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Vincent Ducrot: "Les politiciens aimeraient tout de suite une solution"

Vincent Ducrot, directeur des CFF. [RTS]
#Helvetica: Vincent Ducrot, directeur des CFF / #Helvetica / 20 min. / le 26 août 2023
Invité samedi de l'émission Helvetica, Vincent Ducrot répond aux critiques adressées aux CFF, qu'il dirige depuis 2020. Il soutient que la compagnie se borne à exécuter des décisions politiques. Il assure également que "la ponctualité n'a jamais été aussi bonne" et que le réseau suisse fait figure d'exemple dans le monde.

CFF. Trois lettres qui apparaissent dans plusieurs dossiers chauds de la mobilité en Suisse romande. Citons par exemple le retard du chantier de la gare de Lausanne et la vulnérabilité de la seule ligne ferroviaire entre la capitale vaudoise et Genève. A chaque fois, les Chemins de fer fédéraux sont pointés du doigt, accusés notamment de délaisser la Romandie.

Que répond le directeur général de l'ex-régie fédérale? Vincent Ducrot martèle que les autorités politiques commandent les investissements et les projets. Les CFF, en mains de la Confédération, ne font qu'appliquer la volonté des élus.

"Nous sommes une entreprise qui dépend de décisions politiques. Souvent, les politiciens ne comprennent pas très bien les règles du jeu", lance Vincent Ducrot. "Prenez les grands chantiers: c'est toujours une décision politique qui est prise. Nous sommes un exécutant, un bureau d'ingénieurs qui étudie et réalise. Cela est souvent très mal compris. Les politiciens aimeraient tout de suite une solution", assène le Fribourgeois.

Ligne Genève-Lausanne

Le patron des CFF illustre son propos avec l'annonce récente du conseiller fédéral Albert Rösti de la volonté de creuser un tunnel ferroviaire entre Morges et Perroy, dans le canton de Vaud.

>> Lire à ce sujet : Le Conseil fédéral débloque 2,6 milliards pour le rail, tunnel de 9 km prévu entre Morges et Perroy

Cette infrastructure constitue l'une des clés pour résoudre la problématique de la liaison entre Lausanne et Genève. "Cela va prendre 20 ans avant qu'il soit réalisé. Ce sont des choses qu'on doit expliquer et réexpliquer. C'est mon rôle", déclare Vincent Ducrot.

Aujourd'hui, le politique n'a pas fixé de priorité sur ce qu'il veut entre Lausanne et Genève. Ce n'est pas une responsabilité des CFF

Vincent Ducrot, directeur général des CFF

Dans l'ensemble, l'avenir de la connexion entre les deux pôles lémaniques n'est pas encore défini. Faut-il, par exemple, créer un nouveau chemin de fer pour éviter des perturbations similaires à celles engendrées par le "trou de Tolochenaz"?

Tolochenaz, 10 novembre 2021. Un trou en bordure de voie perturbe le trafic ferrovaire entre Lausanne et Genève. La Suisse romande prend alors conscience de la précarité de cette ligne, qui connecte les deux pôles lémaniques, mais n'a pas de dédoublement en cas de problème. [Keystone - Jean-Christophe Bot]
Tolochenaz, 10 novembre 2021. Un trou en bordure de voie perturbe le trafic ferroviaire entre Lausanne et Genève. La Suisse romande prend alors conscience de la précarité de cette ligne, qui connecte les deux pôles lémaniques, mais n'a pas de dédoublement en cas de problème. [Keystone - Jean-Christophe Bot]

C'est l'affaire du monde politique, insiste Vincent Ducrot: "Aujourd'hui, le politique n'a pas fixé de priorité sur ce qu'il veut entre Lausanne et Genève. Ce n'est pas une responsabilité des CFF. Les politiciens ont aussi souvent de la peine à le matérialiser. Il faut une décision, une étude. Cela doit être inscrit dans la loi. Et à partir de là, on saura ce dont on a besoin", développe-t-il. Le Parlement doit se prononcer d'ici 2026 pour déterminer la direction que doit prendre ce dossier.

Une gare souterraine à Lausanne?

