"L'avis d'ici": les Suisses et les Suissesses partagent leurs préoccupations sur l'immigration
Tous les quatre ans, dans le cadre des élections fédérales, les partis rivalisent d'idées et de slogans. Mais sont-ils à la hauteur des préoccupations des Suissesses et des Suisses? Dans "L'avis d'ici", 18 personnes issues de différentes régions de Suisse romande partagent leurs inquiétudes et leurs préoccupations dans les différents rendez-vous d'actualité de RTS La Première.
Cette semaine, les témoins partagent leurs préoccupations sur la thématique de l'immigration, mais aussi sur la croissance de la population et les abus dans l'église.
Débat de Forum
La Suisse face aux défis de l'immigration
Le 4e grand débat en vue des élections fédérales était organisé jeudi à Aigle (VD) sur le thème de l'immigration.
Dans le cadre de l'opération "L'avis d'ici", l'émission Forum a soumis les trois témoignages de la semaine - à découvrir ci-dessous - à six candidates et candidats au Conseil national: les sortants Jacqueline de Quattro (PLR/VD) et Christian Dandrès (PS/GE) ainsi que Emmylou Ziehli-Maillard (UDC/VD), Ludivine Luy-Lovey (Le Centre/VS), Guilia Tognola (Les Vert-e-s/FR) et Pablo Cruchon (Ensemble à Gauche/GE).
>>> Le débat de Forum:
Demander la naturalisation
Quelles motivations?
Quelque 41'000 personnes ont obtenu la nationalité helvétique l'an dernier. Selon la Confédération, la première raison qui motive les demandes de naturalisation - et de loin - c'est le sentiment d'être bien intégré. Viennent ensuite la sécurité pour l'avenir et l'obtention du droit de vote.
Dans le 12h30, Nicolas Tirelli et Camille Spinelli témoignent de leur envie de pouvoir participer à la vie démocratique à tous les échellons de notre Etat fédéral.
Le premier arrivé d'Italie à l'âge de 8 ans a attendu d'être sur le point de prendre sa retraite pour déposer une demande. Camille Spinelli, de nationalité française, a en revanche entamé la démarche dès qu'elle a atteint le minimum de requis des 10 ans de domiciliation en Suisse.
Défis du quotidien
Conciliation entre vie familiale et vie professionnelle
Dans beaucoup de couples en Suisse, la tâche de s'occuper des enfants revient principalement aux mères. Dans la plupart des cas, ce sont elles qui réduisent leur temps de travail. Mais entre partage des tâches et conciliation vie professionnelle-vie privée, les femmes font face à de nombreux défis.
Manque de structures d'accueil
Et cela commence dès le matin, lorsqu'il faut préparer et amener les enfants à l'école. Pour Laure Menoud et Susana Limao, les matinées sont de vraies courses contre la montre. "Si les fratries, au moins quand elles fréquentent la même école, pouvaient fréquenter la même structure de parascolaire, ça aiderait sûrement", affirme Susana Limao.
La binationale dit avoir été choquée en arrivant du Portugal face aux manque de place dans les structures d'accueil en Suisse. Elle estime que le pays devrait en faire davantage et dit que ce sujet influencera son vote lors des élections fédérales.
"C'est une cause qui m'impacte", affirme-t-elle. "Et même si je ne vais pas en profiter, j'aimerais bien que les générations futures puissent avoir une conciliation vie familiale et travail beaucoup plus sereine".
Partage des tâches
Laure Menoud, elle, a décidé de reprendre le travail lorsque ses plus jeunes enfants ont été scolarisés. Mais avec les longs horaires de son mari, toutes les tâches reposaient encore sur elle. Depuis le Covid cependant, celui-ci travaille davantage en télétravail. "A ce moment-là, on a pu revoir l'organisation et envisager que je reprenne une activité", explique Laure Menoud.
Jean-Philippe, son mari, est très content de ce nouveau rythme de vie. Et pour lui, une meilleure répartition au sein du couple passe aussi par une revalorisation des salaires des femmes. "Si ma femme pouvait avoir un meilleur salaire, équivalent au mien, on pourrait encore plus se partager les tâches", affirme-t-il.
Eglise catholique
Main d'oeuvre étrangère
L'Eglise connaît elle aussi sa pénurie de main d’œuvre. Lukasz Babiarz fait partie des nombreux prêtres étrangers en Suisse. Arrivé il y a 15 ans, il travaille dans l’unité pastorale Notre-Dame de Compassion à Bulle. "C’est l’évêque de mon archidiocèse de Pologne qui m’a proposé de venir en Suisse après avoir travaillé un an dans mon pays d’origine", raconte Lukasz Babiarz.
