A l’origine de cette situation, un imbroglio administratif où la Suisse vient jouer le rôle de pompier. Médecins du monde (MDM) prodigue des soins médicaux dans un centre pour migrants à Zagreb, la capitale croate. C’est là aussi que la Suisse renvoie des requérants d’asile, en vertu du règlement Dublin.
Jusqu'à récemment, les activités de l’ONG étaient financées par la Croatie avec de l’argent européen. Mais le printemps dernier, ce mandat est arrivé à son terme et jusqu'à ce jour, la Croatie n’a pas lancé l’appel d’offre pour renouveler ledit mandat.
Résultat des courses, MDM ne reçoit plus un centime. Si un temps l’organisation a pu s’autofinancer, elle a dû se résoudre à stopper ses activités dans le courant du mois de mai.
Intervention de la Suisse
Si la Croix rouge locale aurait assuré une certaine continuité dans la prise en charge médicale des migrants, le SEM a décidé d’intervenir après une visite de sa directrice sur place au mois de juillet dernier. Il va financer pendant cinq mois le travail de Médecins du monde dans ce centre à Zagreb, en attendant que le financement européen reprenne.
Une centaine de milliers de francs seront donc puisés dans un fonds spécial destiné à aider les pays européens dans la gestion de la migration. "L'objectif est de renforcer la gestion des migrations en Croatie en garantissant un meilleur accès aux soins et un meilleur suivi pour les demandeurs d’asile, notamment dans le domaine de la santé mentale et du soutien psychosocial, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables", a indiqué à la RTS une porte-parole du SEM.
Suite à cet engagement de la Suisse qui reste encore à formaliser, Médecins du monde a déjà repris son travail à Zagreb.
Un geste dans l’intérêt de la Suisse
Reste que cette contribution interpelle. Pourquoi donc la Suisse vient-elle palier à ce manquement de l’Etat croate? Ne serait-ce pas plutôt à l’Union européenne de le faire? D’une part, Berne a probablement voulu jouer la carte de la solidarité. D’autre part, le maintien de soins médicaux de base pour les migrants renvoyés vers la Croatie est dans l’intérêt de la Suisse.
Ainsi, grâce à un montant plutôt modeste, le SEM va pouvoir continuer à justifier sa politique de renvoi vers ce pays, régulièrement critiqué par les organisations de défense des migrants.
Marc Menichini
Un soutien critiqué
Le soutien du SEM à Médecins du monde ne convainc pas l’ONG Solidarité sans frontières. A ses yeux, ce financement montre que "l’accès aux soins n’est pas garanti par le système d’asile croate". En outre, il peut être considéré comme un investissement pour légitimer des expulsions, "ce que nous critiquons fortement", a réagi sa secrétaire politique Sophie Guignard. Elle estime évident que "le problème d'accès aux soins en Croatie ne peut pas être réglé par quelques milliers de francs".
L’autorité fédérale en charge de la migration, elle, rejette ces critiques. "Ni le SEM ni le Tribunal administratif fédéral ne partent du principe que le système d'asile croate présente des faiblesses systémiques", a écrit à la RTS l’un de ses porte-paroles. "À notre connaissance, aucun autre Etat Dublin n'a suspendu les transferts vers la Croatie".