Baromètre électoral: la progression du Centre menace la 3e place du PLR

C'est la dernière ligne droite avant les élections fédérales. Dans deux mois, la Suisse connaîtra le visage de son nouveau Parlement. Si le scrutin avait eu lieu à la fin août, l'UDC aurait récolté 27,6% des suffrages au niveau national, demeurant très nettement le premier parti du pays, indique mercredi le baromètre électoral SSR réalisé par l'institut Sotomo, l'avant-dernier avant l'échéance du 22 octobre.

Plus de dix points auraient séparé la formation de la droite conservatrice du PS, classé deuxième. La troisième marche du podium serait revenue au Centre, au coude à coude avec le PLR (14,8% contre 14,6%). Les Verts se seraient maintenus au-dessus des 10%, conservant une avance confortable sur leurs cousins vert'libéraux. Au total, un électeur sur cinq aurait porté son choix sur l'un des deux partis écologistes.

Lutte intense pour la troisième place

L'UDC continue son bonhomme de chemin. Donné au plus bas en novembre 2020 (24,1%), la formation de Marco Chiesa est en progression quasi constante depuis lors. Comme souvent, le parti a réussi à imposer ses thèmes de prédilection dans la campagne électorale. Aujourd'hui, un tiers des personnes sondées considèrent ainsi que l'immigration est l'un des trois principaux défis auxquels la Suisse est confrontée (voir encadré).

Le PS est toujours solidement installé à la deuxième place des intentions de vote. La principale évolution du sondage concerne la bataille pour la troisième place. Né durant cette législature de la fusion du PDC et du PBD, Le Centre affiche une belle forme depuis le début de l'année et, poursuivant sa lancée, il dépasse désormais le PLR. L'écart est toutefois minime (0,2 point) et reste inférieur à la marge d'erreur.

Jamais depuis la création de l'Etat fédéral moderne en 1848 les prédécesseurs du Centre n'ont dépassé les radicaux*. Si cette nouvelle hiérarchie se confirmait dans les urnes, cela constituerait un événement historique et fragiliserait la légitimité des deux sièges du PLR au Conseil fédéral. La lutte entre les deux formations promet donc d'être acharnée ces prochaines semaines.

La chute des partis écologistes

Derrière les quatre partis gouvernementaux, la perte de régime des deux partis écologistes est patente. Malgré un léger sursaut durant l'été, Les Verts seraient d'ailleurs les grands perdants des élections avec un score inférieur de 2,5 points à celui réalisé il y a quatre ans. En Suisse romande, où le parti représente la troisième force politique derrière le PLR et le PS, la chute est particulièrement marquée (-4 points).

Côté vert'libéral, l'optimisme affiché en début de législature s'est évaporé et le parti subit aujourd'hui un coup de mou. Il est donné en (léger) recul par rapport à 2019. Le PLR pourrait lui aussi perdre quelques plumes cet automne, selon le sondage. Pourtant, à la fin de l'année dernière, les libéraux-radicaux talonnaient encore les socialistes et semblaient bien partis pour sortir victorieux des élections.

De son côté, le PS, après des années d'érosion électorale, est crédité d'un score très légèrement plus élevé qu'il y a quatre ans. Sauf énorme surprise, il devrait réussir à conserver sa place de deuxième parti du pays. Mais les grands gagnants du scrutin pourraient être Le Centre (+1 point) et l'UDC (+2 points), souligne le baromètre électoral SSR.

La gauche en recul, la droite se renforce

Au niveau des équilibres entre les blocs politiques, la droite et le centre se renforcent au détriment de la gauche. Cette dernière avait fortement progressé lors des dernières élections fédérales, grâce à la sensationnelle poussée des Verts (+6,1 points). Cette année, le retour de balancier devrait ramener le camp rose-vert quelque part entre les 30% de 2019 et le résultat désastreux de 2015.

De l'autre côté de l'échiquier politique, la droite reprendrait une partie du terrain perdu il y a quatre ans, mais pas au point de rééditer la performance de 2015. La lente reconstruction de la base électorale du centre devrait quant à elle se poursuivre. Globalement, les partis centristes recueilleraient pas loin d'un quart des suffrages, selon le sondage.

Quelle influence sur le Conseil fédéral?

Au-delà de la composition du nouveau Parlement, les élections fédérales auront une influence sur le renouvellement du Conseil fédéral, d'autant plus qu'une place se libère avec le départ du socialiste Alain Berset. A l'heure actuelle, le collège gouvernemental est composé de deux ministres chacun pour les trois principaux partis - UDC, PS et PLR - et d'une représentante du Centre.

Rien ne semble pouvoir remettre en question les deux sièges de l'UDC. Des nuages plus ou moins menaçants planent en revanche sur l'un des deux sièges du PS ou du PLR, convoités par Les Verts et les Vert'libéraux. Ces deux partis ne font pas mystère de leurs ambitions gouvernementales. D'ailleurs, Les Verts viennent de lancer un appel à candidature pour trouver la perle rare capable de conquérir le Conseil fédéral.

Une déroute libérale-radicale pourrait donc fragiliser sa double représentation. Le Centre, même s'il dépassait le PLR cet automne, ne semble toutefois guère enclin à revendiquer un deuxième siège. C'est du moins la position actuelle de son président Gerhard Pfister. L'attaque pourrait cependant venir des Vert'libéraux qui profiteraient de la brèche pour réclamer une meilleure prise en compte des forces du centre au gouvernement.

Dans tous les cas, comme lors du précédent sondage en juillet, une majorité de la population (55%) souhaite une nouvelle composition des forces politiques au Conseil fédéral. Sans surprise, les sympathisants de l'UDC et, surtout, du PLR sont favorables au statu quo. L'électorat de tous les autres grands partis sont favorables à une nouvelle donne. Logiquement, les plus férus de changement sont les sympathisants des Verts (92%) et des Vert'libéraux (79%).

Didier Kottelat

_{* En 2011, les voix cumulées du PDC et du PBD - aujourd'hui fusionnés mais à l'époque bien distincts - avaient dépassé celles du PLR. Il s'agissait des premières élections fédérales auxquelles participait le PBD, né quelques années plus tôt d'une scission avec l'UDC à la suite de l'élection d'Eveline Widmer-Schlumpf au Conseil fédéral à la place de Christoph Blocher. Cette formation avait réussi à recueillir plus de 5% des suffrages au niveau national, attirant une partie significative de l'électorat démocrate du centre.}