Rentré en Suisse une première fois en janvier dernier après une mission délicate, Jérôme* a livré un témoignage glaçant et susceptible de heurter certaines sensibilités. Ce Romand de 37 ans a connu la ligne de front, et les souvenirs de la guerre se lisent encore dans ses yeux.
Jérôme se rend en Ukraine en septembre 2022 pour la première fois. Après une formation, il combat dans une unité spéciale dans la région de Lougansk, dans l'est. Le 25 novembre 2022, il quitte sa base au petit matin. Lui et ses camarades le savent: la zone où ils se rendent est minée et il est fort probable qu'ils rencontrent les Russes.
Horreurs impossibles à oublier
Sur des images tournées par une caméra fixée sur le casque d'un combattant polonais, on voit le démineur à la tête de l'équipe. Des coups de feu se font entendre, puis c'est l'explosion. Selon Jérôme, le démineur est mort sur le coup, le Romand blessé. Son camarade polonais aussi, grièvement: il ne survivra pas.
"Il n'a pas arrêté de hurler pendant l'évacuation", témoigne Jérôme, qui évoque un "carnage" et pense ne jamais parvenir à oublier ce jour. "Nous étions six à essayer de le réanimer. Mais il avait beaucoup de billes dans le corps. Nous n'avons pas réussi à le sauver".
De retour en Ukraine malgré les risques
Malgré cette expérience, la guerre ne le lâche pas: en dépit des risques, il est retourné en Ukraine cet été. "Je vais repartir parce que je veux faire quelque chose de ma vie. Parce qu'ici, on ne me laisse pas travailler. On ne me laisse pas le choix. Je m'ennuie trop", affirmait-il peu avant son deuxième départ. Dans son casier judiciaire figure une peine pécuniaire avec sursis pour un délit mineur contre le patrimoine.
Jérôme donne l'impression d'avoir peu à perdre. Père de deux adolescents, il vit seul, et de l'aide sociale, avec peu de contacts avec sa famille. Il a grandi dans un foyer.
Le Romand est actuellement à Kharkiv. "J'ai déposé une nouvelle candidature auprès de la Légion internationale. J'attends une réponse. Ils m'ont dit que cela prendrait plus de temps. Je vais rejoindre une nouvelle unité", explique le jeune homme. Car l'unité dans laquelle il avait combattu n'existe plus.
Il ne sait néanmoins pas encore s'il va combattre de nouveau. Et conseille à tous ceux qui le peuvent d'éviter la guerre et sa brutalité. Selon un expert, environ 200 combattants étrangers seraient morts en Ukraine.
Sujet TV: Maya Janik (Rundschau SRF)
Adaptation web: Tamara Muncanovic, Vincent Cherpillod
*Prénom d'emprunt
Procédures contre sept Suisses qui ont combattu en Ukraine
Il est interdit aux Suisses de se mettre au service d'une armée étrangère. En le faisant, ils risquent une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans ou une amende. C'est ce que prévoit l'article 94 du Code pénal militaire.
La justice militaire mène actuellement des procédures contre sept Suisses qui combattent ou ont combattu en Ukraine, comme elle l'a confirmé à la SRF. On ne sait pas combien de Suisses combattent actuellement dans ce pays.