Moins d'un an et demi après être arrivé à la tête du Valrose, Benoît Carcenat a été récompensé avec le titre de chef suisse de l'année 2023 décerné par le GaultMillau. "C'est allé très vite. On a beaucoup travaillé sans avoir cela forcément en ligne de mire, mais c'est arrivé et on est très content", confie-t-il mardi dans La Matinale.
Le chef le sait, le GaultMillau l'a aidé à lancer le restaurant en attirant les gourmands: "Ça a fait venir beaucoup de gens. Ça nous a donné une visibilité incroyable qui nous était nécessaire, car le restaurant n'est pas au centre de Lausanne ou de Zurich."
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Toutefois, cette récente récompense n'alourdit pas la pression que se met le cuisinier. Au contraire, celui qui est Meilleur Ouvrier de France 2015 la prend comme un bon signe.
"On gère la pression en se disant que les récompenses doivent nous suivre, pas nous devancer. Elles doivent être la récompense de notre travail. On a plus de pression à bien faire tous les jours, satisfaire les clients, être dans une créativité permanente et être dans une régularité. (...) Mais en effet cette récompense nous conforte dans l'idée qu'on est sur le bon chemin", assure le chef de l'établissement de Rougemont.
L'expérience des grands maîtres
Avant d'en arriver là, Benoît Carcenat est passé dans les cuisines de grands noms de la profession comme Thierry Marx, Joël Robuchon, et feu Benoît Violier à l'Hôtel de Ville de Crissier (VD).
"A Crissier, j'ai appris à devenir un cuisinier", exprime-t-il avec reconnaissance. "Benoît Violier m'a appris la rigueur, le goût du bon produit, la motivation de toujours aller chercher plus loin, de ne jamais se satisfaire de ce qu'on est. Lui, il représentait la grande cuisine, donc il m'a appris énormément de choses, dont l'attitude."
Benoît Violier m'a appris la rigueur, le goût du bon produit, la motivation de toujours aller chercher plus loin
Ce sont ces qualités qu'il met au service de ses clients et qui lui permettent de proposer un menu de haute gastronomie à un prix d'entrée de 260 francs par personne.
"Le prix du menu est fait de sorte qu'on puisse vivre, payer notre personnel et notre marchandise. On est tout à fait conscient qu'il n'est pas accessible à tout le monde. Il y a des gens qui peuvent se le permettre tous les jours quand d'autres économisent pour venir manger chez nous. Donc, on se place en marchand de rêve: on offre un service très personnalisé." Benoît Carcenat travaille avec une trentaine de collaborateurs.
"On a fait le choix d'être dans la haute gastronomie, ce qui nécessite d'appliquer de tels prix selon la façon dont on la conçoit", ajoute-t-il. "On peut cuisiner pas cher mais à un moment donné dans un menu gastronomique sur neuf plats, on est obligé de mettre du turbot de ligne, de la langoustine, du homard, du boeuf. Et puis, toutes les préparations et la façon dont c'est servi justifient le tarif."
Amoureux de l'endroit
C'est à Rougemont que le chef français originaire du Périgord et son épouse ont choisi de s'établir car ils sont tombés amoureux de l'endroit, du propriétaire de l'établissement et des producteurs.
"C'est une histoire de rencontres. Je connaissais le propriétaire des lieux sans savoir qui il était. Un jour, je l'ai revu et il m'a tout de suite dit 'si tu veux, on fait quelque chose ensemble ici à Rougemont' et en rentrant dans le restaurant, j'ai trouvé les lieux magnifiques. J'ai eu un coup de coeur pour l'endroit."
Rougemont est un garde-manger à ciel ouvert
Et la petite localité vaudoise lui rappelle son enfance dans la nature. "Ce lieu me plaît beaucoup. Quand j'étais petit, j'ai été élevé en étant un peu loin de tout. On profitait de tout ce qui était dans la nature: les champignons, les escargots, les herbes, la pêche... Et puis Rougemont est un garde-manger à ciel ouvert avec la montagne. Je m'y retrouve tout à fait. J'aime beaucoup cet endroit", insiste-t-il.
La nature à portée de main
Benoît Carcenat se félicite d'avoir "la nature à portée de main" et "de la place à l'extérieur". "On a fait un jardin et on a enterré des choses sous la terre qu'on laisse vieillir, comme le kimchi, une sorte de choucroute coréenne. Ça aurait été difficile de le faire au centre de Genève. (...) A deux pas du restaurant il y a des herbes: de l'oxalis, de l'achillée millefeuille, plein de choses. Et tous ces artisans dans cette région qui font vivre le restaurant par leurs produits, qui sont magnifiques", s'émerveille-t-il.
Selon le chef, il n'a pas été si difficile de s'intégrer dans le Pays-d'Enhaut en tant que Français car il a expliqué aux gens ce qu'il voulait faire et leur a fait goûter sa cuisine. Des partenariats se sont facilement créés et le fait que son épouse vienne de Château-d’Œx a facilité les choses. "Avec mon épouse de là-bas, la moitié du passeport était déjà là", s'amuse-t-il.
Sujet radio: Pietro Bugnon
Adaptation web: Julie Marty