Parmi les 65'000 réfugiés présents dans notre pays, la question de rester ou rentrer en Ukraine divise. Jusqu'à maintenant, plus de 13'000 ont déjà fait le choix du retour au pays depuis le début de la guerre.
Tamara Turchynska a fui avec trois de ses enfants la banlieue de Kiev où elle vivait jusqu'à l'invasion russe. Pourtant, elle veut retourner dès que possible en Ukraine. "Ici, c'est le plus beau pays du monde, mais ce n'est pas mon pays. Là-bas, en Ukraine, j'ai une grande partie de ma famille", témoigne-t-elle.
Mais en plus de l'attachement familial, des critères matériels la retiennent de rester. "On doit payer l'assurance, le Swisspass, l'appartement. C'est beaucoup et c'est cher. Et c'est dur de trouver un bon travail pour tout financer", regrette Tamara Turchynska.
Ne plus revivre la guerre
A l'inverse, Nataliia Shaparieva a trouvé un travail après avoir fui Kharkiv au début de la guerre en devenant enseignante de français. Aujourd'hui, elle craint trop de revivre la guerre. "Pour l'instant, je n'ai pas trop envie de revenir en Ukraine parce que la ville de Kharkiv a beaucoup souffert", explique-t-elle.
"Et la vie en Ukraine, en général, n’est pas très simple après la guerre. Comme Kharkiv est juste à la frontière avec la Russie, je ne veux pas vivre avec cette peur qu'un jour, ça peut recommencer", raconte Nataliia Shaparieva. Aujourd'hui, elle estime vivre comme tous les Suisses et Suissesses, en gagnant sa vie elle-même et en vivant avec sa famille.
Une main d'oeuvre palliative
En restant sur le long terme, les réfugiés pourraient aider à pallier le manque de main d'oeuvre, estime Marco Taddei, responsable romand pour l'Union patronale suisse. "Ça pourrait être une partie de la solution. On sait que d'ici à l'horizon 2030, il manquera à peu près 500’000 actifs en Suisse, et donc il faudra les chercher", explique Marco Taddei.
L'Union patronale suisse développe une stratégie d'intégration incluant les femmes, les seniors et les jeunes, mais pas que. "Il y a aussi un volet destiné aux réfugiés. Ceux en provenance d'Ukraine peuvent contribuer à pallier ce manque de main d'oeuvre", répète Marco Taddei.
Sujet radio: Philéas Authier
Adaptation web: Raphaël Dubois
La politique de retour doit "prendre en compte les cas différents [...] et être progressive"
Le statut S qui régit l'accueil des Ukrainiens ne permet pas, sur le principe, de rester en Suisse indéfiniement. Quand l'Ukraine sera à nouveau sûre, les réfugiés devraient donc rentrer.
Mais cette politique de retour doit être faite en prenant en compte le cas de chacun et de manière progressive, a plaidé le professeur en géographie à l'Université de Neuchâtel et spécialiste des migrations Etienne Piguet dans le 12h30 de la RTS lundi.
"Il faut mettre à disposition une certaine somme pour permettre de rentrer et une aide sur place pour, par exemple, faciliter la réinsertion sur le marché du travail", énumère-t-il. Pour le spécialiste des migrations, il est également important de permettre des exceptions, comme celle de finir sa formation.
Enfin, "ceux qui ont tout perdu là-bas [...] et ceux qui ont trouvé un travail doivent pouvoir rester. Cette politique doit être progressive, pas faite du jour au lendemain", souligne-t-il encore.