"Isoloir", la série qui décortique notre rapport aux urnes
A quelques mois des élections fédérales d'octobre, l'émission Forum analyse notre façon de voter et notre rapport aux urnes en général à travers divers témoignages.
Vote par correspondance, vote des Suisses de l'étranger, vote blanc, vote des personnes en situation de handicap ou vote des jeunes: le politologue Pascal Sciarini évoque les subtilités des votations en Suisse dans la série "Isoloir".
Le vote du dimanche
Témoignage de Léah Kimber
Avec la généralisation du vote par correspondance dans les années 1990, les citoyennes et citoyens sont de moins en moins nombreux à se déplacer encore le dimanche pour déposer leur bulletin de vote dans l'urne. Mais ce n'est pas le cas de Léah Kimber, qui raconte ses votations en famille, dans le bureau de vote, enveloppes et cartes d'identité à la main.
"C'est un choix conscient. Encore plus maintenant que j'ai des enfants. C'est ma manière de leur montrer à quel point on est chanceux en Suisse de pouvoir se prononcer sur de nombreux enjeux. Cela fait partie d'un devoir civique", explique-t-elle.
Pour le politologue Pascal Sciarini, ce témoignage est d'autant plus rare que la personne va voter volontairement le dimanche. Il arrive encore que des personnes votent le dimanche, mais ce sont plutôt des retardataires. Le vote par correspondance est devenu de très loin le mode numéro un.
Les Suisses et Suissesses de l'étranger
Témoignage d'Antoine Belaieff
Voter en Suisse, c'est facile: une enveloppe envoyée par la poste et le tour est joué. Mais à l'étranger, cela peut s'apparenter à un parcours du combattant. Le Suisse Antoine Belaieff, qui vit au Canada, est délégué à l'Organisation des Suisses de l'étranger. Il se félicite de cette possibilité qui lui est offerte.
"On reçoit le matériel de vote de la commune ou du canton de notre dernier lieu de résidence et on vote par correspondance. Dans certains cantons, on peut voter au niveau fédéral et dans d'autres seulement au niveau cantonal, voire même seulement au niveau communal", explique l'expatrié.
Pour lui, la démocratie directe helvétique est un "trésor national", qu'il s'agit de garder vivant en y participant. Une autre raison de voter est à chercher dans les liens économique et sociaux qui lient les expatriés à la Suisse, précise-t-il.
Le politologue Pascal Sciarini relève qu'au sein de cette "Cinquième Suisse", seulement 200'000 personnes sur les 800'000 expatriés suisses sont inscrites et peuvent voter. Et parmi ces 200'000 personnes, seule une minorité fait la démarche de renvoyer son bulletin. Pour nombre d'entre eux, le vote électronique faciliterait grandement la démarche, note-t-il.
Le vote blanc
Témoignage de Thomas Wroblevski
Voter, c’est choisir, cocher une case, un oui ou un non sur un bulletin de vote. Celles et ceux qui ne veulent pas se prononcer choisiront peut-être le vote blanc. Mais que signifie ce vote? Doit-il être reconnu?
"Voter blanc ne signifie plus rien du tout", affirme Thomas Wroblevski, militant du vote blanc. S'ils sont considérés dans la participation, ces bulletins laissés vierges ne sont par la suite plus pris en compte dans les statistiques de vote. Si voter blanc se veut un acte de contestation, mieux vaut donc ne pas voter du tout, estime le militant.
"Il faut relativiser l'importance du vote blanc", préconise le politologue Pascal Sciarini. Lors des dernières votations fédérales, le 18 juin, il y avait entre 1 à 2% de vote blanc à l'échelle nationale. Ce dernier est surtout utilisé lorsque l'on ne sait pas très bien quoi voter ou que l'on préfère s'abstenir, note le spécialiste.
Le non-droit de vote
Témoignage de Mégane Michon
En Suisse, il y a celles et ceux qui ont le droit de vote et les personnes qui ne l’ont pas, que l'on a privées de ce droit, jugées incapables de discernement. Ces personnes "sous curatelle de portée générale", selon le droit, sont souvent en situation de handicap.
"On m'a interdit de voter pendant une bonne dizaine d'années", raconte Mégane Michon, elle-même en situation de handicap. "A 18 ans, on te coupe d'une grosse partie de ta majorité et de ta vie, parce qu'on ne te croit pas capable de faire les choses." Désormais autonome, la jeune femme tente de regagner une partie des droits qui lui ont été ôtés, une mesure vécue comme une injustice et une discrimination.
En Suisse, on a voulu s'assurer que le droit de vote soit réservé aux personnes capables de l'utiliser, aptes au discernement et capables de prendre une décision raisonnable, explique le politologue Pascal Sciarini.
La curatelle générale, qui entraîne l'impossibilité de vote, est-elle bien légale? "C'est légal, parce ce que la Constitution fédérale le prévoit", admet Pascal Sciarini. "Et pas légal, parce que la Suisse a ratifié en 2014 la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, qui stipule que les personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale ou psychique devraient pouvoir participer à la vie publique et politique, y compris être élues."
Les primo-votants
Témoignage de Céline Jaquet Chiffelle
En Suisse, majorité à 18 ans rime avec droit de vote. Les jeunes citoyens sont-ils intéressés par la vie démocratique? Céline Jaquet Chiffelle a 17 ans, vient de terminer son lycée et votera pour la première fois lors des élections fédérales du 22 octobre prochain. Elle se réjouit d'user de ce droit.
"Cela fait longtemps que j'attends ça (...), il va falloir que je me renseigne bien", affirme la jeune Neuchâteloise, déjà engagée civiquement, et qui se réjouit de pouvoir enfin militer "en tant que citoyenne".
Pour Pascal Sciarini, un tel enthousiasme est plutôt minoritaire au sein de la population des jeunes votants. "Les chiffres qu'on a sur la participation des jeunes sont assez clairs: les jeunes de la tranche d'âge 18-25 ans votent environ 2,5 fois moins que les 60 à 80 ans."