Age, précarité, solitude: plongée dans une Suisse heureuse mais inquiète

Bien vivre malgré l'âge et la maladie

Deux tiers des habitants de la Suisse se disent préoccupés par leur retraite, montre notre sondage. Comment continuer à bien vivre, de la façon la plus autonome possible, malgré l'âge et la maladie? C'est ce que nous apprennent Vreni et Toni Zingg, un couple de retraités vivant à Engi, dans la campagne glaronaise.

Le couple, 81 ans pour elle, 84 pour lui, s'est installé dans ce petit village à la retraite. Toni Zingg était autrefois mécanicien dans la métallurgie et son épouse employée de banque. Depuis quelques années, Vreni souffre de démence. Son mari est pour elle un proche aidant attentif qui sait aussi la stimuler à faire toute seule.

Sans être riche, le couple n'a pas de difficultés financières. Ils bénéficient de leur deux AVS et de la retraite de Toni qui s'estime même privilégié. Golfeurs amateurs de longue date, ils continuent de jouer chaque semaine malgré la maladie de Vreni. En dépit des soucis, Toni l'affirme: "Oui, je suis très heureux!"

L'urbanisation, chance ou malédiction?

Près d'un Suisse sur deux se dit préoccupé par la pénurie de logements en Suisse, selon notre sondage. La pénurie, elle n'existe pas que dans les grandes agglomérations. La ville d'Estavayer, dans la Broye fribourgeoise, affiche ainsi un taux de vacance aussi bas que Genève.

Sébastien Devaux s’est établi à Estavayer il y a dix ans. Ce qui l’a séduit, c’est la beauté et la quiétude de la cité médiévale. Mais aujourd’hui, l’importante croissance démographique de la commune et l’extension d’un projet d’urbanisation l’inquiètent. C’est cette crainte qui a poussé Sébastien et son voisin Patrice à récolter des signatures pour demander la suspension des travaux.

Autre son de cloche du côté de Julie, qui a emménagé dans le quartier des Champs de Lune il y a un mois et demi. Ce quartier tout beau tout neuf, c’est la bonne réponse pour elle. Cette jeune femme se dit ravie. "Je pense que les infrastructures vont suivre. Plus la ville grandit, plus il y aura de choses à faire", estime-t-elle.

Entre Sébastien et Julie, c'est deux visions de l’urbanisation qui s'opposent. Deux visions cristallisées dans la Broye, le district qui, depuis 2010, a connu la plus grande augmentation démographique de tout le pays.

Des recettes pour lutter contre la solitude

Dix-sept pour cent des personnes sondées avouent se sentir souvent seules. Chez les 16-39 ans, c’est même une personne sur quatre. Et la tendance s'observe aussi dans les logements. En Suisse romande, c'est à Sainte-Croix que la taille des ménages est la plus réduite. Dans cette ville du Nord vaudois de près de 5000 âmes, plusieurs initiatives pour vaincre la solitude existent.

Dans un restaurant d’alpage, on retrouve un groupe de retraités. lls jouent au "seul", un jeu de cartes de la région. C’est peut-être grâce au club des aînés que ces derniers ne se sentent pas seuls. Hélas, on parle aujourd'hui de l’association au passé. Celle-ci a été dissoute au printemps, faute de relève. Heureusement, les activités perdurent.

Le phénomène ne touche pas que les aînés. Depuis 2003, à Sainte-Croix, une structure permet aux apprentis séparés de leurs familles d'habiter en communauté. Parmi eux, Eliott, 16 ans. Lorsqu’il quittera cet endroit, il s’installera ailleurs en colocation, assure-t-il.

Reste que le nombre de ménages d’une seule personne est en augmentation depuis une vingtaine d’années en Suisse. Allongement de l’espérance de vie, mobilité professionnelle et fertilité en baisse : les gens vivent davantage seuls.

La précarité, une réalité encore souvent taboue

C'est un chiffre qui met à mal la réputation de nantis des Helvètes: 31% des personnes interrogées lors de notre sondage se disent préoccupées voire très préoccupées par leur situation financière. Un constat souvent difficile à assumer publiquement. Anne-Christine Veronese a accepté de lever le voile sur cette réalité.

