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La justice ne s'empare pas forcément des cas révélés d'abus sexuels dans l'Eglise

La justice ne s'emparera pas forcément des cas révélés d'abus sexuels dans l'Eglise. [Keystone - Ennio Leanza]
La justice pourra-t-elle s'emparer des cas d'abus sexuel dans l'Eglise catholique suisse? / La Matinale / 1 min. / le 15 septembre 2023
Une étude de l'Université de Zurich signalait en début de semaine qu'au moins un millier de personnes ont été abusées sexuellement au sein de l'Eglise catholique suisse, et ce depuis les années 1950. Il n'est cependant pas certain que les tribunaux s'emparent de ces cas.

Bien que la grande majorité des infractions contre l'intégrité sexuelle soient poursuivies d'office, donc sans la nécessité d'un dépôt de plainte, les informations sur les agressions sont lacunaires et ne figurent pas dans l'étude de l'Université de Zurich.

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La police, tout comme les autorités judiciaires, ne peuvent pas définir la date et le lieu des abus recensés. Aucun nouveau cas ne leur est parvenu depuis la parution de l'enquête, hormis ceux qui ont été dénoncés le week-end passé par un ancien vicaire. Ces derniers sont en cours d'examen par les autorités des cantons de Vaud et de Fribourg.

>> Lire aussi : Abus sexuels dissimulés: la Conférence des évêques suisses ordonne l'ouverture d'une enquête

Décision au cas par cas

Les chercheuses et chercheurs pourront également dénoncer des abus. Selon le contrat qui la lie à la Conférence des évêques suisses dans le cadre de cette étude, l'équipe précise qu'elle pourrait porter plainte si elle perçoit un éventuel acte punissable. Elle statuera au cas par cas. Enfin, certains des cas recensés par l'université de Zürich avaient déjà fait l'objet d'un dossier pénal.

La médiatisation de cette étude pourrait également encourager les dépôts de plainte, si les faits ne sont pas prescrits. Des témoins pourraient aussi dénoncer des actes. Dans ce cas de figure, la police prendrait d'abord contact avec la victime présumée pour l'informer et lui indiquer qu'elle se tient à disposition pour en discuter, a détaillé vendredi le procureur général de Neuchâtel au micro de La Matinale de la RTS.

Cependant, la victime peut refuser de s'exprimer. "La possibilité qu'on puisse fonder une accusation suffisamment solide" uniquement "sur des propos de tiers", alors que les agressions sont souvent commises à huis clos, paraît difficile, reconnaît Pierre Aubert.

Une impasse pour la justice?

Interrogée également dans La Matinale de vendredi, la professeure de droit pénal à l'Université de Lausanne Camille Perrier Depeursinge souligne également la difficulté, pour la justice, de se saisir de ces cas d'abus sexuels. Tout d'abord, les "victimes ne sont peut-être pas identifiées, ni identifiables". Et comme les faits peuvent remonter dans le temps, les assaillants sont potentiellement âgés ou décédés.

Et il existe le risque d'entraîner une personne agressée dans une procédure qu'"elle ne souhaite pas, qui risque d'être extrêmement douloureuse pour elle". De ce fait, "on peut comprendre que les autorités pénales ne foncent pas tête baissée" après la publication du rapport, conclut l'avocate.

Demander conseil aux centres Lavi

En cas d'abus de ce type, "qui ont un impact psychique évidemment dévastateur", les personnes qui souhaitent porter plainte peuvent tout d'abord se tourner vers un centre de consultation pour les victimes d'infraction Lavi, existant dans tous les cantons, explique l'avocate Joëlle de Rham-Rudloff dans l'émission Forum de la RTS. Elles pourront notamment bénéficier d'un soutien psychologique et de bons d'aide afin d'obtenir des conseils juridiques.