Beaucoup de Polonais
Dans le diocèse de Fribourg, la majorité des prêtres étrangers viennent de Pologne. Lukas Babiarz explique qu’il y a beaucoup de vocations dans son pays d’origine. Ils sont donc beaucoup à partir à l’étranger. "Il y a certains endroits dans le monde entier où il y a peu de présence de prêtres, notamment en Amérique du Sud". C’est donc assez naturellement que les prêtres sont amenés à exercer dans un autre pays.
Intégration des prêtres
Comme tous les prêtres arrivés en Suisse, Lukas Babiarz a très rapidement pu bénéficier de cours d’allemand, puis de français. Par ailleurs, l’Evêché de Lausanne, Genève et Fribourg organise pour les prêtres venus de l’étranger des cours pratiques, notamment sur comment remplir une déclaration d’impôts, lors de leur arrivée en Suisse.
Les pendulaires
Difficile d'utiliser uniquement les transports publics pour se déplacer
Pour Susana Limao, Laure Menoud et Guillaume Pralong, utiliser les transports publics va de soi. Mais dans leur quotidien, il n'est pas toujours simple de se déplacer qu'en bus, en train ou encore en tram.
Parmi les témoins, Guillaume Pralong, ingénieur aux CFF, privilégie le train grande ligne grâce à son abonnement général, mais il doit combiner avec d'autres moyens de transport pour certaines destinations.
Laure Menoud, quant à elle, se retrouve confrontée au manque de transports publics hors des centres urbains et à leur fréquence insuffisante. Parfois, elle doit recourir à sa voiture pour déposer ses enfants à l'école.
Enfin, Susana Limao est une fervente utilisatrice des transports publics, n'ayant pas de voiture. Elle rêve de villes sans véhicules privés, mais constate que l'attention est souvent portée sur les trains au détriment des bus.
Changer de canton
Près de 155'000 personnes l'ont fait en 2022
Changer de canton pour s'y établir. Près de 155'000 personnes l'ont fait en 2022 en Suisse. C'est ce qu'on appelle la migration intercantonale.
Guillaume Pralong, 49 ans et Valaisan d'origine, a posé ses valises et ses papiers il y a presque 15 ans dans le canton de Neuchâtel pour le travail.
Eglise catholique
Les croyants face aux scandales de pédophilie
L’étude zurichoise dévoilée la semaine dernière sur l’ampleur des abus sexuels dans l’Eglise catholique a créé une onde de choc en Suisse. Laure Menoud, qui occupe le poste de secrétaire de la représentante de l’évêque de Fribourg francophone, se dit abasourdie et en colère. Elle craint également qu'un climat de suspicion se mette en place au sein de l’institution.
"Aucun prêtre ni agent pastoral n'a été nommé. J'ai un peu souci qu'on dise ‘ça pourrait être celui-ci ou celui-là’. A titre tout à fait personnel, je pense qu'on devrait aller jusqu'au bout et dire les noms des coupables avérés, parce que ça évitera d'être victime de suspicion et de travailler dans ces conditions-là", confie-t-elle mardi dans Forum.
Nouveaux électeurs
Le 22 octobre, ils seront 365'000
Ces nouveaux citoyens, qui peuvent voter pour la première fois, sont souvent de jeunes adultes, mais aussi des personnes fraîchement naturalisées.
C'est le cas de notre témoin du jour. Portugaise d'origine, Susana Limao est arrivée en Suisse en 2007, elle a désormais la binationalité.
Passionnée de randonnée et d'alpinisme, elle témoigne mardi dans La Matinale lors d'une d'une de ses excursions du côté du lac Noir dans les Préalpes fribourgeoises.
Une passionnée de montagne
"J'ai toujours marché avec mon père, ma sœur et mon frère dans les montagnes portugaises. Mais en Suisse, grâce aux transports publics, qui facilitent l'accès aux montagnes, tout cela a pris une autre ampleur", explique Susana Limao.
Sa plus ancienne carte de membre d'un club est celle du Club alpin suisse. Cette activité lui a permis d'intégrer une grande famille et a contribué à son intégration dans son pays d'adoption.
Etre citoyenne est un honneur
Naturalisée depuis une année et demie, sa nouvelle citoyenneté lui permet de participer "aux grands choix" de la société faits lors des votations, affirme-t-elle. D'ailleurs, cette participation civique lui semble importante, car elle lui permet d'aller au-delà d'une intégration associative. Et surtout, c'est l'occasion de partager la même binationalité que ses filles.
Les prochaines Fédérales ne la plongeront pas dans l'inconnu. Elle s'était déjà intéressée à ces élections il y a quatre ans. Pour elle, les préoccupations des Suisses n'ont pas fondamentalement changé depuis les dernières élections fédérales, estime-t-elle
"Déposer l'enveloppe et remplir le bulletin de vote seront émouvants", pour elle, c'est toujours un moment particulier, puisque au niveau cantonal, elle a déjà pu voter, explique la nouvelle citoyenne.
