Modifié

Des dizaines d'étrangers expulsés chaque année car ils touchent de l'aide sociale

Des dizaines d'étrangers expulsés chaque année car ils tombent à l'aide sociale
Des dizaines d'étrangers expulsés chaque année car ils tombent à l'aide sociale / 19h30 / 3 min. / le 25 juillet 2023
Selon une enquête de la RTS, les cantons romands renvoient chaque année des dizaines d'étrangers au bénéfice de l’aide sociale. Ces personnes vivent parfois depuis longtemps en Suisse. Cela peut conduire à des situations jugées dramatiques, à l'image de celle d’une mère kosovare que le canton de Neuchâtel est sur le point de renvoyer.

Jusqu’à peu, cette femme de 43 ans, qui a accepté de témoigner en restant anonyme, n’avait pas osé montrer à ses enfants les lettres du Service neuchâtelois des migrations, qui la menace d’expulsion, car elle est dépendante de l’aide sociale après que l’Assurance invalidité lui a supprimé sa rente.

Elle n'a ni dette, ni casier judiciaire. Une maladie chronique l’empêche de travailler. Après 17 ans en Suisse, elle ne s’attendait pas à une telle menace. "C'est un choc. J'ai peur pour mes enfants", sanglote-t-elle.

Sa fille, qui arrive sur ses 18 ans et a la nationalité suisse, estime que le renvoi de sa mère serait dramatique. "Elle est très bien intégrée. Elle parle et écrit la langue", déclare-t-elle. "Si on m'enlève ma mère, on m'enlève tout", assène-t-elle.

Pas de renvoi automatique

Une enquête de la RTS montre que les cantons romands expulsent plusieurs dizaines d’étrangers chaque année, au seul motif qu’ils sont dépendants de l’aide sociale (lire en encadré).

"De ce point de vue-là, la loi s'est durcie", concède Florence Nater, la conseillère d'Etat neuchâteloise en charge de la cohésion sociale. "La dépendance à l'aide sociale est potentiellement un motif de révocation [du permis de séjour]. Mais il est aussi important de rappeler qu'avoir une fois besoin de l'aide sociale ne veut pas dire que le permis est tout de suite révoqué", nuance l'élue socialiste.

Durcissements contestés

Sous la pression de l'UDC, la loi sur les étrangers a été durcie plusieurs fois pour lutter contre les abus. Depuis la dernière révision en 2019, en plus des permis B, les détenteurs d’un permis C qui recourent durablement à l’aide sociale peuvent également être renvoyés de Suisse.

Mais selon Amanda Ioset, la secrétaire générale l'Association romande et tessinoise des institutions d'action sociale (Artias), les révisions successives n'ont pas produit les effets escomptés. Elles pénaliseraient même surtout des personnes déjà fragiles et auraient des effets délétères.

"Avec cette menace de perte de permis et de renvoi, il est beaucoup plus difficile de se rétablir et potentiellement de trouver un travail", soutient Amanda Ioset. "Les étrangers recourent moins à l'aide sociale, par peur de perdre leur permis. Ils vont donc avoir recours à d'autres moyens pour essayer de s'en sortir, par l'endettement ou en acceptant des travaux ou des emplois précaires", note-t-elle.

Révision de loi en vue

Fière de son fils qui sert dans l'armée suisse, la mère menacée de renvoi n'acceptera pas de devoir retourner au Kosovo. "C'est ma vie et mon destin. Bien sûr que je vais me battre!" annonce-t-elle.

Après le Conseil des Etats, le Conseil national pourrait bientôt assouplir la loi. Les étrangers établis depuis plus de dix ans en Suisse pourraient rester même s'ils ont recours à l'aide sociale. L'espoir, pour cette femme, de pouvoir peut-être tout de même rester à Neuchâtel, près de ses enfants.

Jean-Marc Heuberger/ami

Publié Modifié

Des dizaines de renvois chaque année

Selon les informations obtenues par la RTS auprès des cantons romands, plusieurs dizaines d'étrangers voient chaque année leur autorisation de séjour leur être retirée, essentiellement car ils sont dépendants de l'aide sociale.

Dans de nombreux cas, le renvoi est motivé par d'autres motifs principaux, auxquels s'ajoute la dépendance à l’aide sociale, précise le Service neuchâtelois des migrations.

Les cas sont le plus nombreux dans le canton de Vaud: il y a eu 76 révocations de permis en première instance en 2022. Mais le canton ne peut pas dire à combien de renvois effectifs cela a conduit au final, car il existe des possibilités de recours et certaines personnes réussissent à sortir de l’aide sociale avant de devoir quitter la Suisse.

En 2022, Genève a renvoyé sept étrangers, car ils dépendaient de l'aide financière de l’Etat. Fribourg et Neuchâtel parlent de 0 à 5 cas par an.

Dans le Jura, il y a eu deux révocations de permis pour cette raison en 2022 et jusqu’ici deux en 2023. Trois de ces personnes étaient établies depuis plus de dix ans en Suisse. Le Valais ne peut pas donner de chiffres précis. Il indique qu'il a prononcé 600 refus ou révocations de permis d'établissement depuis 2019, tous motifs confondus.