Toutefois, la volonté d'entamer une procédure pénale dépend des "ressources" de chaque individu, détaille la spécialiste en droit pénal vendredi. Si certains "ont besoin de déposer plainte" qu'importe "l'issue de la procédure", devoir détailler encore et encore les agressions subies "peut être un poids psychique insupportable".

Les lésés sont aussi soumis à une "victimisation secondaire", puisque leur parole sera remise en doute et la moindre contradiction reprochée, "alors que quand vous subissez un abus sexuel, vous n'êtes pas en train de prendre des notes".

>> Ecouter l'interview de Joëlle de Rham-Rudloff dans Forum :

Le traitement en justice des cas d'abus sexuels commis dans l'Eglise: interview de Joëlle de Rham Rudloff
Le traitement en justice des cas d'abus sexuels commis dans l'Eglise: interview de Joëlle de Rham Rudloff / Forum / 6 min. / le 15 septembre 2023

"La procédure pénale est une épreuve"

Même si "la procédure pénale est une épreuve", Joëlle de Rham-Rudloff note son amélioration au sein de la justice suisse avec l'introduction d'une nouvelle législation, la Lavi, en 2007.

"Les victimes ne sont plus confrontées visuellement à leur agresseur" lors de leur témoignage grâce à des salles séparées et des vitres sans teint. Quand des enfants sont entendus, ils "sont écoutés selon des protocole extrêmement stricts, par des officiers de police spécialement formés", explique-t-elle.

La spécialiste a également souligné que les avocats, tout comme les intervenants des centres Lavi, "sont là pour accompagner" les personnes dans leur démarche, alors que les procureurs et les juges sont de plus en plus sensibilisés à recevoir et analyser ce type de propos.

Propos recueillis par Coraline Pauchard

Sujets radio: Anouk Pernet et Robin Baudraz

Adaptation web: Mérande Gutfreund

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Victime d’abus? Quelques contacts qui pourront vous aider

Suite aux résultats troublants de l’étude annoncée par le département d’histoire de l’Université de Zurich le mardi 12 septembre 2023 – qui a exposé plus de 1000 cas d’abus sexuels depuis le milieu du 20e siècle – L’émission On en parle s’est intéressée à ce qu'il faut faire et à qui s’adresser lorsqu'on est victime d’abus.

>> À écouter: le sujet "Ce qu'une victime dʹabus au sein de lʹEglise peut faire quand elle souhaite sortir du silence" dans l’émission On en parle :

Victime d'abus de l'Eglise. [AFP - Julien de Rosa]AFP - Julien de Rosa
Ce qu'une victime dʹabus au sein de lʹEglise peut faire quand elle souhaite sortir du silence / On en parle / 10 min. / le 19 septembre 2023

"Si ça s’est passé récemment ou il y a juste quelques années, et le cas n’est pas prescrit au sens de la loi, il faut tout de suite s’adresser à la police et déposer une plainte. Pour les cas qui sont prescrits - peut-être la majorité des situations, parce que lorsqu'on a subi ce genre d’abus, des années sont parfois nécessaires pour que les choses remontent et pour enfin pouvoir en parler - on peut s’adresser soit à un diocèse, soit à la Commission CECAR", explique Marie-Jo Aeby, vice-présidente du groupe SAPEC lors de l’émission On en parle.

Ainsi, lorsqu'une personne est victime d’abus, il lui est possible de demander de l’aide à ces trois entités parmi tant d'autres citées également sur le site internet du groupe:

- Le Groupe SAPEC: soutien aux personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse

- La Commission CECAR: commission neutre et indépendante des autorités de l’Église catholique, chargée d’offrir aux victimes un lieu d’écoute, d’échange et de recherche d’une conciliation avec l’abuseur, à défaut avec son supérieur hiérarchique, en vue notamment d’une réparation financière

- Les centres LAVI: Aide aux victimes de violences domestique, physique, sexuelle, d’infractions et de mesures de coercition : conseils gratuits, confidentialité et anonymat garantis

Sujet radio: Jérôme Zimmermann

Adaptation web: Clarisse Cristovão