"Grâce à la LAVI, j'ai pu lancer une action en justice", témoigne la victime d'un viol incestueux
Victime d'un viol incestueux à l'âge de 5 ans, Simon a mis plusieurs années pour réaliser ce qu'il avait subi et commencer une psychothérapie. Il a finalement trouvé les ressources pour entamer une action en justice, en partie grâce au soutien de la LAVI.
"Ils ont des avocats avec qui ils travaillent et ils financent les premières heures d'entretien. Moi, ça m'a énormément facilité les choses", témoigne-t-il lundi dans La Matinale.
Mais malgré ce soutien, le processus s'est avéré difficile: "L'attente m'a déprimé profondément, parce que je ne pouvais rien faire. C'était une situation traumatisante, ça m'a fait beaucoup de mal et ce n'était pas nécessaire à mon avis."
D'autant que le verdict final, une peine de 1000 francs d'amende et 30 jours de prison avec sursis pour son agresseur, est loin de l'avoir satisfait.
La procédure pénale, une étape à double tranchant
Invitée lundi dans La Matinale, Manon Duffour, cheffe du centre cantonal LAVI à Fribourg, confirme que pour les personnes qui entament une procédure pénale après une telle agression, la démarche est souvent compliquée et douloureuse.
Frustrante, aussi: la travailleuse sociale explique qu'elle a affaire "tous les jours" à la déception de victimes face à des jugements. "C'est aussi notre travail d'expliquer aux victimes que la condamnation ne sera peut-être pas à la hauteur des espérances."
"Mais, d'un autre côté, ça peut aussi avoir un effet thérapeutique", nuance-t-elle. "D'où l'importance de se faire accompagner par des spécialistes et des professionnels. Il s'agit d'expliquer [...] que la vie continue parallèlement à cette longue attente" de la procédure pénale.
Elle rappelle toutefois qu'il n'est pas nécessaire d'avoir déposé une plainte pour bénéficier des prestations de la LAVI. Et de prévenir: "Une réparation complète d'un tel traumatisme vécu, c'est difficilement accessible."
Des progrès accomplis
Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, la LAVI encadre la prise en charge des personnes ayant subi toute atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle directement causée par une infraction pénale. Elle fixe les prestations des centres de consultation et les réparations morales.
Partiellement révisée en 1997 et 2001, la loi souffre encore aujourd'hui de lacunes, notamment en matière d'accès à la justice, et les spécialistes en ont conscience.
Malgré tout, Manon Duffour a tenu à saluer les progrès effectués depuis son introduction. Le nombre de personnes accompagnées a largement augmenté, souligne-t-elle, en partie grâce à "une meilleure connaissance des centres LAVI" dans les réseaux professionnels.
Plusieurs pistes d'amélioration
De nombreuses personnes passent toutefois encore "sous les radars", déplore-t-elle. C'est particulièrement le cas des victimes de traite d'êtres humains, qui ne s'adressent pas à ces centres.
>> Lire sur ce sujet : Il y a "de grosses différences" de traitement des victimes de traite humaine entre les cantons
Un "bilan très détaillé" sera tiré mardi lors d'un congrès à l'Université de Fribourg. Mais la spécialiste du terrain évoque déjà plusieurs pistes d'amélioration. Les prestations offertes aux victimes pourraient être étoffées et, en matière légale, elle estime qu'il faudrait "prendre davantage en compte la perspective de la victime dans toute la procédure".
À titre d'exemple, elle évoque notamment une meilleure prise en compte de la "victimisation secondaire" lors de l'accompagnement, soit le fait de forcer à répéter plusieurs fois le récit d'événements traumatisants "alors qu'on sait que c'est douloureux".
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Texte web: Pierrik Jordan