CFF. Trois lettres qui apparaissent dans plusieurs dossiers chauds de la mobilité en Suisse romande. Citons par exemple le retard du chantier de la gare de Lausanne et la vulnérabilité de la seule ligne ferroviaire entre la capitale vaudoise et Genève. A chaque fois, les Chemins de fer fédéraux sont pointés du doigt, accusés notamment de délaisser la Romandie.
Que répond le directeur général de l'ex-régie fédérale? Vincent Ducrot martèle que les autorités politiques commandent les investissements et les projets. Les CFF, en mains de la Confédération, ne font qu'appliquer la volonté des élus.
"Nous sommes une entreprise qui dépend de décisions politiques. Souvent, les politiciens ne comprennent pas très bien les règles du jeu", lance Vincent Ducrot. "Prenez les grands chantiers: c'est toujours une décision politique qui est prise. Nous sommes un exécutant, un bureau d'ingénieurs qui étudie et réalise. Cela est souvent très mal compris. Les politiciens aimeraient tout de suite une solution", assène le Fribourgeois.
Ligne Genève-Lausanne
Le patron des CFF illustre son propos avec l'annonce récente du conseiller fédéral Albert Rösti de la volonté de creuser un tunnel ferroviaire entre Morges et Perroy, dans le canton de Vaud.
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Cette infrastructure constitue l'une des clés pour résoudre la problématique de la liaison entre Lausanne et Genève. "Cela va prendre 20 ans avant qu'il soit réalisé. Ce sont des choses qu'on doit expliquer et réexpliquer. C'est mon rôle", déclare Vincent Ducrot.
Aujourd'hui, le politique n'a pas fixé de priorité sur ce qu'il veut entre Lausanne et Genève. Ce n'est pas une responsabilité des CFF
Dans l'ensemble, l'avenir de la connexion entre les deux pôles lémaniques n'est pas encore défini. Faut-il, par exemple, créer un nouveau chemin de fer pour éviter des perturbations similaires à celles engendrées par le "trou de Tolochenaz"?
C'est l'affaire du monde politique, insiste Vincent Ducrot: "Aujourd'hui, le politique n'a pas fixé de priorité sur ce qu'il veut entre Lausanne et Genève. Ce n'est pas une responsabilité des CFF. Les politiciens ont aussi souvent de la peine à le matérialiser. Il faut une décision, une étude. Cela doit être inscrit dans la loi. Et à partir de là, on saura ce dont on a besoin", développe-t-il. Le Parlement doit se prononcer d'ici 2026 pour déterminer la direction que doit prendre ce dossier.
Une gare souterraine à Lausanne?
Idem pour le chantier de la gare de Lausanne, qui accuse un important retard. Les CFF ont fait le choix d'agrandir les quais par rapport au plan initial, qui date de 2010. A ce moment-là, "personne n'avait anticipé que le trafic allait exploser en Romandie". Les autorités politiques vaudoises réclament désormais un agrandissement en sous-sol. Mais pour Vincent Ducrot, il n'est pas question, pour l'heure, de modifier le projet en cours.
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"Ce serait mettre en péril la gare de Lausanne pour très longtemps", soutient-il. "Si on reboucle par le Parlement, si on rediscute et ré-obtient les crédits pour un autre projet, on a de nouveau perdu 15 ans supplémentaires! Aujourd'hui, il faut réaliser ce qu'on a prévu de faire. On aura une gare qui suffira aussi loin qu'on peut voir, c'est-à-dire 2050. Et après, il faudra anticiper l'étape future. L'enjeu sera de lancer le pas suivant le moment venu, quand on aura commencé les travaux. Il faudra un consensus (…) pour qu'on s'attaque au futur de la gare", développe-t-il.
Mais là encore, la balle est dans le camp des autorités. "Il faut encore une fois que le politique le veuille", souligne Vincent Ducrot.
Un service de bonne qualité
A entendre Vincent Ducrot, la grogne contre les CFF n'est donc pas toujours justifiée. Il assure que la Suisse est championne des correspondances en comparaison internationale. La ponctualité, elle, "n'a jamais été aussi bonne", se félicite-t-il. "Nous avons actuellement environ 93,5% de trains à moins de 3 minutes [de retard]. Tout le monde en rêve!"
C'est d'une complexité dont on ne se rend pas compte. Et ça fonctionne!
Il admet en revanche que la Suisse romande est moins bien lotie, avec un taux de seulement de 89%, en raison d'un horaire datant des années 2000, qui n'a pas été adapté à l'intensification du trafic. C'est la raison de la correction des horaires, qui avait provoqué en mai une levée de boucliers. Le changement doit améliorer ce score pour la Romandie, défend Vincent Ducrot.
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Il note enfin que quelque 70'000 correspondances sont garanties quotidiennement et que 15'000 trains, pour la plupart des CFF, circulent sur l'ensemble du réseau suisse. "C'est d'une complexité dont on ne se rend pas compte. Et ça fonctionne! C'est juste incroyable quand on compare à ce qu'on voit dans d'autres pays. J'ai énormément de contacts avec des réseaux étrangers. On vient nous voir et on nous demande comment nous faisons. On regarde avec envie ce que nous sommes en train de faire", applaudit Vincent Ducrot.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Antoine Michel
La définition des tarifs n'est pas l'apanage des CFF
On entend souvent les voyageurs pester contre la hausse des prix des billets et des abonnements. Vincent Ducrot explique que les CFF n'en portent pas entièrement la responsabilité. Les entreprises de transports publics s'accordent ensemble sur les tarifs. Les recettes doivent couvrir les coûts pour atteindre l'équilibre financier. Et là, le Fribourgeois pointe encore une fois le rôle des institutions politiques.
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Alors que les charges des entreprises de transport augmentent (en raison du prix de l'énergie notamment), les subventions publiques ont, elles, diminué. "La seule solution pour rééquilibrer le système est d'augmenter les tarifs", soutient-il.