Idem pour le chantier de la gare de Lausanne, qui accuse un important retard. Les CFF ont fait le choix d'agrandir les quais par rapport au plan initial, qui date de 2010. A ce moment-là, "personne n'avait anticipé que le trafic allait exploser en Romandie". Les autorités politiques vaudoises réclament désormais un agrandissement en sous-sol. Mais pour Vincent Ducrot, il n'est pas question, pour l'heure, de modifier le projet en cours.

>> Lire à ce sujet : Retard de la gare de Lausanne: les partis demandent un geste des CFF et de l'OFT

"Ce serait mettre en péril la gare de Lausanne pour très longtemps", soutient-il. "Si on reboucle par le Parlement, si on rediscute et ré-obtient les crédits pour un autre projet, on a de nouveau perdu 15 ans supplémentaires! Aujourd'hui, il faut réaliser ce qu'on a prévu de faire. On aura une gare qui suffira aussi loin qu'on peut voir, c'est-à-dire 2050. Et après, il faudra anticiper l'étape future. L'enjeu sera de lancer le pas suivant le moment venu, quand on aura commencé les travaux. Il faudra un consensus (…) pour qu'on s'attaque au futur de la gare", développe-t-il.

Mais là encore, la balle est dans le camp des autorités. "Il faut encore une fois que le politique le veuille", souligne Vincent Ducrot.

>> Revoir l'épisode de Temps Présent dédié au retard du chantier de la gare de Lausanne :

Temps présent - Gare de Lausanne, chronique d’un fiasco fédéral. [RTS]
Gare de Lausanne, chronique d’un fiasco fédéral / Temps présent / 48 min. / le 11 mai 2023

Un service de bonne qualité

A entendre Vincent Ducrot, la grogne contre les CFF n'est donc pas toujours justifiée. Il assure que la Suisse est championne des correspondances en comparaison internationale. La ponctualité, elle, "n'a jamais été aussi bonne", se félicite-t-il. "Nous avons actuellement environ 93,5% de trains à moins de 3 minutes [de retard]. Tout le monde en rêve!"

C'est d'une complexité dont on ne se rend pas compte. Et ça fonctionne!

Vincent Ducrot, directeur général des CFF

Il admet en revanche que la Suisse romande est moins bien lotie, avec un taux de seulement de 89%, en raison d'un horaire datant des années 2000, qui n'a pas été adapté à l'intensification du trafic. C'est la raison de la correction des horaires, qui avait provoqué en mai une levée de boucliers. Le changement doit améliorer ce score pour la Romandie, défend Vincent Ducrot.

>> Lire à ce sujet : Le nouvel horaire des CFF ça change quoi pour vous?

Il note enfin que quelque 70'000 correspondances sont garanties quotidiennement et que 15'000 trains, pour la plupart des CFF, circulent sur l'ensemble du réseau suisse. "C'est d'une complexité dont on ne se rend pas compte. Et ça fonctionne! C'est juste incroyable quand on compare à ce qu'on voit dans d'autres pays. J'ai énormément de contacts avec des réseaux étrangers. On vient nous voir et on nous demande comment nous faisons. On regarde avec envie ce que nous sommes en train de faire", applaudit Vincent Ducrot.

Propos recueillis par Philippe Revaz

Adaptation web: Antoine Michel

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La définition des tarifs n'est pas l'apanage des CFF

On entend souvent les voyageurs pester contre la hausse des prix des billets et des abonnements. Vincent Ducrot explique que les CFF n'en portent pas entièrement la responsabilité. Les entreprises de transports publics s'accordent ensemble sur les tarifs. Les recettes doivent couvrir les coûts pour atteindre l'équilibre financier. Et là, le Fribourgeois pointe encore une fois le rôle des institutions politiques.

>> Lire au sujet de la hausse des tarifs : L'AG des CFF va augmenter de 3,5% à 3995 francs à partir du 10 décembre

Alors que les charges des entreprises de transport augmentent (en raison du prix de l'énergie notamment), les subventions publiques ont, elles, diminué. "La seule solution pour rééquilibrer le système est d'augmenter les tarifs", soutient-il.