Un travail d’assistante médicale à 80%, un salaire correct… et pourtant, la pauvreté qui guette au tournant. A la suite d'un divorce qui l’a laissée lourdement endettée, Anne-Christine a vu sa vie basculer. A 57 ans, cette maman de deux filles adultes n'a droit à aucune aide. Dans son petit appartement de Corcelles, près de Neuchâtel, tout est issu de la récup'.

En raison de l'inflation, Anne-Christine sent que, malgré tous ses efforts, l’étau se resserre depuis quelque temps. Aujourd’hui en Suisse, quatre personnes sur dix disent ne pas avoir assez de réserves en cas de grosse dépense imprévue. Si Anne-Christine ose en parler, c’est avec l’espoir que les choses changent. Mais pour elle, les politiques ne sont pas conscients du problème.

Une petite lumière pointe à l’horizon tout de même. Grâce à Charity Box, un système de financement participatif pour familles en difficulté, Anne-Christine s’apprête à partir en week-end thermal avec ses filles. Les premières vacances qu’elle peut s’offrir depuis des années...

L'abstentionnisme, une tache aveugle dans la démocratie

Un constat: le fossé se creuse entre les citoyens et la politique. Deux tiers des Suisses ne font plus confiance aux parlementaires fédéraux. Dans certaines régions, l'abstention grimpe en flèche.

A Saint-Imier, dans le Jura bernois, rares sont celles et ceux qui s'intéressent aux élections fédérales. Dans cette cité horlogère, 70% des citoyens n’ont pas voté lors des dernières élections en 2019, soit l'un des plus hauts taux d’abstention de Suisse. Certaines personnes se sentent incompétentes, d'autres sont simplement assez heureuses, et il y a celles qui ont abandonné, déçues par les politiciens.

Cet abstentionnisme élevé menace la fine mécanique démocratique suisse. Ces dernières années, le Jura bernois n’a plusieurs fois plus été représenté au Parlement fédéral. Face à cette situation, le nouveau Parlement des jeunes de St-Imier cherche à remobiliser.

Comme une tache aveugle au pays des vaches et des montres, l'abstention reste un phénomène difficile à appréhender, dans une démocratie souvent montrée en exemple.

Comment va la Suisse?

A quoi pensent les Suisses et les Suissesses? Quelles sont leurs attentes? Et qu'est ce qui les rend heureux? Au premier trimestre 2023, près de 58'000 personnes ont répondu à un sondage réalisé par gfs.bern pour la SSR. Le résultat de cette plongée dans la tête des Helvètes est un portrait tout en nuances qui permet de mieux saisir les préoccupations de la Suisse.

Globalement, la population se déclare satisfaite de sa vie. Mais elle s'inquiète néanmoins des dérèglements climatiques et se demande comment aller vers un style de vie plus durable. Bien qu'elle se sente en sécurité, elle jette par ailleurs un œil inquiet vers la Russie et l’Ukraine. Enfin, les Suissesses et les Suisses de 2023 font de leur vie privée une priorité et étouffent parfois de trop d'exigences de performance au niveau professionnel.

>> Pour en savoir plus : Heureuse et fière de sa démocratie: un sondage exclusif dessine la Suisse d’aujourd’hui

Un "dialogue" pour toutes et tous

Dans la foulée du sondage "Comment va la Suisse?", la SSR a lancé une nouvelle offre éditoriale: "dialogue. Cette plateforme - une première au niveau national - souhaite faire converser ensemble les Suissesses et les Suisses de toutes les régions linguistiques du pays.

Chaque semaine, dans un espace de discussions en ligne, nous vous permettons d'échanger dans les quatre langues nationales et en anglais sur certains sujets de société, en fonction de l'actualité ou de vos suggestions.

Pour ne pas partir de zéro, notre équipe vous propose en outre une sélection de différents contenus et articles de fond concernant la thématique de la semaine, des productions venant de toutes les unités d'entreprise de la SSR - c'est-à-dire SRF, RSI, RTR, Swissinfo et RTS - et traduites pour vous par nos soins.

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