La centaine de demandes de rentes AI accordées pour cause de Covid long peut étonner trois ans après le début de la pandémie. Mais ce chiffre, encore provisoire, pourrait être amené à évoluer ces prochaines années, comme l'indique l'Assurance invalidité qui publiera son bilan officiel prochainement.
Il faut dire qu'une centaine de malades s'inscrivent encore chaque mois à l'AI pour cause de Covid long. Une maladie qui se traduit le plus souvent par de la fatigue persistante, des troubles neurologiques, cardiaques ou encore psychiatriques.
Beaucoup de temps pour traiter les demandes
Sans compter que l'AI prend de nombreux mois pour rendre une décision sur l'octroi d'une rente, déplore lundi dans La Matinale Chantal Britt, présidente de l'Association long Covid Suisse.
"Concernant les réponses pour la réintégration ou la réinsertion des personnes, on les reçoit assez vite. Mais pour les rentes, ça peut prendre une année, parfois jusqu'à dix-huit mois. Cela prend du temps, car les cas sont très compliqués."
Mesures de réadaptation
Ce chiffre relativement bas de rentiers peut également venir du fait que l'AI tente de maintenir les gens en emploi en leur proposant des mesures de réadaptation. C'est par exemple ce qui a été mis en place pour Dorothée, 43 ans. Avant de tomber malade, au tout début de la pandémie, elle travaillait à 80% comme bibliothécaire et suivait une formation d'accompagnatrice en moyenne montagne. Elle souffre aujourd'hui notamment de fatigue extrême.
"Je n'aurais jamais imaginé que j'allais devoir m'inscrire un jour à l'AI. Pendant deux ans et demi, j'ai plus ou moins réussi à travailler mais j'ai quand même eu plusieurs arrêts", raconte-t-elle au micro de La Matinale. Mais une violente rechute durant l'été 2022 a tout chamboulé en la contraignant à s'inscrire à l'AI.
"Cela a été une grosse étape surtout qu'au début de l'année 2020, je me disais que j'allais avoir deux jobs en parallèle, accompagnatrice en montagne et bibliothécaire, et que j'allais devoir jongler entre les deux. Donc évidemment, c'est très difficile psychologiquement."
C'est alors qu'elle a rencontré Delphine Dafflon, sa coach mandatée par l'AI, qu'elle voit une fois par semaine. Depuis, elle a pu reprendre le travail à 20%. Et l'idée est de parvenir à 30% d'ici fin octobre.
"L'accompagnement AI m'apporte beaucoup de choses. Ma coach connaît bien la maladie, elle peut faire l'intermédiaire avec l'employeur et elle me décharge parfois d'une certaine charge mentale. Tout est comptabilisé quand on est en Covid long. La fatigue est tellement forte, donc si on peut gagner un peu d'énergie quelque part, c'est ça qui permet de retourner au travail dans des bonnes conditions", se réjouit-elle.
Le cas de Dorothée est classique, explique Delphine Dafflon, qui vient en aide à six personnes souffrant de Covid long. "Il y a des réalités qui sont assez terribles au niveau professionnel, car des gens perdent leur emploi. La mesure de réinsertion permet de suspendre le délai de fin de traitement et ainsi de prendre en charge les salaires par l'AI." Les six personnes dont elles s'occupent ont d'ailleurs toutes pu augmenter leur capacité de travail.
La patience de mise
Mais il faut être patient: "Dès qu'on va trop vite, ça ne tient pas, on perd les acquis", poursuit Delphine Dafflon. "Il y a certains conseillers qui sont plus sensibles à la maladie en laissant plus de temps. D'autres ont voulu peut-être aller plus vite. C'est vrai qu'on marche à l'aveugle, on avance comme on peut, on découvre, on fait des tests avec nos assurés et on voit ce qui marche."
L'Office des assurances sociales ne tient pas de statistiques concernant la réussite de ces mesures de réadaptation pour le Covid long. Mais selon l'AI, le nombre relativement bas de rentes octroyées laisse penser que ces mesures portent leurs fruits.
Harald Sohns, son porte-parole, relativise le poids des rentes allouées jusqu'ici pour l'AI. "Ces prestations qui sont coûteuses sont marginales pour l'AI, contrastant avec un total de 250'000 rentes que l'AI finance chaque année et qui coûtent environ 5,4 milliards de francs."
Quoi qu'il en soit, pour les personnes concernées, les incertitudes persistent. Que se passera-t-il pour celles et ceux qui ne retrouveront pas leur pleine employabilité? Auront-ils tous droit à une rente partielle? Et comment évolueront les symptômes et avec quels effets sur leur capacité de travail à long terme? Autant de questions encore ouvertes alors que cette nouvelle maladie n'est aujourd'hui plus dans les préoccupations de la majorité de la population.
Céline Fontannaz/fgn