Croissance démographique
A Bulle, le nombre d'habitants a explosé
Dans le canton de Fribourg, la région de Bulle connaît une croissance record. En l'espace de 20 ans, le nombre d'habitants et d'habitantes y a plus que doublé.
Ici, les immeubles poussent comme des champignons, ce qui inquiète parfois la population gruérienne, à l'instar de Laure Menoud, habitante de Riaz, village de la périphérie bulloise.
"Ici au Terraillet, on a appris il y a une année que tout cet immense champ allait être construit. Je crois qu'ils attendent à peu près 5000 habitants de plus à Bulle (...) C'est dommage, car c'est encore un petit espace vert avec une jolie ferme qui est amené à disparaître. Cela pose aussi des questions par rapport aux infrastructures scolaires mais aussi de transports", explique-t-elle dans le 12h30.
"Il n'y a plus ce côté campagnard"
Dans la région, les champs se font en effet de plus en plus rares, à mesure que s'érigent les immeubles. Laure Menoud se demande jusqu'où cela pourra aller. "Est-ce que la ville de Bulle peut encore accepter, absorber tous ces gens?", se demande-t-elle.
A cela s'ajoute l'arrivée future de Rolex, qui va installer un site de production qui devrait générer plus de 2000 emplois. "On se doute bien que tous ces gens n'habiteront pas Bulle pour venir travailler, donc il y aura plus de trafic, alors que la sortie de Bulle est déjà congestionnée le soir et le matin", explique-t-elle.
La Riazoise dit également ne plus reconnaître le centre-ville. "Il n'y a plus vraiment ce côté campagnard. On est maintenant vraiment dans une grande ville. Je regrette le bon vieux temps", conclut-elle.
Pénurie de main d'oeuvre
Une immigration "nécessaire" mais qui doit "s'intégrer"
Dans le dernier baromètre de la SSR, l'immigration était la troisième préoccupation des Suisses et Suissesses. Dans le même temps, une pénurie de main-d'œuvre est constatée dans plusieurs secteurs de l'économie.
Pour les trois nouveaux témoins de "L'avis d'ici", c'est surtout l'intégration qui est importante.
Laure Menoud, 41 ans, habite à Riaz, dans le canton de Fribourg. Pour elle, il y a eu un véritable changement. "A l'époque, il y avait énormément d'Italiens, de Portugais et d'Espagnols qui venaient pour faire des travaux que les Suisses ne voulaient pas faire (...) mais il y avait cette envie de leur part de s'intégrer. Maintenant, j'ai l'impression que c'est de moins en moins le cas. Ils viennent chez nous sans vouloir prendre les us et coutumes des Suisses", affirme-t-elle.
Pour celle qui est secrétaire de la représentante de l'évêque de Fribourg francophone, l'immigration est toutefois nécessaire. Elle le constate d'ailleurs tous les jours dans sa profession. "Nous avons énormément de prêtres venus de l'étrangers. Beaucoup d'Africains, de Polonais et également de Français. C'est une main-d'œuvre particulière mais qui nous rend extrêmement service", explique-t-elle.
"Des limites" à mettre en place
Pour Guillaume Pralong, 49 ans, l'immigration est également une nécessité. "Je pense que l'économie a besoin de cette immigration. En fréquentant régulièrement les chantiers, on s'aperçoit qu'il manque du monde", analyse le Valaisan, ingénieur civil de formation.
Mais celui qui habite désormais le canton de Neuchâtel estime qu'il faudrait mettre certaines limites. "On doit rester une terre d'accueil mais on ne peut pas accueillir tout le monde non plus. Au bout d'un moment, on a un problème d'espace et d'infrastructures", juge-t-il. Selon lui, le risque est de ne pas réussir à intégrer ces nouvelles populations, ce qui risque de créer de la "délinquance" et des "incivilités."
La gestion des frontaliers en question
Susana Limao, 46 ans, est d'origine portugaise et a été récemment naturalisée Suissesse. Arrivée dans le pays en 2007 pour travailler à l'EPFL, cette ingénieure domiciliée à Lausanne mais qui pendule aussi du côté de Genève estime que le problème principal n'est pas l'immigration, notamment l'arrivée de réfugiés.
D'après elle, le défi le plus important concerne les frontaliers et les frontalières. "Ces personnes qui sont actives en Suisse passent la moitié de leur temps ici. Elles sont donc tributaires des infrastructures suisses en terme de mobilité, de santé, voire d'éducation", explique-t-elle.
Autre crainte de Susana, les personnes de l'étranger engagées par des multinationales et qui font gonfler les prix du marché du logement.