll, HelvEthica ou les Amis de la Constitution est de se renouveler après la pandémie et de trouver de nouveaux combats. Et chacun y va de ses propositions.
"Au Tessin, il n'y a pas la possibilité de faire l'école à la maison", explique Maria Pia Ambrosetti. On aimerait donc porter ce thème-là par exemple. Il y a un groupe d'une cinquantaine de parents qui y travaillent, car nous, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas tout faire." Un combat qui pourrait aboutir sur une initiative parlementaire.
Le leader de Mass Voll, lui, est moins spécifique: "Nous ne nous sommes jamais définis uniquement par rapport au Covid. Nous sommes un mouvement pour les droits civiques. Chaque fois que nos droits fondamentaux, notre démocratie directe et notre souveraineté sont menacés, nous nous engagerons", affirme Nicolas Rimoldi.
Avenir incertain
Ces mouvements peuvent-ils s’établir à long terme dans le paysage politique suisse? Cela semble difficile, selon le politologue Sean Müller: "Ils partent dans tous les sens. Certains sont mécontents avec les activistes pour le climat, d'autres sont fâchés contre les banques. Or, leur plus grand succès durant la pandémie, c'était justement de regrouper toutes ces personnes qui, généralement, se fichent de la politique. Mais désormais, nous avons retrouvé notre liberté et il manque un ennemi commun."
C’est d’autant plus vrai en Suisse romande, où ces formations semblent moins actives qu'outre-Sarine.
Michelle Cailler, par exemple, figure des opposants aux mesures sanitaires et présidente du Mouvement fédératif romand, n’envisage pas de candidature aux fédérales.
Mais pour les groupes qui ont décidé de se lancer dans la course, le défi est de taille, car il faudra trouver une ligne politique claire, capable de mobiliser dans les urnes autant qu’elle a mobilisé dans la rue.
Mathieu Henderson