Augmenter les chances de survie des victimes de crises cardiaques, le défi des Samaritains
Moins de 10%: dans la plupart des régions du monde, telles sont les chances de survie d'une personne qui fait un arrêt cardiaque en dehors d'un hôpital, selon des chiffres publiés dans la revue scientifique médicale The Lancet.
Chaque année, quelque 9000 personnes meurent en Suisse d'un infarctus extrahospitalier. Pour tenter de faire diminuer ce chiffre, les Samaritains plaident pour une meilleure formation au sein de la population. Samedi, journée mondiale des premiers secours, ils dresseront un peu partout des stands d'information pour transmettre ou renouveler l'apprentissage des gestes qui sauvent.
"On a un peu tendance à oublier"
En Suisse, seules les personnes qui passent le permis de conduire doivent suivre une formation de premiers secours. Pour les autres, il n'y a aucune obligation, pas plus qu'il n'y a d'obligation de mettre à jour régulièrement ses connaissances. Or, avec les années, les bons réflexes peuvent se perdre.
En deux ans, pas mal de choses ont été changées. Du coup, c'est toujours bien de faire un 'refresh'
"Quand on n'a pas eu besoin de ce qu'on apprend en cours, on a un peu tendance à oublier. Refaire le cours nous rend plus sûres de nous", ont témoigné Mathilde et Isabelle vendredi dans La Matinale de la RTS. Elles se relaient au massage cardiaque dans une formation donnée par la section genevoise des Samaritains, dans laquelle la RTS s'est glissée.
>> Lire à ce sujet : La moitié de la population a oublié les gestes des premiers secours
Sans parler du fait qu'en matière de premiers secours, les bonnes pratiques évoluent. "En deux ans, pas mal de choses ont été changées. Du coup, c'est toujours bien de faire un 'refresh' pour avoir les dernières informations", ajoutent-elles. Désormais, si quelqu'un dans la rue fait un arrêt cardiaque, "je ne suis pas sûre que je serais à l'aise, mais je saurai comment réagir", commente l'une d'elles.
Avant de faire les cours de premiers secours il y a deux ans, elle concède qu'elle n'avait aucune idée des gestes qui sauvent. "J'aurais vu quelqu'un tomber dans la rue, j'aurais paniqué et j'aurais tout de suite appelé 144, sans forcément faire les bons premiers gestes", prédit-elle rétroactivement. Les deux jeunes femmes sont tellement convaincues de l'importance de ces cours qu'elles ne verraient pas d'un mauvais oeil l'introduction d'une obligation de formation aux premiers secours. "Ca serait vraiment, vraiment très utile à tout le monde. Ça sauve des vies".
Un problème de santé publique
Pour le directeur cantonal des Samaritains Genève Hymad Alidjra, il faut améliorer l'éducation à la population. "En Suisse, au niveau du taux de survie de patients qui ont été victimes d'un arrêt cardiaque et qui s'en sortent en reprenant une vie normale ou presque normale, donc en excluant les patients qui sont toujours vivants mais avec des séquelles neurologiques importantes, on serait plutôt autour de 5%. C'est, je pense, un problème de santé publique", alerte-t-il.
Pour lui, l'une des solutions serait de pouvoir former la population dès son plus jeune âge et par la suite d'avoir une continuité. "Par la suite, les entreprises pourraient prendre le relais, avec une formation de l'ensemble des collaborateurs: ces fameux 'refresh' qui permettent de pouvoir pratiquer à nouveau régulièrement les gestes de premiers secours", plaide-t-il (lire aussi l'encadré).
37 % de la population suisse connaît le numéro à composer en cas d'urgence! Ça démontre bien qu'on n'a pas une politique d'éducation aux premiers secours très ancrée
Le chemin à parcourir est encore long avant que la population soit véritablement prête à faire face à une situation critique. "37% de la population suisse connaît le numéro à composer en cas d'urgence! Ça démontre bien qu'on n'a pas une politique d'éducation aux premiers secours très ancrée", déplore la directrice de l'école de premiers secours Firstmed Maddalena Di Meo, qui partage le constat de manque de formation et les solutions esquissées par le directeur des Samaritains Genève.
Les secouristes le répètent: si beaucoup de gens ont peur de se tromper en faisant un massage cardiaque, la seule erreur, c'est de ne rien faire.
Sujet radio: Pauline Rappaz
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Des cours au sein des entreprises
Peu à peu, dans certaines entreprises, des formations de premiers secours se développent. "On a la chance que le Département de l'économie, le SECO, ait édicté des recommandations" en la matière, se félicite la directrice de Firstmed Maddalena Di Meo.
"On passe la plupart de notre temps au travail. La première personne qui est à côté de nous, c'est notre collègue. Donc plus vite on prodigue les gestes qui sauvent, plus le taux de survie augmente pour la victime", rappelle-t-elle.
Un taux de survie "extrêmement bon" avec les bons gestes
Selon le constat de l'auteur principal de l'étude du Lancet Eloi Marijon, le taux de survie après un arrêt cardiaque est "extrêmement bon, avoisinant les 70%" dans des circonstances favorables. Et c'est la pratique immédiate des "gestes qui sauvent" qui fait la différence, notamment le massage cardiaque ou l'usage d'un défibrillateur grand public, expliquait-il en août dernier dans le quotidien Le Monde.
"Après un arrêt cardiaque, toute minute passée sans massage cardiaque diminue de 10% les chances de survie", rappelle pour sa part l'urgentiste à l’hôpital Necker à Paris Lionel Lamhaut, toujours dans Le Monde. Or, en France, les secours mettent en moyenne treize minutes à arriver sur les lieux d’un arrêt cardiaque. "Par conséquent, si personne ne fait de massage avant l’arrivée des secours, la personne touchée a une chance très réduite de s’en sortir", alerte-t-il.